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Bulgarie : vers un deuxième mandat de Boïko Borissov ?, par Corinne Deloy

Près de trois mois après la démission du Premier ministre bulgare Boïko Borissov (Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie, GERB), qui fit suite à dix jours de manifestations contre la pauvreté, se tiendront ce weekend en Bulgarie, des élections législatives anticipées. Selon les sondages, le GERB remporterait la majorité des suffrages. Corinne Deloy s’interroge cependant sur les capacités du parti à gouverner, son vice-président, Tsvetan Tsvetanov, rejetant l’idée d’une coalition avec le Parti socialiste (BSP) ou d’une alliance avec le parti d’extrême droite Ataka.

Dans un pays en proie à la crise politique, économique et sociale, les citoyens bulgares sont appelés, dimanche 12 mai, à se rendre aux urnes pour élire les 240 députés qui composent le parlement parmi les 38 partis et 7 coalition participant au scrutin.

Un pays en crise



La Fondation Robert Schuman, créée en 1991 et reconnue d’utilité publique, est le principal centre de recherches français sur l’Europe. Elle développe des études sur l’Union européenne et ses politiques et en promeut le contenu en France, en Europe et à l’étranger. Elle provoque, enrichit et stimule le débat européen par ses recherches, ses publications et l’organisation de conférences.

La Bulgarie a, ces derniers mois, été secouée par des mouvements de protestation populaire. Des manifestations, les plus importantes depuis la crise de 1997, ont été organisées dans une quarantaine de villes du pays. Il y a seize ans, la Bulgarie avait traversé une grave crise socioéconomique (le taux de croissance du PIB s’était effondré de 10% (en 1996) et l’inflation avait dépassé les 20%) qui avait entraîné la chute du gouvernement du Premier ministre Jan Videnov (BSP).

En 2013, les premiers troubles ont été provoqués par la hausse des tarifs de l’électricité qui ont augmenté de plus de 20% entre décembre et janvier derniers. La facture d’électricité s’élève en moyenne à environ 100 € par foyer. 3 distributeurs d’énergie se partagent le territoire : l’autrichien EVN couvre le sud-est du pays tandis que les tchèques CEZ et Energo-pro fournissent respectivement l’ouest (et Sofia) et le nord-est du pays. En échange de ses positions de monopole et d’une marge de 10% à 15% sur les factures payées, les 3 compagnies se sont engagées à maintenir le réseau bulgare en état et à réinvestir dans le pays.

CEZ est accusé par les consommateurs de fournir dans certains endroits une électricité d’une tension moins élevée que les 220 volts nécessaires. De son côté, la compagnie affirme qu’elle a demandé à ses clients de payer pour une période allant au-delà du mois, ce qui expliquerait le montant élevé des dernières factures qu’ils ont reçues.

Les prix de l’électricité sont fixés par l’Autorité de régulation de l’énergie (DAKEVR) et échappent au contrôle des compagnies.

La hausse des tarifs de l’électricité qui a débuté en juillet (+ 13%) est consécutive à la libéralisation du marché de l’énergie en Bulgarie. Le 24 janvier dernier, la Bulgarie avait été déférée devant la Cour de justice par la Commission européenne (avec l’Estonie et le Royaume-Uni) pour transposition incomplète des deux directives gaz et électricité du 3e paquet de libéralisation (qui devait être effectuée au plus tard le 3 mars 2011). La Commission avait demandé une astreinte de 8 448 € par jour pour chacune des directives. Fin janvier, le gouvernement a limogé le président de l’Autorité de régulation de l’énergie Anguel Semerdjiev qui a été remplacé par Uliana Ivanova.

Les rassemblements contre l’augmentation des prix de l’énergie ont ensuite évolué vers une demande de moratoire sur le paiement des factures d’électricité, la suppression de la TVA sur l’énergie électrique l’ouverture d’enquêtes sur la privatisation des entreprises bulgares et l’utilisation des fonds structurels européens, la nationalisation des entreprises fournisseurs d’énergie et une dénonciation de la pauvreté dans laquelle ils s’estiment condamnés à vivre, le coût de la vie, la dégradation de leurs conditions de vie mais également la corruption des élites politiques et économiques du pays. Les étudiants de l’université de Sofia manifestaient ainsi contre la hausse de 8% de leurs frais d’inscription qui s’établissent à 500 leva, soit 255 €. Le conseil académique de l’université a finalement décidé de ne pas augmenter les frais.

