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Brexit : l’accord de sortie “May/UE” en 8 points clés

Période de transition, filet de sécurité ou “backstop”, droits des résidents et des travailleurs… : Toute l’Europe résume en 8 points clés le projet d’accord de sortie du Royaume Uni de l’UE, qui a été entériné à Bruxelles en novembre 2018, puis rejeté trois fois par les parlementaires britanniques.

Theresa May et Jean-Claude Juncker, le 22 novembre 2018 - Crédits : Number10 / Flickr
Theresa May et Jean-Claude Juncker, le 22 novembre 2018 - Crédits : Number10 / Flickr

ATTENTION : Cet article n’est plus mis à jour. Il concerne l’accord de novembre 2018 négocié par Theresa May et l’UE. Pour consulter la dernière version de l’accord, entérinée par Boris Johnson et les Vingt-Sept en octobre 2019, cliquez ici !

Le 23 juin 2016, les Britanniques ont majoritairement voté “yes” , par référendum, à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Mais comment organiser ce retrait ? Les négociations ont officiellement débuté le 19 juin 2017 et, après dix-sept mois, un projet d’accord de retrait a enfin été trouvé le 13 novembre 2018 entre Londres et Bruxelles.

Publié le 14 novembre 2018, ce document de 585 pages compte 185 articles et 3 protocoles plus spécifiques sur l’Irlande du Nord, Gibraltar et les bases britanniques à Chypre.

Pour éviter un divorce brutal (no deal) entre le Royaume-Uni et l’UE, il prévoit la mise en place d’une période de transition de plusieurs mois après le Brexit. Le temps de négocier les relations futures entre les deux parties.

Il a été entériné par les Vingt-Huit le 25 novembre 2018, au cours d’un sommet européen extraordinaire. Mais après avoir provoqué la démission de quatre membres du gouvernement britannique, dont le ministre du Brexit Dominic Raab, cet accord a ensuite été rejeté trois fois par les députés d’outre-Manche : le 15 janvier, le 12 mars et le 29 mars 2019.

Cela a conduit Theresa May et les Européens à repousser à deux reprises la date du Brexit : d’abord du 29 mars au 12 avril, puis du 12 avril au 31 octobre 2019.

Alors que trouve-t-on dans cet accord ? Toute l’Europe fait le point… en 8 points clés.

Une période de transition jusqu’à fin 2020… voire fin 2022

Le Royaume-Uni et l’Union européenne s’étaient mis d’accord sur ce point dès le début de l’année 2018 : si l’accord de retrait était adopté, afin d’avoir le temps de régler les conditions définitives de leur divorce, et notamment d’organiser leur future relation commerciale, les négociations se poursuivraient pendant près de deux ans après la date effective du Brexit, initialement fixée au 29 mars 2019 avant d’être repoussée au 12 avril puis au 31 octobre.

Pendant cette période, qui courrait en principe jusqu’au 31 décembre 2020, quasiment rien ne changerait : “l’UE traitera le Royaume-Uni comme s’il s’agissait d’un État membre” , résume un mémo de la Commission européenne. Le pays conserverait tous ses droits d’accès au marché unique européen et continuerait d’appliquer l’ensemble du droit européen, y compris les nouvelles règles adoptées par Bruxelles. Il ne pourrait donc pas signer d’accords de libre-échange avec des pays tiers.

En revanche, Londres ne siègerait plus dans les institutions européennes et ne participerait donc plus aux décisions de l’UE que les Britanniques continueraient d’appliquer.

En cas d’accord des deux parties, cette période de transition pourrait être prolongée une fois, pour une durée maximum de deux ans, comme l’ont décidé les négociateurs du Brexit le 22 novembre 2018 à Bruxelles. Donc jusqu’au 31 décembre 2022.

Un “filet de sécurité” qui englobe l’Irlande du Nord et le Royaume uni

La question la plus épineuse, qui empêche l’adoption de ce projet d’accord de sortie par les parlementaires britanniques, est celle de la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande.

En effet, après le divorce, une véritable frontière physique devrait théoriquement être rétablie pour contrôler les passages de personnes et de marchandises entre les deux parties de l’île. Or actuellement, 30 000 travailleurs transfrontaliers passent quotidiennement la frontière, longue de 500 km et percée de 400 passages routiers. Et 57 % des exportations nord-irlandaises sont envoyées dans l’UE, dont 21 % vers la République d’Irlande.

Dès le mois de décembre 2017, pour respecter les accords de paix de Belfast de 1998, un grand principe a donc été entériné entre Bruxelles et Londres : “Nous garantirons qu’il n’y aura pas de frontière dure” rétablie entre les deux Irlande, avait ainsi affirmé Theresa May. Mais comment y parvenir sans reporter cette frontière entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume ?

La solution provisoire trouvée dans l’accord du 14 novembre 2018 consiste à maintenir à la fois l’Irlande du Nord et le reste du Royaume Uni dans un “filet de sécurité” (appelé “backstop” en anglais) : tant qu’aucune autre solution satisfaisante ne serait trouvée, y compris après la fin de la période de transition, l’UE et le Royaume-Uni resteraient donc regroupés dans un “territoire douanier unique” , au sein duquel les produits continueraient à circuler relativement librement.

