“Cette fois sera la bonne”, affirme L’Usine Nouvelle. Berlin débranchera demain ses trois derniers réacteurs nucléaires en service, “faisant le pari qu’elle réussira sa transition verte sans l’énergie nucléaire” [Euronews]. L’évènement représente un tournant “historique pour l’Allemagne” [Tagesschau].
Samedi, “non loin de Stuttgart (sud), la vapeur blanche qui s’échappe de la centrale nucléaire du Bade-Wurtemberg ne sera bientôt plus qu’un souvenir”, indique BFMTV. Même traitement plus à l’est pour le complexe d’Isar 2 et pour celui d’Emsland, à l’autre bout du pays, non loin de la frontière néerlandaise, poursuit le journal. Cette dernière centrale sera “déconnectée du réseau électrique, [puis] le réacteur [sera] arrêté”, note Tagesschau. Une opération d’une quinzaine de minutes, suivie par le retrait d’éléments hautement radioactifs. Ceux-ci seront “placés dans une piscine de désactivation pour quelques années” puis conservés dans l’un des 16 conteneurs pour déchets radioactifs présents sur le sol allemand [Tagesschau].
Une décision prise il y a 21 ans
Avec cet arrêt total, “la première économie européenne tourne la page […] alors que de nombreux pays occidentaux dépendent du nucléaire”, souligne BFMTV. La décision avait été “actée depuis 2002 par le gouvernement de Gerhard Schröder (SPD-Verts) et […] avait ensuite été confirmée par la chancelière Angela Merkel en 2011, à la suite de l’accident de Fukushima au Japon” [L’Usine Nouvelle]. Cette dernière catastrophe avait “sonné le glas de l’énergie nucléaire en Allemagne avec la plus grande manifestation antinucléaire jamais organisée, qui a rassemblé quelque 250 000 personnes” [Euractiv].
“16 réacteurs ont été fermés depuis 2003″, indique BFMTV, qui note la baisse drastique de la part du nucléaire dans le mix électrique du pays : “les trois dernières centrales ont fourni 6 % de [l’électricité] produite dans le pays l’an dernier, alors que le nucléaire représentait 30,8 % en 1997″.
L’arrêt définitif des centrales “aurait déjà dû se produire à la fin de l’année dernière”, rappelle l’AFP (reprise par zonebourse). Mais à cause de la guerre en Ukraine et des risques de pénuries qu’elle a provoqués sur le marché européen de l’énergie, l’actuelle coalition gouvernementale (SPD-Verts-Libéraux) “a modifié la loi sur l’énergie nucléaire à l’automne […] afin de permettre aux trois réacteurs de continuer à fonctionner pendant l’hiver jusqu’à la mi-avril”, poursuit l’agence de presse.
Approvisionnement
Dans ce contexte, “jusqu’à la dernière minute, la fin de l’atome suscite un vif débat dans la société et la classe politique”, relate L’Usine Nouvelle. “65 % des Allemands sont finalement opposés à l’arrêt total du nucléaire”, précise le média. “Nettement plus de la moitié (59 %) des personnes interrogées pensent que c’est une erreur, tandis qu’un tiers seulement (34 %) pensent que c’est une bonne chose” indique un autre sondage cité par l’AFP. Si pour Steffi Lemke, ministre allemande de l’Environnement, la sortie du nucléaire est bénéfique “notamment en raison du problème de la gestion des déchets” [AFP], les libéraux du FDP – également membres du gouvernement – souhaitent que “les centrales nucléaires [soient] maintenues comme solution de repli au cas où elles seraient nécessaires à une date ultérieure”, note Euronews.
Avec l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022, la sécurité de l’approvisionnement énergétique et la stabilité des prix ne sont pas vraiment garanties. En décembre dernier, le pays s’était retrouvé “exposé aux scénarios les plus noirs, du risque d’arrêt de ses usines à celui d’être sans chauffage en plein hiver”, une fois privé du gaz russe [BFMTV]. Tandis que les prix de l’énergie se sont envolés dans toute l’Union européenne, y compris outre-Rhin. Selon l’Office fédéral des statistiques (Destatis), ceux-ci “étaient en janvier 2023 supérieurs de 32,9 % à ceux de janvier 2022, et pour le gaz, la hausse dépasse les 50 %” [L’Usine Nouvelle].
Mais “l’approvisionnement énergétique est-il [réellement] en danger ?”, questionne la Tagesschau. Pour le ministère allemand de l’Economie et du Climat, “la sécurité énergétique est garantie, y compris sans les trois derniers réacteurs qui ont produit 35 térawattheures d’électricité en 2022, soit moins de 6 % du mix de production [électrique]” [L’Usine Nouvelle]. Une position partagée par le gestionnaire du réseau d’électricité ouest-allemand Amprion : aucun “problème d’approvisionnement du réseau” n’est à l’ordre du jour, car le niveau d’énergie disponible sera “comparable à celui d’avant l’abandon du nucléaire” [AFP]. Le gestionnaire prévoit d’ailleurs “d’investir environ 22 milliards d’euros dans l’extension du réseau électrique au cours des cinq prochaines années”, et de mettre à disposition “des capacités de réserve conventionnelles supplémentaires” [AFP].
Transition énergétique
Cet arrêt définitif du nucléaire place toutefois l’Allemagne “dans une situation délicate, car il va falloir [le] compenser”, résume Europe 1. La part du charbon atteint aujourd’hui 33 % du mix électrique. Elle “a augmenté de 8 % entre 2021 et 2022 pour compenser l’arrêt des importations de gaz russe, mais surtout pour augmenter les exportations d’électricité, en particulier vers la France” [L’Usine Nouvelle]. Une partie importante des centrales de l’Hexagone étaient alors à l’arrêt pour des opérations de maintenance.
De son côté, Paris a ouvertement critiqué hier l’idée d’une éventuelle “relance de l’énergie fossile” en Allemagne, comme le charbon : “Il va de soi que la relance de l’énergie fossile pour compenser la sortie du nucléaire ne va pas dans le sens de l’action climatique que nous portons tous collectivement au niveau européen”, a notamment indiqué le cabinet de la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, citée par BFMTV.
Le gouvernement allemand prévoit toutefois de “se passer du charbon ‘idéalement’ dès 2030″ et en principe d’ici à 2038 [L’Usine Nouvelle]. Pour y parvenir, ce sont ainsi “quatre à cinq éoliennes par jour [qui doivent être installées] au cours des prochaines années”, a fait savoir le chancelier Olaf Scholz [Euronews]. Pour cela, Berlin a récemment accéléré “les procédures d’autorisation des parcs solaires et éoliens, jugées encore trop longues et complexes” [L’Usine Nouvelle]. Néanmoins, “la marche est haute comparée aux 551 unités posées en 2022”, prévient BFMTV.
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