Les manifestations ont été organisées par des membres de la société civile, notamment via les réseaux sociaux. Aucun parti ou syndicat n’a par conséquent été en mesure de s’imposer dans ce mouvement populaire ou de le “récupérer” . Dénonçant le système politique et exigeant la dissolution des partis politiques, les manifestants en ont appelé à la démocratie directe et à la formation d’une assemblée constituante sur le modèle de celle formée en Islande.

En marge des rassemblements, plusieurs personnes se sont immolées par le feu dont le jeune Plamen Goranov à Varna (est du pays), un étudiant à Veliko Tarnovo (centre), un père de famille sans emploi à Radnevo (sud), un mineur de 59 ans à Bobov (est), un père de famille sans emploi à Sitovo (nord-est). Au total, 6 personnes ont tenté de mettre fin à leur jour par le feu, 4 sont décédées des suites de leurs blessures. “Une chose est certaine, tous ces gens ont choisi cette mort atroce pour que leur cri de désespoir soit entendu de tous” a déclaré le psychiatre du Centre national de santé publique, Hristo Khinkov. Le président de la République Rossen Plevneliev (GERB) a fait du 6 mars dernier trois jours de deuil national en hommage aux victimes décédées.

Une situation socioéconomique difficile

Le mouvement de protestation a révélé les difficultés, voire l’échec, de la transition postcommuniste. “Le mécontentement grondait depuis plusieurs mois. Tous les éléments étaient réunis, il ne manquait que l’étincelle. Rien de surprenant qu’elle soit venue de l’électricité, l’énergie étant de loin l’un des secteurs les plus corrompus du pays” a indiqué le politologue Ognyan Minchev.
La Bulgarie est le pays le plus pauvre de l’Union européenne. Le PIB par habitant est de 55% inférieur à la moyenne européenne. Le salaire moyen est le plus faible de l’Union : 800 leva, soit 357 € mensuels. La retraite moyenne s’élève à 150 € (le minimum vieillesse est de à 76 €). Le gouvernement a indiqué que la moitié des retraités (53%) touchent une pension s’élevant entre 150 et 200 leva (77 à 102 €).

La moitié des ménages bulgares disposent de 290 leva, soit 148,26 €, pour vivre selon une étude de l’Institut des études sociales et syndicales. Un cinquième de la population ne dispose que de 120 € mensuels pour vivre. Le gouvernement de Boïko Borrissov a augmenté le revenu minimum et relevé le niveau des pensions de retraite au début de l’année 2013. L’inflation reste élevée et s’établissait à 4,4% en février dernier.

Le taux de chômage s’élève à 11,9% et à 28% parmi les jeunes (15-25 ans) et 40% pour l’ensemble des moins de 30 ans (chiffre communiqué par la Chambre d’industrie). Le faible niveau de formation d’une partie des Bulgares, la trop grande rigidité du marché du travail et l’inefficacité des politiques d’aide à l’emploi expliquent une grande partie du chômage. Selon la Commission européenne sur l’emploi et la situation sociale, la moitié de la population bulgare (49%) encourait en 2011 un risque de pauvreté et d’exclusion sociale, contre 24% en moyenne dans l’Union européenne.

Le pays possède néanmoins de bons indicateurs économiques (déficit budgétaire représentant 0,5% du PIB en 2012 et dette publique s’établissant à 16,3% du PIB) obtenus au prix d’une politique d’austérité, certes efficace, mais qui a ralenti la croissance et provoqué une hausse du taux de chômage et par conséquent une baisse de la consommation. Le gouvernement a fortement réduit les dépenses publiques qui entre 2009 et 2011 sont passées de 41,4% du PIB à 35,6%. Les investissements étrangers sont en berne : alors qu’ils s’élevaient à plus de 6 milliards € en 2008, ils ne représentaient qu’un tiers de cette somme l’année passée. En outre, la dette des entreprises s’est élevée à 227% du PIB. Enfin, le taux de croissance du PIB devrait s’élever à 1,4% en 2013 ; il s’est établi à 0,8% l’an passé.