En contrepartie, pour éviter une concurrence déloyale, l’ancien Etat membre serait tenu d’appliquer le tarif douanier extérieur européen à l’égard des Etats tiers, et il devrait continuer d’appliquer un certain nombre de normes sociales, environnementales et économiques européennes (“par exemple les normes sanitaires pour les contrôles vétérinaires, ou celles concernant la taxe sur la valeur ajoutée et les aides d’Etat” , détaille l’AFP).

Plus généralement, les Britanniques s’engageraient sur un principe de “non-régression” . L’acquis social et environnemental européen ne pourrait ainsi pas être détricoté. “Ils s’engageraient à respecter les règles européennes existantes à la date du Brexit sur les sujets liés à l’environnement, à la fiscalité ou au droit du travail, mais pas à adapter leur droit à celui de l’UE quand il évoluera” , explicite Le Monde.

Si l’accord de retrait était adopté, l’UE et le Royaume-Uni se donneraient jusqu’au 1er juillet 2020 pour trouver une solution alternative qui éviterait d’avoir à mettre en place ce filet de sécurité à l’issue de la période de transition. Mais pour l’heure, aucune autre idée n’a été sérieusement considérée pour éviter à la fois le rétablissement d’une frontière entre les deux Irlande et l’instauration de contrôles entre l’Irlande du Nord et le Royaume-Uni. Et les Européens s’annoncent inflexibles, confortés par le fait que 56 % des Nord-Irlandais avaient souhaité rester dans l’UE lors du référendum de 2016.

Plusieurs observateurs estiment donc qu’à défaut d’alternative, ce filet de sécurité, censé être provisoire, pourrait bien devenir la solution définitive. Outre-Manche, les pro-Européens dénoncent une situation pire que la précédente : certes, le Royaume-Uni resterait dans une union douanière avec l’UE, mais en perdant tout pouvoir de décision à Bruxelles dont il devrait continuer à appliquer de nombreuses règles. A l’autre bout de l’échiquier, les défenseurs d’un Brexit dur (appelés hard-brexiters) désespèrent quant à eux de voir leur pays reprendre un jour la main sur sa politique commerciale, et l’appellent à couper le cordon sans accord pour regagner son entière souveraineté. Quant au parti unioniste d’Irlande du Nord (DUP), sans lequel le clan de Theresa May n’a pas de majorité absolue au parlement, il craint que ce filet de sécurité aboutisse à un traitement différencié de l’Irlande du Nord qui l’éloignerait du reste du Royaume…

Les résidents conservent leurs droits

A l’annonce de la victoire du “oui” au référendum sur le Brexit, la première inquiétude des Européens installés au Royaume-Uni et des Britanniques installés dans les autres Etats membres de l’UE a porté sur leur futur statut. Assez rapidement, les négociateurs ont toutefois tenu à les rassurer : dans un “pré-accord” d’une quinzaine de pages négocié dans la nuit du 7 au 8 décembre 2017, ils ont prévu que ces citoyens et leurs familles conserveraient les mêmes droits après le Brexit, notamment à la santé, à la retraite, aux prestations sociales, au regroupement familial, ou encore à l’égalité de traitement (accès au travail et à l’éducation).

Le projet d’accord de sortie publié le 14 novembre confirme cette solution de statu quo : s’il est ratifié par les parlementaires, les citoyens étrangers déjà établis de part et d’autre de façon permanente au moment du Brexit pourront continuer à y travailler, étudier et y mener leur vie comme avant. Les nouveaux arrivants, qui s’y installeront avant la fin de la période de transition, obtiendront un droit de résidence permanente au bout de cinq ans de séjour.

A l’inverse, une fois obtenu, ce droit sera perdu en cas d’absence pendant plus de cinq ans.

“L’accord de retrait garantit le droit de rester et de poursuivre ses activités actuelles à plus de 3 millions de citoyens de l’UE au Royaume-Uni et à plus d’un million de citoyens britanniques dans les pays de l’UE” , conclut donc le mémo de la Commission européenne.

Londres promet de payer sa facture

Un autre débat précoce a porté sur le “solde de tout compte” qui accompagnerait le divorce. “Car avant de voter le Brexit, Londres s’était engagé sur le budget 2014-2020 de l’Union européenne, notamment pour financer certains projets” , rappelle LCI.

L’accord de sortie ne chiffre pas ces engagements, mais le gouvernement britannique, qui a promis de les tenir, évalue la facture à une quarantaine de milliards d’euros.

Par ailleurs, la méthodologie retenue n’est finalement pas celle d’un solde de tout compte, puisque certains programmes ne seront pas finalisés à la date du Brexit. “Près de la moitié serait réglée d’ici 2020” et la totalité “étalée sur une durée de 45 ans” , relate ainsi le HuffPost sur la base d’une analyse du Bureau de la responsabilité budgétaire (OBR), “un organisme jugé indépendant” .

