Le premier Parlement unitaire élu en janvier 1861 siège à Turin, capitale du tout jeune Etat. En mars 1861, deux mois après les premières élections unitaires est promulguée officiellement la naissance de l’Etat-nation italien. Plus de vingt ans après le début du processus d’unification initié par les élites artistiques et politiques, c’est donc un événement très attendu dans la péninsule. On estime pourtant qu’à cette époque du Risorgimento, seuls 2% de la population parlent italien. Et ce n’est que dix ans plus tard que les troupes italiennes entrent dans Rome, à la chute de Napoléon III, finalisant le processus.
Aujourd’hui le pays frappe plutôt par ses divisions, cristallisées dans le personnage d’Umberto Bossi, dirigeant de la Ligue du Nord et ministre sans portefeuille du gouvernement de Silvio Berlusconi. Il s’est illustré en dénonçant le décret instaurant un jour férié le 17 mars, au nom du “fédéralisme” qu’il prône désormais après avoir revendiqué la sécession pendant de longues années. Cette opposition perpétuelle entre un Mezzogiorno pauvre et un Nord riche ne rend pas la tâche évidente aux partisans d’une commémoration nationale.
Le président de la République Giorgio Napolitano, haute autorité morale du pays, s’est lui-même exprimé dans un courrier adressé au parti régionaliste germanophone Südtiroler Volkspartei qui avait annoncé son refus de participer aux festivités. Il a répondu à son président, Luis Durnwalder, qui met en avant le rattachement tardif de cette minorité germanophone du Haut-Adige en 1919. Le président Napolitano souligne que tous les citoyens italiens, italophones ou non, sont concernés par la célébration de l’unité du pays. Mais même au plus haut niveau, la volonté de célébration affichée ne se traduit pas toujours dans les actes. Ainsi, il est significatif qu’une partie du budget initialement destinée au financement des célébrations ait été utilisée à des fins toutes autres : financer la suppression, décidée par S. Berlusconi, d’un impôt local.
Si l’événement est perçu de manière positive par 88% de la population, le contexte général de faiblesse du sentiment national ne pousse pas les Italiens à la fête. Quand on parle de la relation entre les Italiens et leur Etat, on insiste d’abord sur les divisions et l’absence de sentiment d’appartenance collective à un Etat. Pour Marc Lazar, spécialiste de l’Italie, ces divisions tiennent à de multiples facteurs : l’illégitimité originelle de l’Etat, les divisions politiques très profondes qui se sont succédé dès le XIXe siècle, de fortes disparités géographiques et culturelles, et enfin le paradoxe entre le centralisme et l’esprit de clocher traditionnellement très fort dans la péninsule.
En savoir plus :
Marc Lazar : “l’état de la jeunesse en Italie est de plus en plus dramatique” - Toute l’Europe
Sources :
Article de l’Alto Adige [it]
Rapport : les Italiens et l’Etat [it]