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Ce que l'Europe fait pour moi

Qu’est-ce que la “taxe plastique” de l’Union européenne ?

Série - Ce que l'Europe fait pour moi

Première des “nouvelles ressources propres européennes” à avoir vu le jour, la contribution sur les déchets d’emballages plastiques doit inciter les Etats à mieux recycler.

Bouteille recyclée
Crédits : iStock / Imgorthand

D’un côté, alimenter les caisses de l’Union européenne pour rembourser progressivement son plan de relance. De l’autre, inciter les Etats membres à recycler davantage. Tels sont les deux objectifs de la contribution plastique de l’Union européenne, appliquée depuis le 1er janvier 2021. 

Son mode de calcul est simple : chaque kilogramme de déchet d’emballage plastique qu’un Etat membre n’a pas recyclé (pot de yaourt, bouteille d’eau, barquette de margarine…) lui coûte 80 centimes d’euros. C’est du moins le cas pour les 10 pays les plus riches de l’Union. 

Les autres, dont le revenu national brut par habitant est inférieur à la moyenne européenne, bénéficient d’une réduction annuelle forfaitaire sur ce montant, allant de 1,4 million d’euros pour Malte à 117 millions d’euros pour la Pologne, 142 millions d’euros pour l’Espagne et 184 millions d’euros pour l’Italie. 

Ces sommes sont ensuite reversées par les Etats au budget de l’Union, à côté des autres contributions habituelles (RNB, TVA, droits de douane…). 

Quand a-t-elle été mise en place ? 

Intégrée au plan de relance européen adopté en juillet 2020, la contribution plastique a dû attendre la validation définitive de ce dernier pour entrer en vigueur. Un processus qui s’est achevé le 27 mai 2021, après sa ratification par l’ensemble des parlements nationaux. La contribution s’applique alors rétroactivement sur l’ensemble de l’année 2021.

Quelle est son efficacité environnementale ? 

Celle-ci est difficile à évaluer. La contribution plastique n’est qu’un des nombreux instruments écologiques de l’UE. A travers le Pacte vert européen, celle-ci veut notamment garantir que tous les emballages sur son marché soient recyclables d’ici à 2030, réduire la consommation de plastiques à usage unique et limiter l’utilisation des microplastiques. Ses objectifs en matière de recyclage sont par ailleurs fixés depuis une directive de 1994. 

L’efficacité environnementale de cette nouvelle ressource dépend avant tout des efforts des Etats en matière de recyclage. Or son mécanisme repose sur un effet de “bonus-malus” doublement incitatif. Un pays qui parvient à réduire ses déchets non recyclés fait proportionnellement baisser le montant de sa contribution plastique. Mais il réduit aussi, par rapport aux autres Etats, le montant de sa contribution basée sur sa richesse (la ressource RNB, qui s’ajuste aux autres pour maintenir le budget toujours à l’équilibre).

Enfin, la contribution ne porte que sur les déchets d’emballages plastiques non recyclés. Elle exclut donc les emballages issus d’autres matières ainsi que les déchets plastiques non issus d’emballages, et ne représente donc qu’une partie des matériaux recyclables. Selon les estimations de l’éco-organisme Citeo en 2019, les emballages en plastique représentent par exemple moins d’un quart (22 %) du gisement des emballages ménagers, le taux de recyclage des emballages plastique étant quant à lui estimé à 29 %.

Connaît-on précisément le poids des déchets non recyclés de chaque Etat ? 

Depuis la directive de 1994, les Etats membres transmettent chaque année à l’Office européen des statistiques, Eurostat, leurs données sur la production et le recyclage des déchets d’emballages plastiques. Conformément à un règlement de 2002, ils établissent également chaque année un rapport sur la méthode employée pour le calcul de ces données. 

Jusqu’à récemment, chaque Etat avait pris l’habitude de recenser ces informations selon ses propres critères. “Les Allemands ont une méthode de calcul qui tend à surestimer leur recyclage, les Français à le sous-estimer, ce qui ne rend pas les comparaisons toujours pertinentes”, alertait ainsi Olivier Guichardaz, rédacteur en chef du magazine Déchets infos, en mars 2021. Dans le classement européen du taux de recyclage de déchets d’emballages plastiques, la Lituanie figurait étonnamment en tête ces dernières années.