Les manifestations de l’hiver en Bulgarie ne sont pas sans rappeler les mouvements de protestation qu’ont récemment connu la Roumanie et la Slovénie mais aussi le Monténégro et la Croatie en 2012. Selon une enquête d’opinion réalisée par l’institut Gallup, la quasi totalité des Bulgares (92%) soutiennent le mouvement de protestation. “Les gens n’ont plus peur de contester le pouvoir dans la rue. Ils savent qu’ils ne sont pas tout seuls et cela ouvre la porte à d’autres manifestations. Si les gens ne sont pas contents, ils peuvent le faire savoir. Le gouvernement ne pourra pas faire comme si de rien n’était” a souligné le sociologue Haralan Alexandrov.

Le Premier ministre Boïko Borrisso a tenté en vain d’apaiser les manifestants en limogeant plusieurs ministres dont celui chargé des Finances, Simeon Djankov (GERB), et en annonçant la révocation de la compagnie tchèque etune baisse de 8% des tarifs de l’électricité au 1er mars.

Pour répondre aux premières demandes des manifestants, l’Autorité de régulation de l’énergie a décidé à la fin du mois de février de baisser les prix de l’électricité d’environ 7% à partir du mois de mars. Le procureur général de Bulgarie, Sotir Tsatsarov, a demandé le retrait de la licence accordée à la compagnie tchèque CEZ, une exigence que le Premier ministre tchèque Petr Necas (Parti démocrate-civique, ODS) a qualifiée de “procédure politique” . Le procureur, qui enquête également sur les pratiques des deux autres sociétés de distribution d’énergie, a reproché à l’Autorité dé régulation de l’énergie d’avoir manqué à son devoir de régulateur “en approuvant les nombreuses dépenses” de la CEZ. Mais rien de tout cela n’est parvenu à calmer les manifestants.

La démission du gouvernement de Boïko Borrissov

Boïko Borrissov a finalement préféré démissionner de ses fonctions le 20 février dernier, une décision approuvée par 209 parlementaires (contre 5 et 1 abstention). “Nous avons de la dignité et de l’honneur. Le peuple nous a confié le pouvoir ; aujourd’hui, nous ne le lui rendons” a déclaré le Premier ministre, qui a indiqué quitter ses fonctions pour “préserver la paix civile et la stabilité dans le pays, pour empêcher tout heurt et toute déstabilisation” . “Je ne veux pas participer à un gouvernement dont la police frappe les gens et où les menaces de manifestations remplacent le débat politique” a affirmé Boïko Borrissov. “Nous avons fait de notre mieux depuis 4 ans mais chaque goutte de sang versé est une honte pour nous tous. Je ne veux pas voir de sang dans les rues. Je ne peux pas voir le Pont aux aigles (Orlov most, carrefour de Sofia où se sont déroulés de violents heurts) ensanglanté” a-t-il souligné.

La démission du Premier ministre oblige (article 99 de la Constitution) le président de la République à ouvrir des négociations avec le 1er puis le 2e groupe parlementaire le plus important dans la perspective de former un nouveau gouvernement. Si chacun de ces deux groupes refuse ou échoue, le chef de l’Etat doit alors se tourner vers un 3e groupe parlementaire. En cas de nouvel échec, il doit nommer un gouvernement intérimaire et organiser de nouvelles élections législatives dans les 2 mois suivants.

Le 12 mars dernier, Marin Raykov, ambassadeur de Bulgarie en France, a été nommé au poste de Premier ministre par intérim. Il est assisté par 3 vice-Premier ministre en charge de l’Economie et des Finances, de la Gestion des fonds européens et de l’Emploi et de la Politique sociale et assure lui-même la fonction de ministre des Affaires étrangères. La Bulgarie a déjà été gouvernée par un gouvernement intérimaire de 1994 à 1995 ainsi qu’en 1997.

La mission de Marin Raykov se décline en 3 points principaux : l’organisation d’élections législatives démocratiques, le maintien de la stabilité et la continuité dans le fonctionnement des institutions de l’Etat et le rétablissement de la confiance des partenaires européens et euroatlantiques de la Bulgarie à son égard. Le Premier ministre par intérim a sollicité le 28 mars dernier l’aide de la Commission européenne pour identifier les problèmes de son pays dans la formation des prix dans le secteur de l’énergie et a demandé à la Commission de la concurrence de rendre public tout abus de position dominante de structures monopolistiques en Bulgarie.

