
Afin d’assurer la stabilité de l’Union économique et monétaire, l’Union européenne dispose de plusieurs instruments visant à instaurer une certaine discipline économique et budgétaire en son sein. La coordination économique concerne tous les Etats membres, mais elle est renforcée pour les 19 pays qui font partie de la zone euro. Il existe donc des outils différents s’appliquant à la fois aux pays qui utilisent l’euro et aux autres.
L’entrée en vigueur du traité de Maastricht en 1993 a introduit des règles budgétaires (déficit public inférieur à 3 % du PIB, dette publique inférieure à 60 % du PIB), mais aussi économiques, concernant la stabilité des prix, les taux de change et les taux d’intérêt à long terme. Ce traité a été renforcé en 1997 par l’adoption du Pacte de stabilité et de croissance, peu avant l’introduction de la monnaie commune, et de 2011 à 2013 par plusieurs textes : le Semestre européen, le Six-Pack, le Two-Pack et le Pacte budgétaire européen.
Avant le traité de Maastricht, plusieurs instruments avaient déjà été mis en place, notamment sur le plan monétaire. Le Serpent monétaire européen, instauré en 1973 après la fin du système de Bretton-Woods, et son successeur, le Système monétaire européen (1979), encadraient la fluctuation des taux de change européens, pour éviter une trop grande volatilité des monnaies européennes les unes par rapport aux autres.
De Maastricht au Pacte de stabilité et de croissance : les bases de la coordination économique
Durant les travaux de mise en place de l’Union économique et monétaire (UEM) à partir de 1988, plusieurs principes de coordination budgétaire ont été établis. Ces règles, inscrites en 1992 dans le traité de Maastricht, concernent notamment le solde budgétaire (solde annuel des dépenses publiques : déficit ou excédent) et l’endettement public (accumulation des déficits annuels). Il s’agit de deux des cinq critères des convergence, prévus par le traité : une limitation du déficit, qui doit être inférieur à 3 % du PIB, et un plafonnement de l’endettement, qui ne doit pas dépasser 60 % du PIB.
En juin 1997, alors que la zone euro est sur le point d’être mise en place, le Conseil européen adopte le Pacte de stabilité et de croissance (PSC), dont l’objectif est de réaffirmer la discipline budgétaire nécessaire à l’harmonie de l’UEM. Même si la politique budgétaire demeure une compétence nationale (contrairement à la politique monétaire), elle est encadrée par le PSC, qui se compose de deux règlements (1466/97 et 1467/97) :
- Le premier concerne le “volet préventif du pacte”. Il prévoit notamment que les Etats membres présentent tous les ans un programme de stabilité (pour les participants à la zone euro) ou un programme de convergence (pour les autres Etats).
- Le deuxième règlement est le volet correctif du pacte. En cas de déficit excessif, le Conseil ECOFIN adresse alors des recommandations à l’Etat en question, et peut prendre des sanctions : dépôt financier auprès de la Commission (0,2 % du PIB), qui peut être converti en amende définitive (jusqu’à 0,5 % du PIB) si le déficit excessif n’est pas comblé, ou suspension des paiements des Fonds européens structurels et d’investissement.
Dans les faits, si des Etats membres ont déjà été placés en procédure de déficit excessif, aucun n’a pour l’heure eu à régler d’amendes. La France, placée en procédure de déficit excessif en 2009, en est sortie en 2018. Et une clause dérogatoire, activée en mars 2020, a officiellement autorisé les pays à dépasser les plafonds pour faire face à la pandémie de Covid-19, puis au choc économique provoqué par la guerre en Ukraine.
Les cinq critères de convergence définis par le traité de Maastricht, encadrent non seulement la dette et le déficit, mais aussi l’inflation, les taux de change (pour les pays non-membres de la zone euro) et les taux d’intérêt à long terme.
Face à la crise économique, de nouveaux instruments
La crise économique qui frappe l’Europe à partir de 2008 a suscité de nouvelles évolutions de la coordination budgétaire, qui viennent préciser les règles en place, et instaurent une surveillance budgétaire plus complète.
Le Semestre européen
Le Semestre européen est introduit en janvier 2011. Il s’agit d’un nouvel outil de coordination et de surveillance budgétaire et économique des politiques nationales.
Il débute en novembre par la publication de l’enquête annuelle de croissance par la Commission européenne ainsi que le projet de recommandation pour la zone euro. Le Conseil européen (la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement) valide en mars les orientations de politique économique, dont les Etats membres doivent tenir compte dans l’élaboration de leurs projets de budgets nationaux.
En avril, les Vingt-Sept transmettent à la Commission leurs programmes de stabilité ou de convergence et leurs programmes de réformes. Fin mai, l’exécutif européen propose ses recommandations pour chaque Etat membre, avant qu’en juin, les Conseils ECOFIN (Economie et Finances) et EPSCO (Emploi, Affaires sociales, Santé, Protection des consommateurs) les finalise, puis que le Conseil européen les approuve définitivement.
Le Semestre européen se termine en juillet par l’adoption par le Conseil de l’Union européenne des recommandations individuelles pour les 27 Etats membres, qui sont intégrées au processus d’établissement des budgets nationaux pour l’exercice suivant.
