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REPowerEU : comment l’Union européenne veut sortir de sa dépendance aux énergies fossiles russes

Baptisé “REPowerEU”, le plan proposé par la Commission européenne en mai 2022 a un objectif clair : se passer du gaz, du pétrole et du charbon en provenance de Russie d’ici à 2027. L’UE réduit sa consommation d’énergie, diversifie l’approvisionnement en gaz et mise sur les énergies renouvelables.

La consommation de gaz de l'UE a chuté de 19,3 % entre août 2022 et janvier 2023, par rapport à la consommation moyenne des cinq dernières années sur les mêmes mois
Entre août 2022 et janvier 2023, la consommation de gaz de l’UE a chuté de 19,3 % par rapport à la consommation moyenne des cinq dernières années sur les mêmes mois - Crédits : Tomas Ragina / iStock

L’Union européenne a tenté de réagir vite. Le 18 mai 2022, soit quelques semaines après l’invasion russe en Ukraine, et conformément à la demande des Vingt-Sept réunis à Versailles les 10 et 11 mars, la Commission européenne a présenté le plan REPowerEU. Son objectif : réduire massivement les importations de gaz russe et s’en passer totalement à l’horizon 2027. Un vrai défi, alors que la Russie couvrait plus de 40 % des importations européennes en gaz naturel avant le déclenchement du conflit. Un chiffre tombé sous la barre des 13 % en novembre 2022.

La stratégie repose sur quatre piliers : économiser de l’énergie, remplacer les énergies fossiles russes par d’autres hydrocarbures, promouvoir les énergies renouvelables et investir dans de nouvelles infrastructures comme des terminaux de gaz naturel liquéfié (GNL).

Le 14 décembre, Etats membres et eurodéputés sont tombés d’accord sur les moyens de financer cette feuille de route. Chaque pays pourra présenter son plan de réformes et d’investissements pour recevoir une aide européenne afin d’atteindre les objectifs de REPowerEU.

Economiser de l’énergie

C’est un des paris réussis pour l’Union européenne en 2022. Selon un règlement adopté pendant l’été, les Etats membres étaient invités à réduire leur consommation de gaz de 15 % entre les mois d’août 2022 et mars 2023 par rapport à la moyenne des cinq dernières années sur la même période. Bilan : la demande européenne a diminué de 19,3 % entre août et janvier. Des efforts qui ont permis d’éviter les scénarios du pire en Europe, comme les rationnements ou les coupures de courant généralisées, bien que la baisse de consommation soit aussi le résultat d’une moindre production industrielle et d’une sobriété des ménages, inquiets de voir leurs factures exploser.

Plus largement, dans son plan, la Commission souhaite renforcer les mesures d’efficacité énergétique (une moindre consommation pour le même effet), que ce soit dans les secteurs du transport, du bâtiment ou de l’industrie. Elle entend par exemple relever de 9 à 13 % l’objectif contraignant d’efficacité énergétique proposé dans son “paquet climat (“Fit for 55”). Présenté en juillet 2021, ce dernier prévoit déjà de réduire la consommation européenne de gaz de 30 % d’ici à 2030. Mais selon les estimations de la Commission mi-2022, cette demande “devrait diminuer plus rapidement que prévu” en raison notamment de la hausse des prix de l’énergie, couplée à la mise en œuvre de REPowerEU.

Diversifier les approvisionnements

L’Union européenne dialogue aussi avec d’autres pays pour diversifier ses approvisionnements en énergies fossiles. Fin mars 2022, un accord a été signé avec les Etats-Unis pour fournir des importations supplémentaires de gaz naturel liquéfié (GNL).

Si ces dernières augmentent progressivement depuis 2016, les deux parties comptent toutefois atteindre un rythme de 50 milliards de mètres cubes de gaz par an, là où la Russie en exportait vers l’Europe environ 155 milliards en 2021. Entre janvier et novembre 2022, les importations de GNL en provenance des Etats-Unis ont finalement représenté plus de 50 milliards de mètres cubes, soit plus du double de la quantité importée à travers l’Atlantique sur l’ensemble de l’année 2021. Un bond dans les livraisons, qui nécessite des investissements dans de nouveaux terminaux aux portes du Vieux Continent.

La commissaire à l’Energie Kadri Simson a également signé mi-juin un protocole avec l’Egypte et Israël afin de “permettre une livraison stable de gaz naturel à l’UE”. Mi-juillet, l’Union a aussi trouvé un accord avec l’Azerbaïdjan afin de doubler la capacité du corridor gazier sud-européen. Objectif : fournir à l’UE au moins 20 milliards de mètres cubes de gaz par an d’ici à 2027.

Des achats groupés de gaz et d’hydrogène sont par ailleurs prévus, au sein d’une plateforme européenne commune.