Le gouvernement a adopté des mesures pour aider les plus pauvres. 41 millions de leva (22 millions €) vont être consacrés à la création d’emplois intérimaires et de stages (60% de la somme) pour 16 000 chômeurs et à des aides pour les plus défavorisés (40%). Parmi celles-ci, une aide exceptionnelle de 50 leva (25,60 €) pour les mères d’enfants handicapés et pour celles qui sont actuellement en congé de maternité non payé, une aide exceptionnelle de 65 leva (33 €) pour aider les familles à faible revenu (environ 36 000 personnes) à payer l’électricité et le chauffage. Le 1er avril, les pensions de retraite ont également été augmentées de 9,3% en moyenne (entre 5 et 22 leva, soit de 3 à 11 €).

Les forces en présence

“Je pense que des changements importants dans la législation doivent être décidés par un nouveau parlement” a déclaré le président Rossen Plevneliev, qui s’est dit opposé à la nationalisation des entreprises de distribution d’énergie comme à celle des entreprises de distribution, une mesure qui, selon lui, “repousseraient les investisseurs” .

“Nos compatriotes ont dit clairement qu’ils voulaient des choses simples : ils veulent des hommes politiques honnêtes et ne plus être volés, ils ne veulent plus qu’on leur mente et ils veulent mener une bonne vie” a-t-il souligné. Le chef de l’Etat, qui a qualifié son pays “d’île de la discipline budgétaire” , a indiqué que le budget permettait d’augmenter les dépenses sociales. “Nous n’avons pas de baguette magique pour rendre les gens riches immédiatement mais lorsque l’on affiche un faible déficit, on peut mettre en place certaines politiques sociales et d’emploi” a-t-il souligné. Selon toutes les enquêtes d’opinion, le chômage reste le problème n°1 des Bulgares.

  • Les Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB)

“le GERB est le seul parti qui peut stopper les anciens communistes” a déclaré le Premier ministre Boïko Borissov en parlant des socialistes. Il a affirmé que son parti avait permis au pays de s’enrichir contrairement à ce qui s’était passé lorsque le Parti socialiste et le Mouvement pour les droits et les libertés exerçaient le pouvoir (2005-2009). Le chef du gouvernement a indiqué que son second mandat se baserait sur le modèle allemand dans lequel on ne dépense pas plus que ce que l’on gagne. “Les emprunts ne seront possibles que pour avancer sur le “gouvernement électronique” et pour les infrastructures” a t-il précisé, ajoutant : “si nous faisons cela durant 2 ou 3 ans, la situation de la Bulgarie s’améliorera” .

“Nous croyons en la Bulgarie. L’Europe croit dans notre parti” a déclaré le Premier ministre qui a reçu le soutien du Parti populaire européen (PPE), principal groupe du parlement européen. Boïko Borissov a promis de poursuivre sa politique de stabilité financière et de maintenir l’impôt à taux unique (flat tax) de 10% pour la TVA, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les entreprises.
Le fait qu’il n’existe pas de réelle proposition de politique alternative à celle qu’a menée le gouvernement bénéficie au GERB. Le parti, qui fait campagne sous le slogan “Nous avons une volonté” , détient le pouvoir à tous les niveaux de l’Etat. Après avoir remporté les élections législatives du 5 juillet 2009, il s’est en effet imposé les 23 et 30 octobre 2011 aux élections locales, augmentant son nombre d’élus locaux de 727 (de 856 à 1 583). Enfin, le 30 octobre 2011, Rossen Plevneliev a remporté l’élection présidentielle avec 52,56% des suffrages devant son adversaire Ivaïlo Kalfin (BSP), qui a recueilli 47,44% des voix.

Le Premier ministre sortant Boïko Borissov, qui sollicite donc un 2e mandat à la tête du gouvernement, est candidat dans la 25e circonscription de Sofia où il affrontera le dirigeant du Parti socialiste, Sergueï Stanichev, et celui des Démocrates pour une Bulgarie forte (DSB), Ivan Kostov.

  • Le Parti socialiste

Le Parti socialiste, principal parti d’opposition, ne semble pas profiter pas de la crise actuelle alors qu’il était depuis plusieurs mois positionné sur les questions énergétiques. Le 27 janvier dernier, les socialistes avaient obtenu la tenue d’un référendum sur la construction d’une centrale nucléaire à Béléné (nord du pays). Près des 2/3 des électeurs (60%) s’étaient prononcés pour le projet (lancé depuis 1987) mais la participation avait été faible (20,22%). Le parlement a confirmé la décision d’abandonner le projet mais le parti a inscrit le redémarrage du projet de construction de la centrale nucléaire de Béléné dans son programme électoral. Les socialistes ont présenté pour le scrutin le plan de sauvetage qu’ils souhaitent mettre en place dans les 100 jours suivants le scrutin de façon à restaurer au plus vite la confiance de la population dans sa classe politique. Il comprend 5 points principaux : élaboration de nouvelles lois pour le parlement et plus grand contrôle de l’exécutif, soutien aux municipalités les plus pauvres, amélioration de l’environnement des affaires et des entreprises nationales, lutte contre le chômage des jeunes et mise en place d’une législation anti-trust et, enfin, accès aux contrats de privatisation des grandes entreprises.