“Two pack” et “Six pack”
En plus du semestre européen, deux paquets législatifs sont présentés en 2011 pour renforcer la discipline budgétaire : le Two pack et le Six pack.
- Le “Two pack” englobe deux propositions de la Commission, entrées en vigueur en mai 2013, qui visent à s’assurer que les Etats membres intègrent les engagements pris au niveau européen au moment de l’adoption du budget national en fin d’année ; et à organiser l’assistance financière en cas de difficulté financière d’un Etat.
- Le “Six pack” (2011) porte à la fois sur le volet préventif et correctif du PSC. Il prévoit notamment une meilleure prise en compte du critère de la dette, une quasi-automatisation des décisions prises en cas d’infraction des règles par un Etat membre et la mise en place de sanctions financières graduelles en cas d’absence de mesures suivies d’effet.
Le pacte budgétaire européen (TSGC)
Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), surnommé “pacte budgétaire européen”, est un texte signé le 2 mars 2012 par 25 chefs d’Etat et de gouvernement, et entré en vigueur le 1er janvier 2013. Il s’agit d’un ensemble de dispositions qui viennent renforcer l’Union économique et monétaire.
Le traité veut mettre en place une “union budgétaire” davantage approfondie, prévoyant par exemple un déficit public structurel inférieur à 0,5 % du PIB pour chaque pays. En outre, il réaffirme le principe selon lequel la dette publique ne doit pas dépasser le plafond de 60 % du PIB, et diminuer d’un vingtième par an dans le cas où elle dépasserait ce seuil. Ces règles doivent alors être introduites par les Etats membres dans leur droit national pour garantir le respect d’une “règle d’or” d’équilibre structurel.
L’origine du pacte budgétaire européen remonte au Conseil européen de décembre 2011. Lors de cette réunion, deux Etats membres (Royaume-Uni et République tchèque) ont décidé de ne pas le signer (entrée en 2013 dans l’Union européenne, la Croatie ne l’a pas fait non plus). De ce fait, le traité n’est donc pas intégré au droit de l’Union européenne.
Le Mécanisme européen de stabilité
Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) prévoit en outre la mise en place du Mécanisme européen de stabilité (MES), entré en vigueur en septembre 2012. Il s’agit d’un dispositif de gestion des crises financières de la zone euro, qui remplace le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et le Mécanisme européen de stabilité financière (MESF). En effet, le FESF et le MESF étaient destinés à être temporaires, car privés de fondement juridique dans les traités de l’Union européenne.
Le MES est une organisation intergouvernementale qui siège à Luxembourg (son directeur général par intérim est le Français Christophe Frankel depuis octobre 2022). Doté d’un capital autorisé de 700 milliards d’euros (80 milliards d’euros de fonds propres et 620 milliards mobilisables auprès des Etats membres), le MES est en charge d’aider sous conditions les Etats en difficulté et de participer au sauvetage de banques privées. Il peut acheter des obligations d’Etat (sur le marché primaire ou marché secondaire) et fournir des prêts. Pour pouvoir mener ces actions, il lui est nécessaire d’obtenir l’accord unanime des pays de la zone euro. Par ailleurs, l’Etat bénéficiaire doit s’engager dans une politique d’assainissement des dépenses publiques. Qualifié de “pare-feu permanent de la zone euro” ou de “FMI européen” par la presse, il est financé par les pays membres de la zone euro : la France y contribue à hauteur de 20,5 %, derrière l’Allemagne (27 %) mais devant l’Italie (18 %), l’Espagne (12 %) et les Pays-Bas (6 %).
La Grèce, l’Irlande, l’Espagne et le Portugal ont bénéficié des prêts du MES au cours de la crise de la dette, entre 2010 et 2018. Dans le contexte de la pandémie de Covid-19 en 2020 et 2021, le MES a mis à disposition 240 milliards d’euros de prêts à destination des Etats membres - des prêts qui n’ont pas trouvé preneur, ceux-ci ayant préféré se tourner vers les subventions du plan de relance européen.
Un accord a été conclu au sein de l’Eurogroupe en novembre 2020 pour une réforme du MES qui s’applique en 2022. L’objectif est d’améliorer la préparation aux crises, et d’augmenter les capacités de soutien du mécanisme face aux défaillances bancaires.
Vers une réforme des critères ?
Le Pacte de stabilité et de croissance est assorti d’une clause de sauvegarde, qui peut être activée dans certaines circonstances. C’est cette clause qui a notamment permis la suspension des règles budgétaires depuis mars 2020, afin de permettre aux Etats de répondre massivement aux conséquences de la pandémie de Covid-19. Ils ont ainsi financé des mesures temporaires comme le chômage partiel, des indemnités aux entreprises touchées par les mesures sanitaires ou encore des investissements dans la relance économique. Le 23 mai 2022, la Commission européenne a annoncé que cette dérogation temporaire était prolongée jusqu’à la fin 2023 pour faire face aux fortes perturbations économiques entraînées par l’invasion russe de l’Ukraine.
Mais après l’augmentation significative de la dette des pays européens, aggravée par la crise sanitaire, et face au manque d’efficacité du Pacte de stabilité et de croissance, la Commission européenne a proposé en novembre 2022 de revoir ses règles. Le projet vise à mieux s’adapter à la situation économique de chaque Etat, mais aussi à mieux appliquer les sanctions, en réduisant notamment le montant des amendes.