Depuis le début de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, l’UE a imposé plusieurs sanctions à Moscou qui concernent le secteur de l’énergie. Cela inclut par exemple un embargo sur le pétrole, un plafonnement du prix du baril pour les exportations vers les pays tiers ainsi qu’un embargo sur le charbon.

Vers plus d’énergies renouvelables

Si elle souhaite diversifier ses importations d’énergies fossiles, la Commission ne met pour autant pas de côté l’objectif européen de neutralité climatique à l’horizon 2050. L’exécutif européen propose ainsi de faire passer de 40 % à 45 % l’objectif de l’UE à l’horizon 2030 en matière d’énergies renouvelables. REPowerEU porterait la capacité totale de production de ces énergies à 1 236 gigawattheures d’ici à 2030, et non plus à 1 067 GWh comme envisagé en juillet 2021. Il s’agit notamment de doubler la capacité solaire photovoltaïque d’ici à 2025 et d’installer 600 GW de capacités de production d’ici à 2030.

Constatant que la longueur des procédures administratives constitue l’un des principaux obstacles au déploiement des énergies renouvelables, les Etats membres ont adopté en fin d’année un règlement visant à accélérer la procédure d’octroi des permis. Des projets peuvent par exemple être exemptés de l’évaluation des incidences sur l’environnement dans certaines zones.

Selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) publié en décembre 2022, “les objectifs de REPowerEU semblent être à portée de main, du moins en ce qui concerne les énergies renouvelables”, si l’UE répond à ces trois obstacles principaux : un soutien politique insuffisant, des difficultés d’octroi des permis ainsi que d’éventuelles congestions du réseau.

L’UE parie également sur l’hydrogène : le plan fixe un objectif de 10 millions de tonnes de production intérieure d’hydrogène renouvelable et un chiffre similaire en matière d’importations à l’horizon 2030. La création d’une banque européenne de l’hydrogène, chargée d’investir 3 milliards d’euros pour développer ce marché sur le continent, a ainsi été annoncée par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen lors de son discours sur l’état de l’Union en septembre dernier.

Un plan à 210 milliards d’euros

Ce vaste chantier stratégique nécessite, selon le Commission, 210 milliards d’euros d’investissements supplémentaires d’ici à 2027. Pour le financer, la Commission compte en partie sur les économies dues à la réduction des importations russes (100 milliards d’euros par an) et sur les prêts non utilisés du plan de relance européen (225 milliards d’euros).

L’accord trouvé entre Etats membres et eurodéputés le 14 décembre précise les moyens de financements des mesures pour renforcer l’indépendance énergétique et diversifier les approvisionnements de l’UE. Des subventions supplémentaires de 20 milliards d’euros sont mises à disposition des pays de l’Union, provenant du Fonds pour l’innovation (60 %) et d’une mise aux enchères de quotas dans le cadre du marché carbone européen (40 %).

Les subsides de l’UE seront répartis selon une formule qui tient compte de plusieurs critères, dont la population des Etats membres et leur dépendance aux combustibles fossiles. La Pologne (14 %), l’Italie (14 %) et l’Espagne (13 %) sont les premières bénéficiaires. La France devrait toucher quant à elle 2,3 milliards, soit un peu moins de 12 % de l’enveloppe européenne totale.

Les Etats membres peuvent par ailleurs réaffecter à REPowerEU une partie de leur dotation provenant de la réserve d’ajustement au Brexit, une enveloppe créée en 2021 pour compenser les conséquences économiques de la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Cela représente 5,4 milliards d’euros.

Les mesures transnationales sont une priorité. Les projets de transport ou de stockage d’énergie qui dépassent les frontières doivent représenter au moins 30 % des coûts “REPowerEU” dans les plans soumis par les Etats membres.

Les Etats membres ont aussi la possibilité de transférer jusqu’à 7,5 % de leurs fonds de la politique de cohésion vers un soutien direct aux familles les plus pauvres ainsi qu’aux PME afin de les aider à faire face à l’augmentation des coûts de l’énergie.

Président de la commission des Régions au Parlement européen, l’eurodéputé Younous Omarjee (LFI, GUE/GNL) avait toutefois fustigé ce mode de financement. “La possibilité déjà existante de transferts de 5 % représente une contribution suffisante de la politique de cohésion aux objectifs de REPowerEU, d’autant plus que la position initiale du Parlement européen était de rejeter tout transfert”, a-t-il expliqué dans un communiqué. “Des garde-fous doivent être posés pour éviter la tentation de démunir la politique de cohésion d’une part importante de son budget au profit d’instruments centralisés négociés directement par les Etats membres”, avaient par ailleurs prévenu la présidente et le président délégué de Régions de France Carole Delga et Renaud Muselier dans une lettre au Conseil.

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