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CEDH : la vigie des droits de l’Homme fête ses soixante ans

Soixante ans après sa signature, la Convention européenne des droits de l’Homme garde toute son utilité dans certains pays d’Europe dont le passage à la démocratie est plus récent, mais aussi en Europe occidentale sur des enjeux sociétaux plus modernes. Toute l’Europe revient sur le rôle et la spécificité de ce texte, et sur l’état des droits de l’Homme en Europe.

La Convention a été signée à Rome le 4 novembre 1950 par les six pays qui deux ans plus tard fonderont la CECA (France, Allemagne, Italie et pays du Benelux), ainsi que par le Danemark, l’Irlande, l’Islande, la Norvège, le Royaume-Uni et la Turquie. Depuis, 35 autres Etats ont rejoint ce club, et l’Union européenne elle-même est sur le point d’y entrer à son tour.

D’un club restreint comptant une dizaine de pays, le Conseil de l’Europe est devenu une organisation recouvrant la totalité du continent européen, y compris la Russie et la Turquie (qui était présente dès l’origine). Seule la Biélorussie, en raison de l’oppression trop forte qu’y subissent les citoyens, n’en fait pas partie.

Sa cheville ouvrière, la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH), fête le 4 novembre son soixantième anniversaire.

“La déclaration universelle des droits de l’Homme, c’est une déclaration d’amour, alors que la Convention européenne des droits de l’Homme, c’est un contrat de mariage” , explique Dean Spielmann, juge Luxembourgeois à la Cour européenne des droits de l’Homme.

En effet, contrairement à la Déclaration universelle qui la précède de deux ans, la Convention est plus qu’une simple déclaration de droits. Les droits qu’elle énonce sont garantis juridiquement aux citoyens des Etats signataires, et peuvent faire l’objet d’un recours devant une Cour, la Cour européenne des droits de l’Homme. Une autre enceinte, le Conseil des ministres, est chargée de s’assurer de la bonne application des jugements de cette dernière.

Les droits garantis par la Convention :

Située à Strasbourg, la Cour est très abondamment sollicitée. Le nombre de saisines a été multiplié par 10 en 10 ans, et on pronostique que 147 000 requêtes seront en attente d’examen à la fin 2010. C’est un problème majeur pour le respect du droit, que le nombre d’adhérents à la Convention, sans cesse grandissant, ne fait que compliquer (aujourd’hui, sa compétence couvre huit-cent millions de plaideurs potentiels !). Quatre pays comptant parmi les plus récents adhérents (la Russie, la Turquie, l’Ukraine et la Roumanie) représentent la moitié des requêtes, démontrant que même sur notre continent, une Cour protégeant les droits de l’Homme reste nécessaire. “Dans certains pays, les justiciables utilisent la CEDH comme un tribunal de première instance, car ils ne font pas confiance à leur justice” , explique le nouveau secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjorn Jagland.

Pour remédier à cette avalanche de demandes qui compromettent son travail, la Cour souhaiterait que les Etats profitent de toutes ses décisions, y compris celles qui ne leur sont pas adressées, pour mettre à jour leurs droits nationaux. Certains Etats le font, mais d’autres y rechignent. En France, on se garde de “surinterpréter” les décisions de la CEDH, qui “n’ont pas vocation à dire le droit interne” , souligne-t-on place Vendôme.

En dépit de cet engorgement récent, la Cour a su remplir efficacement son rôle de protection des droits humains en Europe. Elle a rendus de nombreux jugements qui ont fait date, et en vertu desquels les Etats ont été contraints de modifier leur comportement.

Enceinte privilégiée de protection des droits des citoyens contre les abus des Etats, la Cour a également servi de théâtre à des guerres diplomatiques, comme avec l’affaire “Irlande contre Royaume-Uni” en décembre 1977, dans laquelle l’Irlande a accusé son voisin de torture dans les prisons d’Irlande du Nord. La Cour lui a donné raison. Cette opposition frontale sur les bancs du tribunal entre deux frères ennemis qui a pris l’ampleur d’un véritable incident diplomatique.

Les droits de l’Homme en Europe : un paysage changeant

Aujourd’hui, les sujets sur lesquels la Convention est invoquée ont changé. La Cour est de plus en plus sollicitée sur des sujets “de société” , dont l’émergence dans la sphère publique est liée aux progrès de la science (la bioéthique, la procréation assistée…) ou simplement à l’évolution des mœurs (les droits des homosexuels par exemple).

Les questions religieuses ont également fait irruption en masse ces dernières années à l’agenda de la Cour. Presque toujours la Cour a opté pour la restriction des symboles religieux ostensibles. Cela a souvent concerné le foulard islamique et d’autres symboles islamiques, mais aussi, plus récemment, l’affaire des crucifix dans les écoles publiques italiennes.

Ces questions sont autant de sujets que les Etats membres ont du mal à traiter en interne, préférant les déférer à la Cour, explique Jean-Paul Costa, le juge Français qui préside la Cour européenne des droits de l’Homme.

L’Union européenne et la Convention

Bien que la France accueille, à Strasbourg, le siège du Conseil de l’Europe, c’est seulement en 1974 qu’elle finit par ratifier la convention, et permet à ses résidents de saisir la Cour seulement en 1981.
Au contraire, le Royaume-Uni l’a ratifiée immédiatement (dès 1951).

Avant le traité de Lisbonne, l’Union européenne, qui n’avait pas la personnalité juridique, ne pouvait pas adhérer à la Convention ; c’est la raison pour laquelle elle a écrit sa propre charte des droits, la Charte des droits fondamentaux, en 2000.

La Charte, incorporant cinquante années d’évolutions sociales, suit une approche plus moderne que la Convention en couvrant un ensemble de droits sociaux ou encore des questions liées à la bioéthique. Ainsi, bien que ne liant pas l’ensemble des parties signataires de la Convention, elle inspire la Cour européenne des droits de l’Homme dans ses jugements.

L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne fait tomber la barrière qui empêchait l’Union de prendre part à la Convention. Son processus d’adhésion a débuté le 7 juillet dernier, lors d’une cérémonie rassemblant Viviane Reding, Commissaire chargée de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, et Thorbjørn Jagland, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe. Ce rapprochement aura pour effet de soumettre le droit communautaire aux exigences de la Convention, et finira de faire de l’Europe le continent où les droits de l’Homme sont les mieux protégés et les plus respectés.

En savoir plus :

Le Conseil de l’Europe - Touteleurope.eu

La Convention européenne des droits de l’Homme - Touteleurope.eu

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne - Touteleurope.eu

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