Les socialistes veulent exonérer d’impôt sur le revenu près d’un million de personnes qui perçoivent le salaire minimum (310 leva) et introduire un nouveau taux d’imposition sur les revenus excédant dix fois le salaire minimum, soit une nouvelle tranche de 20% pour les revenus supérieurs à 4 500 leva. “Notre principal objectif est de réformer l’impôt sur le revenu à la fin du mandat” a déclaré le député Yanaki Stoilov, qui a précisé que la taxe sur les entreprises et la TVA ne sera pas modifiée. Le parti socialiste souhaite augmenter le salaire minimum pour que celui-ci atteigne 450 leva à la fin du mandat (il est de 310 leva) mais aussi les allocations familiales. Il promet de réévaluer chaque année les pensions de retraite et de ne plus modifier les conditions d’accès à la retraite (âge ou durée des années de travail). Enfin, les socialistes sont favorables à une plus grande participation de l’Etat dans l’économie, souhaitent la mise en place d’un plan de réindustrialisation du pays (sur 10 ans) et promettent de créer 250 000 emplois. “Les entreprises sont en ruine, les hôpitaux sont en faillite et dans les entreprises publiques, la fraude a atteint des proportions incroyables. Si le gouvernement sortant était honnête, il dirait quel héritage il laisse derrière lui” a déclaré Sergueï Stanichev qui a ajouté : “les gens sont dégoûtés de la politique, des politiciens et des institutions ; ils ne voient personne pour prendre soin d’eux. Le seul secteur qui ne soit pas affecté par la crise est le secteur bancaire et cela n’est pas normal” .

Pour les élections législatives du 12 mai prochain, le Parti socialiste a formé une coalition avec 7 autres partis : les Sociaux-démocrates, le Mouvement pour un humanisme social, Sécurité et intégration européenne, le Parti communiste, l’Union des agrariens Alexandre Stamboliiski, Nova Zora (Nouvelle Aurore) et Evroroma. Le leader du Parti socialiste, Sergueï Stanichev, a annoncé qu’il n’était pas candidat au poste de Premier ministre. En cas de victoire de la coalition d’opposition, celui-ci reviendrait à Plamen Oresharski, ancien ministre des Finances (2005-2009). Les socialistes ont exclu toute coalition post-électorale avec le GERB de Boïko Borissov.

  • La Bulgarie pour les citoyens

L’ancienne Commissaire européenne à la Protection des consommateurs (2007-2009) et ex-ministre des Affaires étrangères (2002-2006) Meglena Kuneva, qui dirige la Bulgarie pour les citoyens, a présenté son programme centré autour de 3 “piliers” : le gouvernement et la participation élargie des citoyens (la Bulgarie des citoyens), la croissance économique, l’éducation et la santé (la Bulgarie de la croissance), le développement (la Bulgarie de l’avenir). Elle souhaite réduire le nombre de députés et construire une véritable société civile de même qu’un Etat responsable devant le peuple. Elle demande le nettoyage des listes électorales. Sur le plan économique, elle promet de créer des emplois (150 000 dans les 2 ans à venir) et s’engage à parvenir à l’équilibre du budget et à la stabilité financière. Elle ne souhaite pas toucher à l’impôt à taux unique et est opposée à la nationalisation du marché de l’électricité. “Il nous faut une véritable libéralisation pour que les clients puissent choisir entre plusieurs fournisseurs d’énergie” a indiqué Meglena Kuneva.

Le 31 mars dernier, 1 789 membres du parti de la région de Plovdiv ont annoncé leur départ. Ils ont déclaré ne pas approuver le programme du parti qu’ils ont qualifié de superficiel et de populiste. Ils s’opposent par ailleurs à la composition des listes électorales qui auraient été établies sans concertation avec les structures locales. Meglena Kuneva a qualifié le départ de ces adhérents de “conspiration” derrière laquelle elle voit la main du GERB. “le GERB et les socialistesne veulent pas voir un autre acteur occuper la scène politique” a-t-elle déclaré.