Révisée en 2018, la directive européenne relative aux emballages et aux déchets d’emballages est désormais censée faire face à ces écarts de comptabilité : ne sont considérés comme déchets recyclés que ceux ayant été effectivement contrôlés et jugés recyclables. 

Combien cette contribution rapporte-t-elle à l’UE ?

Environ 6 milliards d’euros par an, soit 4 % du budget européen, selon les estimations de la Commission européenne. Du moins avant que les Etats n’améliorent à plus long terme leur système de recyclage. Cet effort doit réduire leur facture sans pour autant diminuer les ressources budgétaires de l’Union grâce à un système de compensation. 

Les Etats doivent compléter le budget européen à hauteur du montant voté. Si l’un d’entre eux parvient à limiter sa contribution plastique, les Vingt-Sept devront en effet contrebalancer cette baisse par une augmentation de leur contribution calculée en fonction de leur RNB. Ce sont donc bien les Etats les plus vertueux qui verront leur facture diminuer, au détriment de ceux tardant à mettre en place un recyclage efficace du plastique. 

Et d’ici 2027, l’exécutif européen s’attend en tout cas à une augmentation du volume de déchets recyclés en valeur absolue. Mais ce phénomène s’expliquerait essentiellement par l’augmentation du volume de déchets produits. 

Les Européens produisent 25 millions de tonnes de déchets plastiques chaque année, dont seuls moins de 30 % sont collectés en vue de leur recyclage, estimait la Commission européenne en 2021.

La contribution plastique, nouvelle ressource pour rembourser le plan de relance. 

En l’an 2000, moins de la moitié du budget européen était directement alimenté par les Etats membres. Aujourd’hui, les ressources traditionnelles (prélèvements agricoles et droits de douane) ayant fortement diminué, cette part des contributions nationales atteint les trois quarts du budget de l’Union. 

Parfois présenté comme “plus équitable” car “davantage lié à la richesse effective des Etats”, le système qui a prévalu ces dernières années est plus souvent considéré comme un frein à la construction européenne. Tous les sept ans, lors d’interminables négociations pour fixer le cadre financier pluriannuel européen, la stratégie des Etats membres consiste souvent à tenter d’obtenir le maximum de l’Union tout en minimisant leur contribution nationale. Avec parfois, comme lors du cycle 2014 - 2020 (mais la crise financière était passée par là), un budget en forte diminution (-35 milliards d’euros) par rapport au cycle précédent. 

Pour contrer ce poids des pays de l’UE sur ses finances, et donc sur sa politique, les projets visant à lui redonner un peu d’autonomie budgétaire n’ont pas manqué. En 2007 par exemple, le Parlement européen appelait de ses voeux “la création d’un nouveau système de ressources propres reposant sur un impôt prélevé dans les États membres”. Et notamment, au milieu des 13 projets envisagés : une “écotaxe”.

Confrontée au départ du Royaume-Uni - alors son 3e contributeur net - et à un choc économique sans précédent du fait de la crise sanitaire, l’UE a franchi un pas fondamental en 2020 avec l’adoption, en sus du budget pluriannuel, d’un plan de relance de 750 milliards d’euros.

C’est pour financer ce dernier qu’un grand emprunt commun va être lancé. Celui-ci doit être progressivement remboursé, jusqu’en 2058, grâce aux recettes issues de nouveaux instruments budgétaires. Le premier d’entre eux est la contribution sur les déchets d’emballages plastiques. 

Quels sont les risques de fraude ? 

Si ces données sont donc transmises depuis plusieurs décennies à l’UE, elles prennent une dimension toute particulière depuis 2021 puisqu’elles déterminent désormais le montant de la ressource plastique payée par chacun. Il n’est donc pas exclu d’imaginer qu’un pays soit tenté de sous-évaluer le poids de ses déchets non recyclés, afin de réduire le montant de sa contribution. 

L’UE prévoit plusieurs garde-fous visant à empêcher ce type de comportement, comme elle le fait déjà à propos des autres ressources versées par les Etats membres. Ces dernières années, elle a ainsi adopté une série de mesures pour renforcer la lutte contre la fraude à la TVA et l’évasion fiscale. En 2018 par exemple, la Commission estimait à 140 milliards d’euros les pertes budgétaires causées par ces pratiques (comme la fraude à la TVA transfrontière, lorsqu’une entreprise qui a perçu la TVA auprès de son client ne verse pas le montant revenant à l’autorité fiscale concernée et disparaît). 

