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Avenir de l’Europe : la Commission veut approfondir la zone euro

Le 31 mai, la Commission européenne a publié ses propositions pour l’approfondissement de la zone euro. Un document qui s’inscrit dans le cadre de sa stratégie globale pour l’avenir de l’UE, initiée à l’occasion du 60e anniversaire du traité de Rome en mars dernier. L’exécutif européen souhaite faire de la relance de la convergence entre les Etats membres le cœur de son action dans les années à venir. Pour cela, l’achèvement de l’union financière, l’équilibre entre responsabilité et solidarité et le renforcement de la démocratisation de la gouvernance sont prônés.

Quel avenir de la zone euro ?

Troisième étape sur cinq dans la réflexion sur l’avenir de l’Union européenne, lancée par la Commission en mars dernier : l’Union économique et monétaire (UEM, zone euro). Après le Socle européen des droits sociaux et la maîtrise de la mondialisation, l’exécutif européen s’attaque donc à l’un des aspects les plus aboutis du projet européen, mais dont les faiblesses sont apparues au grand jour depuis la crise de 2008.

Bien plus qu’une monnaie

Une crise qui a fait fortement trembler la zone euro sur ses bases, a menacé sa pérennité et a entraîné un renforcement de ses structures dans l’urgence. Sauvegardée, du moins à moyen terme, l’UEM a depuis retrouvé le chemin de la croissance, mais au prix d’un chômage toujours élevé, d’une chute importante de l’investissement et, surtout, du creusement des disparités économiques entre ses Etats membres.

Pour Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne, l’euro est “bien plus qu’une monnaie” . Il a été “conçu en tant que promesse de prospérité” et pour que celle-ci soit tenue, “il faut faire preuve du courage politique nécessaire pour maintenant renforcer et compléter l’Union économique et monétaire” , a-t-il indiqué dans un communiqué.

Une position partagée par Pierre Moscovici, commissaire aux Affaires économiques et financières et autre auteur du document de réflexion. Pour l’ancien ministre français, il est désormais temps de faire de l’euro “un vecteur de prospérité partagée en Europe” . Pour ce faire, supprimer “les divergences économiques et sociales” lui apparaît nécessaire, tout comme le renforcement de la transparence et de la démocratisation des institutions qui dirigent la zone euro.

Souhaitant profiter d’un climat de nouveau propice à la progression de l’intégration européenne, mais soucieuse de maximiser ses chances sur un sujet d’autant plus sensible qu’il a trait à la solidarité économique, la Commission a fait le choix de la prudence sémantique. L’exécutif européen s’en tient en effet à des éléments de langage technocratiques, abscons pour le citoyen non expert de la machinerie bruxelloise, mais derrière lesquels se trouvent bien plusieurs pistes ambitieuses.

Union financière, convergence et transparence

Parmi celles-ci, la volonté de Bruxelles d’achever l’Union financière. Car si la zone euro a mis en place la surveillance des établissements bancaires par la Banque centrale européenne, l’assurance européenne des dépôts n’a, elle, pas été finalisée. Cette mesure, jusqu’ici refusée par l’Allemagne, permettrait de renforcer la confiance des Européens dans la solvabilité des banques, particulièrement dans des pays comme la Grèce, où le secteur bancaire demeure extrêmement fragile. En outre, la constitution d’un “actif sans risque européen” , qui comprendrait des émissions de plusieurs dettes souveraines européennes, est également sur la table afin d’inciter les banques à diversifier leurs achats de dette et d’écouler leurs créances douteuses.

Deuxièmement, la Commission européenne, dans l’optique de relancer la convergence entre les Etats membres, en recul depuis la crise, entend rééquilibrer les politiques budgétaire et macroéconomique. Reconnaissant en filigrane que les exigences en matière de rigueur financière n’ont pas été suffisamment assorties de mesures contra-cycliques pour relancer l’activité et réduire le chômage, Bruxelles propose d’augmenter les garanties d’investissement public.

De fait, des Etats comme le Portugal, qui ont fourni d’importants efforts pour assainir leurs comptes publics, sont aujourd’hui incapables d’investir suffisamment : l’UEM pourrait alors leur fournir des crédits. L’objectif, insiste la Commission, n’est ici pas de mettre en œuvre des transferts vers des régions moins dotées - une philosophie tout sauf majoritaire en Europe à l’heure actuelle. Les Etats abonderaient plutôt un budget européen accru, via une part de l’impôt sur les sociétés ou de la TVA, et récupèreraient leur mise initiale sur le long terme.