Enfin, si la période de transition était prorogée au-delà de la fin de l’année 2020, “le Royaume-Uni serait traité comme un pays tiers dans sa participation aux programmes européens” , précise l’AFP. (Pour la période 2014-2020, la Norvège participe par exemple à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros aux programmes Erasmus+, Galileo (satellites européens de géolocalisation) ou encore à la coopération dans le cadre de l’espace Schengen, dont elle fait partie.)

La Cour de justice de l’UE reste compétente

Si l’accord de retrait est ratifié, les Britanniques resteront, en cas de désaccord sur l’interprétation des règles européennes jusqu’à la fin de la période de transition, sous la juridiction de la Cour de justice de l’UE.

Mais en cas de différend portant sur l’accord de retrait en lui-même, “une première consultation politique aurait lieu au sein d’une commission mixte” , explique la Commission européenne. Si aucune solution n’était trouvée, le litige serait soumis à des arbitres spécifiques, comme tous les accords internationaux. “Leur décision sera contraignante pour l’Union européenne et le Royaume-Uni. En cas de non-respect, le groupe spécial d’arbitrage pourra fixer une somme forfaitaire ou une astreinte à verser à la partie lésée” , précise le mémo.

Coopérations renforcées avec Gibraltar

Autre point sensible, mais plutôt pour l’Espagne cette fois, le projet d’accord prévoit un protocole spécifique relatif à Gibraltar. L’enclave britannique de 7 km², située au sud de la péninsule ibérique, est revendiquée par Madrid depuis trois siècles.

Selon la Commission européenne, ce protocole “jette les bases” de nombreuses “coopérations administratives” , en ce qui concerne les droits des résidents et des travailleurs frontaliers, la fiscalité, la police et la douane, ou encore la protection de l’environnement et la pêche.

Mais deux aspects de l’accord n’ont pas satisfait les Espagnols. Comme l’explique Le Figaro, l’accord sur le Brexitinclut explicitement Gibraltar dans la définition du Royaume-Uni” et il ne fait “aucune mention de négociations bilatérales” avec l’Espagne.

Le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, a donc déclaré le 20 novembre : “en tant que pays, nous ne pouvons pas concevoir que ce qui se passera à l’avenir concernant Gibraltar dépende de négociations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne” . Ce dernier a donc menacé de bloquer l’accord du Brexit si l’Espagne n’obtenait pas un droit de veto sur de futurs accords entre l’UE et Londres qui concerneraient Gibraltar et la possibilité de négocier directement avec Londres l’avenir de l’enclave disputée.

Finalement, après de longues discussions entre Madrid, Londres et Bruxelles, les Britanniques ont accepté de tenir des discussions bilatérales avec les Espagnols et ces derniers ont également obtenu de l’UE une déclaration écrite accédant à leur demande de droit de veto.

A Chypre, le droit européen dans les bases britanniques

Dans un troisième protocole rattaché à l’accord de sortie, Bruxelles et Londres se sont également engagés à “mettre en place des arrangements appropriés” pour “protéger les intérêts des Chypriotes qui vivent et travaillent” dans les deux bases militaires souveraines que possède le Royaume-Uni sur l’île (Sovereign Base Areas (SBA)), même après le Brexit.

Les quelque 11 000 civils chypriotes concernés devraient ainsi continuer à bénéficier du droit de l’Union européenne, “sans aucune perturbation” , qu’il s’agisse de fiscalité, marchandises, agriculture, pêche ou règles vétérinaires et phytosanitaires, résume la Commission européenne.

Plus de 3000 indications géographiques préservées

Le projet d’accord de retrait prévoit également un certain nombre de dispositions sur la propriété intellectuelle, les marques déposées ou encore les appellations d’origine.

“Plus de 3 000 indications géographiques, telles que ‘jambon de Parme’, ‘champagne’ ou ‘feta’ sont aujourd’hui protégées par le droit de l’Union européenne” , explique notamment la Commission européenne. “Le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne n’entraînera aucune perte de ces droits de propriété intellectuelle […]. Cet accord bénéficiera également aux indications géographiques portant un nom d’origine britannique (par exemple l’agneau gallois)” , précise-t-elle.

Quid de la “déclaration politique conjointe” ?

Le 25 novembre 2018, en parallèle de l’accord de sortie, les Vingt-Huit ont aussi endossé - lors d’un Conseil européen extraordinaire - une “déclaration politique” censée guider leurs négociations pendant toute la période de transition.
Les Européens refusant d’amender l’accord de sortie en lui-même, c’est cette déclaration politique qui pourrait être retravaillée à l’avenir, afin d’obtenir la validation des parlementaires britanniques.
Elle pourrait par exemple inclure un engagement à négocier la mise en place d’une union douanière permanente entre l’UE et le Royaume-Uni après le Brexit, ce qui éviterait -si ces négociations aboutissaient- d’avoir à appliquer le backstop. 

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