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David Cameron : quand le masque tombe

David Cameron est un homme très occupé : après avoir été élu de justesse Premier ministre du Royaume-Uni en 2010, il brigue un second mandat et sera soumis au vote des Britanniques le 7 mai prochain.

Son image énergique et moderne lui a permis de remettre son parti au pouvoir après treize années passées dans l’opposition. S’il a su jouer des apparences, il ne tranche en réalité pas vraiment avec l’ancienne ligne politique des conservateurs ; il est profondément eurosceptique, issu d’un milieu privilégié et prône un rôle minime de l’Etat. Il a mis la Grande-Bretagne au régime sec pendant cinq ans et en tire des résultats discutables.

David Cameron

Cameron aime les médias, où il apparaît décontracté, souriant, accessible. Il laisse régulièrement entrer les caméras dans l’intimité de sa vie de famille et a su émouvoir la Grande-Bretagne en évoquant la mort en 2009 de son fils handicapé âgé de six ans. Jouer avec les apparences et les images, c’est sûrement ce qu’il sait faire de mieux.

David Cameron

David Cameron et son épouse Samantha devant le 10, Downing Street.

En pleine campagne électorale, il accepte d’ouvrir les portes du 10 Downing Street, la résidence des chefs de gouvernement britannique, au journal The Sun. Un mini-reportage d’une dizaine de minutes où l’on aperçoit le Premier ministre en plein travail dès 7 heures du matin, où les documents officiels côtoient brosses à dents et autres boîtes de céréales. Il y a de quoi surprendre pour un chef d’Etat conservateur.

Soucieux de donner une image proche du peuple, Cameron regrette de ne plus pouvoir sortir de chez lui le week-end pour acheter le journal ou se promener dans un parc. Une situation qu’il qualifie, avec un accent tout droit sorti d’Oxford, de “curieuse” .

David Cameron

David Cameron au Lord Mayor of London’s Banquet.

Un pur produit de l’aristocratie anglaise

Le vernis populaire n’est pourtant pas difficile à faire craquer : David Cameron est en fait l’archétype même de l’aristocrate de droite. Descendant du roi Guillaume IV, né en 1966 d’un père cadre de la City et d’une mère travaillant dans la magistrature, Cameron fréquente les écoles les plus prestigieuses, dont l’établissement privé d’élite Eton, où ont étudié entre autres George Orwell, John M. Keynes ou encore les deux princes William et Harry.

Une éducation de premier ordre, préparant aux plus hautes responsabilités, qu’il poursuit ensuite à Oxford. Dans cette université, il intègrera le très fermé Bullingdon Club, un cercle d’étudiants à la réputation sulfureuse en raison de ses membres : de jeunes hommes riches, fiers de l’être et au comportement très provocateur. Un épisode de la jeunesse de Cameron qui fait particulièrement tâche, mais qu’il balaie d’un revers de la main en affirmant que “ce qui compte, ce n’est pas d’où l’on vient, mais où l’on va” . Encore aujourd’hui, cette image de jeune homme en queue-de-pie, né avec une cuiller en argent dans la bouche, lui colle à la peau et risque bien de l’éloigner de ses électeurs.

À Oxford, il étudie la philosophie, la politique et l’économie de 1985 à 1988 sans éclat ni véritables ambitions politiques. À sa sortie de l’université, il rejoint néanmoins le Parti conservateur, où il travaille en tant que conseiller de John Major et Margaret Thatcher pour préparer leurs conférences de presse. Et après un intermède de quelques années dans le privé, dans un groupe de médias, il est élu député pour la première fois en 2001, dans une circonscription proche… d’Oxford.

David Cameron

David Cameron lors d’un meeting de campagne.

Le Tony Blair conservateur ?

En 2005, à tout juste 39 ans, il est propulsé à la tête du parti Tory. Le défi qui l’attend est de taille : cela fait treize années que les conservateurs sont dans l’ombre et perdent élection après élection, alors qu’ils avaient mené la danse politique pendant presque vingt ans de 1979 à 1997.

L’enjeu est de créer un ‘New Conservative party’, tout comme Tony Blair est parvenu à réformer le Labour en un ‘New Labour’ pendant les années 1990. Il s’agit de donner un nouveau souffle à des conservateurs dépassés à la fois sur le plan de la représentation comme sur le plan des idées. Ils ne parviennent en effet pas à se dépêtrer de cette image désuète et stéréotypée qu’ils ont auprès des électeurs, tandis qu’ils peinent à sortir de leur idéologie néolibérale datant des années 1980.