  • Les Démocrates pour une Bulgarie forte

Les Démocrates pour une Bulgarie forte (DSB) se présentent en coalition avec le Forum démocratique. “Boïko Borissov a échoué et transformé la crise sociale en crise politique. Je ne soutiendrai jamais un Premier ministre qui, en 4 ans, n’a pas été capable de résoudre la crise économique” a déclaré l’ancien Premier ministre (1997-2001) Ivan Kostov. Celui-ci a également exclu de participer à un gouvernement conduit par Plamen Oresharski.

Ivan Kostov promet de garantir la stabilité financière, d’augmenter les dépenses de santé de 4,1% à 6% du PIB et de réduire de 90% les procédures bureaucratiques. “Vous ne pouvez pas booster l’économie ou créer des emplois car il n’y a pas d’argent pour cela mais l’Etat peut créer les conditions qui favoriseront l’entrepreneuriat” a-t-il déclaré.

Les Démocrates pour une Bulgarie forte avaient un temps envisagé de s’allier à Unité, parti créé par la députée européenne Nadejda Neinsky, ancien membre de la Coalition bleue (Sinyata Koalitsia). La tentative de former une coalition de droite concurrente du GERB a cependant échoué.

  • Ataka

Le parti d’extrême droite Ataka ne dit pas non à une alliance gouvernementale avec le GERB, si tant est que le parti du Premier ministre sortant “tire le leçons de son action lors des quatre dernières années” a affirmé son dirigeant Volen Siderov. Les nationalistes ont été très présents dans les manifestations et Volen Siderov n’a cessé d’affirmer sa proximité avec les protestataires. “La mondialisation est bien pour certaines personnes mais pas pour toutes. Au lieu de renforcer les pays, ce qui est leur but, des institutions comme le FMI ou la Banque mondiale les marginalisent, les entraînent dans la pauvreté, détruisant leur industrie nationale ou leur secteur public” a-t-il déclaré. Le dirigeant nationaliste fait campagne pour un Etat souverain, la préservation de l’identité et de l’économie nationales et la protection de la classe moyenne et du système social” . Selon lui, il existe “un clash idéologique entre modèle de la globalisation et celui de l’identité nationale” .

  • Le Mouvement pour les droits et les libertés

Augmentation des salaires et lutte contre la dépendance existant entre les partis politiques sont les deux priorités du programme du Mouvement pour les droits et les libertés (DPS) qui représente la minorité turque du pays (environ 8% de la population bulgare).

Les organisateurs du mouvement social du début d’année ne sont pas parvenus à s’unir. Trois de leurs dirigeants - Anguel Slavtchev, Dontcho Doudev et Yanko Petrov - se présentent avec l’Initiative civique démocratique de Stefan Peev. Ils refusent toute coalition avec le GERB ou le Parti socialiste. Parmi les priorités énoncées par Anguel Slavtchev figurent le changement de la loi sur les référendums, la révocation des députés, l’adoption de lois antimonopoles et l’introduction de l’administration électronique.

Plusieurs partis politiques dont le GERB, le Parti socialiste, le Mouvement pour les droits et les libertés, Les Démocrates pour une Bulgarie forte, l’Union des forces démocratiques (SDS) conduit par Emil Kabaivanov, le Parti de l’ordre, de la loi et de la justice (RZS) de Yane Yanev et la Bulgarie pour les citoyens ont signé la Charte pour des élections honnêtes par laquelle ils s’engagent à conduire une campagne d’information contre l’achat de voix, à garantir la transparence quant aux dons qu’ils recevront et à coopérer avec les observateurs chargés de la surveillance du scrutin. Ataka a refusé de signer le texte tout comme Ivaylo Frantz, représentant d’un des mouvements de manifestants qui a déclaré que les élections démocratiques étaient impossibles en Bulgarie tant que certains partis politiques jouiraient d’un monopole sur le pays.