Outre les procédures de validation et rapports pays, les lignes directrices qu’Eurostat fournit aux pays pour calculer leurs estimations ont été revues en mai 2021. La Commission a également constitué un groupe d’experts afin d’améliorer la comparabilité, la fiabilité et l’exhaustivité des statistiques sur les déchets. Des contrôles in situ dans les Etats membres sont par ailleurs envisagés. 

Quel est le montant payé par la France (et comment le finance-t-elle) ? 

La France recycle un peu plus d’un quart de ses déchets d’emballages plastiques chaque année, loin de la moyenne européenne (41,5 % en 2018, selon Eurostat). Elle figure de fait parmi les principaux contributeurs à cette nouvelle ressource. 

En 2018, le pays a généré 2,4 millions de tonnes de déchets d’emballages plastiques, dont 600 000 ont été recyclées. En admettant que la contribution plastique soit déjà en vigueur, la facture propre à la contribution plastique avoisinerait alors 1,4 milliard d’euros pour la France. Pour le cycle 2021 - 2027, la direction française du Budget situait ce chiffre entre 1,1 et 1,2 milliard d’euros par an, soit 4 % de la contribution française au budget de l’Union européenne. Selon les données de l’Insee relevées par Les Echos, le pays a en effet versé 1,2 milliard d’euros de “taxe plastique” à l’Union européenne en 2021.

Toutefois, le “coût net” de cette contribution est bien moindre, si l’on considère que celle-ci permet à la France d’économiser sur le montant d’une autre contribution liée à son revenu national brut (ressource RNB). En l’absence de la nouvelle ressource plastique et avec le même budget européen, le pays aurait dû verser 1,05 milliard d’euros au titre de la ressource RNB, estime le rapport du sénateur Jean-François Husson. “Ainsi, le surcoût de l’introduction de cette nouvelle ressource correspond au différentiel entre ces deux montants, soit environ 69 millions d’euros pour la France en 2021”, poursuit ce dernier.

Chaque pays est libre de répercuter ou non ce coût comme il le souhaite. En France, le gouvernement a choisi d’inscrire cette dépense supplémentaire dans son budget 2021 sans création de “taxe plastique” ou d’augmentation d’impôt. “Il n’y aura pas un impôt plastique, pas d’impôt nouveau sur les français ou les entreprises”, affirmait ainsi le secrétaire d’État aux Affaires Européennes, Clément Beaune, en juillet dernier.

La France prévoit-elle d’aller plus loin dans le recyclage du plastique ? 

Comme les autres pays européens, la France est par ailleurs engagée dans l’amélioration du recyclage des plastiques. Elle s’est notamment donnée pour but, avec la loi AGEC de 2020, de “tendre vers l’objectif de 100 % de plastique recyclé d’ici le 1er janvier 2025” et “la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040”. Ce qui devrait diminuer sa contribution à la ressource plastique de l’UE. 

La directive européenne relative aux emballages et aux déchets d’emballages fixe, depuis 2018 et pour l’ensemble des États membres, des objectifs minimaux de recyclage de 50 % du poids des déchets d’emballages en plastique pour 2025 et de 55 % pour 2030. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) du 8 février 2020 transpose cette directive en droit français, en fixant parfois des objectifs plus ambitieux.

Montant de la contribution des 27 pays membres à la taxe plastique en 2021

PaysContribution (en millions d’€)
Allemagne1 357,3
Autriche156,1
Belgique151
Bulgarie22,2
Chypre3,4
Croatie17,9
Danemark124,6
Espagne478,8
Estonie22,5
Finlande69,4
France1 247,2
Grèce48
Hongrie150,4
Irlande145,8
Italie744,4
Lettonie14,8
Lituanie10,7
Luxembourg14
Malte7,2
Pays-Bas205,1
Pologne361,2
Portugal167,3
République tchèque52,6
Roumanie114,8
Slovaquie33,6
Slovénie10,3
Suède99,9
Source : Commission européenne

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