Fort de son expérience en communication, David Cameron se présente en homme providentiel. A l’aise en public, prononcer des discours sans note ne l’effraie pas et il n’hésite pas à s’entourer de professionnels issus des médias.
Il engage l’ancien rédacteur en chef du tabloïd News of the World Andy Coulson et est un ami proche de Rebekah Brooks, autre ancienne directrice du journal et du Sun. Des liaisons dangereuses qui entacheront en 2012 la réputation de M. Cameron après le scandale des méthodes très contestables (manipulation, mises en scène, corruption, écoutes téléphoniques…) employées par les journalistes de ces publications à scandales. Si Rebekah Brooks a été blanchie par la justice en 2014, Andy Coulson, lui, a été condamné à 18 mois de prison ferme pour “écoutes téléphoniques illégales en bande organisée” .

Malgré tout, le pari est gagné : Cameron a su rénover l’image vieillissante de son parti, ce qui le mènera à la victoire en 2010. Mais il triomphe sans gloire car cette dernière est courte et a nécessité une coalition avec les libéraux-démocrates. Pour cela, le leader du parti conservateur a tâché de “colorer” , rajeunir et féminiser les Tories en rendant les minorités membres du parti plus visibles. De quoi rendre les conservateurs nettement plus télégéniques dans un pays connu pour son multiculturalisme.

Il change le mode de financement du parti, tacle les députés aux revenus indécents et promeut par ailleurs une politique “moderne et compatissante” , tâchant par exemple d’être compréhensif envers les délinquants. Bref, un conservatisme libéral saupoudré de quelques préoccupations sociales et écologiques.

La comparaison entre Cameron et Blair est fréquente : ils sont tous deux brillants, jeunes, énergiques, ont de jeunes enfants… Une analogie plutôt favorable au conservateur quand on connaît le succès et la popularité passée de son prédécesseur de gauche. Mais le rapprochement s’arrête là.

Car tout ce modernisme, David Cameron l’a rapidement évacué une fois arrivé au pouvoir : le gouvernement qu’il forme en 2010 est pour le moins peu représentatif de la diversité culturelle du pays, et ne compte que quatre femmes ministres sur vingt-trois.

Ses principaux chevaux de batailles sont peu ou prou les mêmes que ceux de Margaret Thatcher : Cameron ne jure que par la réduction des dépenses publiques, impose une drastique cure d’austérité et mène une politique eurosceptique intransigeante.

David Cameron

À l’épreuve du scrutin

À quelques semaines des élections législatives, David Cameron brigue aujourd’hui un second mandat pour “finir le travail” .

Pour cela, il promet une large renégociation des relations de la Grande-Bretagne avec l’Union européenne et un référendum sur l’adhésion du pays à l’UE dans le cas d’un échec.

Une stratégie risquée - en octobre 2014, 56 % des Britanniques se déclaraient défavorables à une sortie de l’UE - qui semble s’imposer à David Cameron, dont le parti est de plus en plus eurosceptique et qui voit le parti nationaliste britannique UKIP progresser fortement jusqu’à représenter une réelle concurrence pour les conservateurs. Quitte à s’approprier des promesses anti-immigration. David Cameron le concède lui-même : il est davantage guidé par le pragmatisme que par une idéologie claire et précise.

Quant à son bilan économique qu’il ne cesse de mettre en avant, après cinq ans au pouvoir, il est plutôt mitigé.

Le Premier ministre peut certes s’enorgueillir des bons indicateurs : 2,6 % de croissance en 2014, taux de chômage à 5,7 %, des salaires en hausse de 2 %, une inflation quasi nulle et une baisse des dépenses publiques de 47 à 41 %. Mais il faut garder à l’esprit que ces résultats n’ont été obtenus que récemment, parce que le gouvernement a discrètement assoupli sa politique de rigueur, réalisant qu’elle ne produisait pas les effets escomptés.

Par ailleurs, depuis 2008, le déficit public reste élevé (environ 5 % du PIB), les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres se sont fortement creusées, les salaires du secteur public ont été gelées, les prestations sociales grignotées, les emplois de plus en plus précarisés, les collectivités territoriales se sont vues priver de 40 % de leur budget etc. La baisse des dépenses publiques a en outre surtout affecté les plus vulnérables, à savoir les personnes âgées et les handicapés.

Les élections législatives qui l’attendent le 7 mai prochain s’annoncent donc difficiles et parmi les plus incertaines de l’histoire du Royaume-Uni.
Les intentions de vote plafonnent à 33 %, à peu près au même niveau que celles de son opposant travailliste Ed Miliband, et les deux hommes sont sérieusement concurrencés par les petits partis.

Or, cette fois Cameron ne peut plus compter sur le bénéfice de la jeunesse, de la modernité et de l’énergie, comme ce fut le cas en 2010. Il se montre en outre incapable de parler aux minorités (ethniques comme sexuelles) et peine à fédérer. Avec un bilan socio-économique plutôt falot, il ne lui reste plus que le classique discours populiste, qui a le vent en poupe en Europe, mais qui ne garantit pas la victoire.

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