Peu de Bulgares pensent que les élections législatives du 12 mai prochain amélioreront leur situation personnelle ou celle du pays. “L’abstention sera certainement élevée, favorisant les petits partis et rendant peu probable l’existence d’une forte majorité au parlement… avec un risque réel d’instabilité politique à court et moyen terme” a mis en garde l’analyste politique Stefan Ralchev. “L’insatisfaction est générale. Il y a, en Bulgarie, une forte désillusion quant à la capacité du système politique à apporter le changement social souhaité” a souligné le directeur de programme du Center for Liberal Strategies de Sofia, Daniel Smilov. “Ces élections, auxquelles les mouvements protestataires ne participeront pas, mèneront à l’impasse” a déclaré le politologue Tsvetozar Tomov.

Le système politique bulgare

Le parlement bulgare est monocaméral. Son unique chambre, l’Assemblée nationale (Narodno sabranie), compte 240 députés, élus tous les 4 ans au sein de 31 circonscriptions électorales plurinominales qui correspondent aux oblasti (départements) du pays. Le mode de scrutin est mixte : 31 députés sont élus au scrutin majoritaire (selon le système du First past the post) et 209 au scrutin proportionnel (listes fermées) selon la méthode de Hare-Niemeyer.
Les candidats doivent être âgés d’au moins 21 ans. Un minimum de 4% des suffrages exprimés est indispensable à un parti politique pour être représenté au Parlement.

Enfin, les partis qui veulent participer aux élections législatives doivent déposer 10 000 leva (qui leur seront remboursés s’ils obtiennent au moins 1% des suffrages exprimés) et recueillir les signatures d’au moins 7 000 électeurs. Les candidats indépendants doivent être soutenus par au moins 10 000 électeurs de la circonscription électorale où ils se présentent.

Actuellement, 6 partis politiques sont représentés à l’Assemblée nationale :

- Les Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB, qui signifie “blason” en bulgare), créé en 2006 et dirigé par le Premier ministre sortant Boïko Borissov. Le parti compte 117 députés.

- La Coalition pour la Bulgarie (KzB), alliance de 4 partis de gauche : le Parti des sociaux-démocrates, l’Union agraire Alexandre Stamboliiski, le Mouvement de l’humanisme social et le Parti socialiste (BSP). Ce dernier a été créé en 1990 et est dirigé par l’ancien Premier ministre Sergueï Stanichev (2005-2009). Il possède 40 sièges.

- Le Mouvement pour les droits et les libertés (DPS), fondé en 1989 par Ahmed Dogan et dirigé depuis le 19 janvier 2013 par Lioutvi Mestan, représente la minorité turque. Il compte 37 députés.

- Ataka, d’extrême droite créé en 2005 et dirigé par Volen Siderov, possède 21 sièges.

- La Coalition bleue (Sinyata Koalitsia), alliance, en 2009, de l’Union des forces démocratiques (SDS) d’Emil Kabaivanov, des Démocrates pour une Bulgarie forte (DSB), parti de l’ancien Premier ministre (1997-2001) Ivan Kostov ainsi que 3 autres “petits” partis compte 15 députés.

- Le Parti de l’ordre, de la loi et de la justice (RZS), créé en 2005 et positionné comme fer de lance de la lutte conte la corruption. Dirigé par Yane Yanev, il possède 10 sièges.




Source : Site internet http://pi2009.cik.bg/results/proportional/rik_00.html


Dans la dernière enquête réalisée à la fin du mois de mars par le Centre national d’étude de l’opinion publique, le GERB est crédité de 24,4% des suffrages et devance le Parti socialiste, qui recueillerait 17,5% des voix ; le Mouvement pour les droits et les libertés, 6,5% ; Ataka 5%, la Bulgarie pour les citoyens 3,5% et les Démocrates pour une Bulgarie forte 2%.
Le Premier ministre Boïko Borissov reste, de loin, le dirigeant le plus populaire du pays (45,6% d’opinions positives). Sergueï Stanichev se classe 2e avec 27% ; Meglena Kuneva recueille 21,4% d’opinions positives ; Volen Siderov, 13,5% et Lioutvi Mestan, 9,7%.

Le gouvernement qui sera nommé à l’issue du scrutin du 12 mai devra à la fois restaurer la confiance des Bulgares dans leurs institutions et leur classe politique et rétablir un climat favorable aux affaires. Un vaste programme et une lourde tâche. “Un changement est imminent parce que nous avons véritablement touché le fond” affirme le président de l’institut d’opinion Skala, Tsvetozar Tomov.


En savoir plus :

Bulgarie, vers un deuxième mandat de Boïko Borrisov ? - Analyse de Corinne Deloy - 12 mai 2013 - Fondation Robert Schuman

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