L’accroissement du budget communautaire, voire la constitution d’un budget propre à la zone euro, comme l’évoque régulièrement le nouveau président français, sont en effet des idées vues “avec sympathie” par l’exécutif européen, a déclaré Pierre Moscovici. Cette “capacité budgétaire supplémentaire” , formule policée utilisée afin de ne braquer personne, pourrait également servir à la création d’une assurance chômage européenne. Une idée qui fait son chemin parmi les 19 membres de la zone euro, même si cette perspective reste lointaine en raison des larges divergences dans les philosophies nationales d’assurances chômage en Europe.

Enfin, l’amélioration de la gouvernance des institutions de la zone euro fait également partie des réflexions de la Commission. Les critiques régulières dénonçant l’opacité de l’Eurogroupe, le conseil des ministres européens des Finances, notamment dans le dossier grec, ne sont donc pas occultées. La Commission souhaite revoir son fonctionnement et fusionner le poste de président de l’Eurogroupe avec celui de commissaire aux Affaires économiques. De cette manière, l’institution serait responsable devant les parlementaires européens. “Je suis choqué des décisions très engageantes que l’on prend sur la Grèce entre quatre murs et sans contrôle” , a ainsi encore rappelé Pierre Moscovici le 8 juin dernier lors d’une conférence de presse.

Pierre Moscovici au Parlement européen, en 2016 - Crédits : Parlement européen

Fenêtre d’opportunité

Toutes ces pistes évoquées dans le document de réflexion de la Commission européenne n’aboutiront pas et certaines, pour être adoptées, nécessiteront une modification des traités et, donc, des mois voire des années de négociation. Dans tous les cas, l’approfondissement de l’UEM ne se fera pas sans l’engagement résolu des Etats membres, à l’image de celui qui avait été le leur lors de l’adoption de la monnaie unique dans les années 1990.

Il n’empêche qu’une concordance de vues sur des réformes de cette ampleur entre les Européens ne paraît plus impensable. Une “fenêtre d’opportunité” , pour reprendre les mots de M. Moscovici, s’est ouverte avec l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en France, estime la Commission, qui compte également sur l’engagement de l’Allemagne pour se saisir de ce sujet, régulièrement sur l’agenda politique européen depuis plusieurs années. “La seule option que nous écartons, c’est de ne rien faire” , a ainsi déclaré le commissaire face aux députés européens lors d’un débat consacré à la zone euro, le 13 juin à Strasbourg.

Ces derniers ont d’ailleurs offert un accueil favorable au texte de la Commission, affichant un assez large consensus. Le groupe des socialistes et démocrates est favorable à “une forte dimension sociale, un budget approprié, une stratégie ambitieuse d’investissement durable et l’achèvement de l’Union bancaire et de l’Union des marchés des capitaux” , a ainsi fait savoir Pervenche Berès, députée européenne socialiste. Dans la même mouvance, Françoise Grossetête, eurodéputée membre des Républicains, a tenu à “féliciter” la Commission pour ses “propositions ambitieuses” qui permettraient d’allier “confiance, responsabilité et solidarité” . Plus critique, mais également favorable aux ambitions de Bruxelles, Philippe Lamberts, chef de file des écologistes au Parlement européen, a pour sa part insisté sur la nécessité de créer un budget de la zone euro qui, s’il est employé de manière contra-cyclique, “amortira les chocs économiques et améliorera la fluidité de l’économie européenne” .

En phase comme rarement, les eurodéputés ont également été nombreux à prôner des réformes rapides. “Cela fait cinq ans que nous tournons autour du pot, car il manque la vision et la volonté politique d’agir” , a martelé M. Lamberts. Pour Pervenche Berès également, il y a un “sentiment d’urgence” .


L’approfondissement de l’UEM est discuté depuis 2012 et le rapport de José Manuel Barroso pour “une véritable Union économique et monétaire” . En 2015, le rapport des “cinq présidents” , avait également avancé des pistes pour “compléter l’Union économique et monétaire” . Le document de réflexion de la Commission de mai 2017 s’inspire de ces travaux.

Par Jules Lastennet

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