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Les Européens divisés sur les sables bitumineux

Le comité d’experts de la Commission européenne n’a pas réussi à se mettre d’accord, jeudi 23 février, sur un projet qui classerait le pétrole issu des sables bitumineux dans une catégorie très polluante en raison de l’abstention de la France, de l’Allemagne, des Pays-Bas ou encore du Royaume-Uni. Les ministres de l’Environnement se prononceront sur la question en juin prochain.

Un pétrole particulièrement polluant

Les sables bitumineux, ou pétrolifères, sont un mélange de sable, d’eau, d’argile et de bitume brut. Après un long procédé technologique, particulièrement polluant parce que vorace en énergie, on parvient à séparer le bitume de l’eau, de l’argile, et du sable, et à en extraire du pétrole exploitable. Au total, ce processus provoque des émissions de CO² 22% plus élevées que lors de l’extraction de pétrole conventionnel. Troisième réserve mondiale de sables bitumineux, le Canada offre un exemple des dommages importants liées à son extraction, avec 3000km² de forêts détruits et la pollution de lacs et de rivières de l’Etat d’Alberta où sont situées les principales exploitations.

A cet égard, la Commission européenne propose d’amender la directive sur la qualité des carburants adoptée en 2008. Cet amendement serait de fait très défavorable au pétrole issu des sables bitumineux dans la mesure où il serait classé dans une catégorie très polluante. Avec une valeur d’émissions de gaz à effet de serre supérieure, les ambitions canadiennes de conquérir le marché européen seraient sapées.

Le 23 février, aucune majorité qualifiée ne s’est dégagée parmi les 345 représentants des 27 Etats de l’UE appelés à se prononcer sur cette proposition. Le dossier, technique et politiquement sensible, a donc été renvoyé aux ministres de l’Environnement de l’Union européenne. S’ils l’approuvent, le texte sera ensuite soumis au Parlement européen.

Lobbying intense du Canada et des pétroliers

Dans le cas contraire, il sera possible de dire que l’action de lobbying des pétroliers et du Canada aura porté ses fruits. Joe Oliver, ministre canadien des Ressources naturelles s’est dit “réjoui que les pays européens aient rejeté cette mesure injustifiée et discriminatoire” , rappelant qu’Ottawa n’hésiterait pas à porter le conflit devant l’Organisation Mondiale du Commerce si nécessaire.

Les groupes pétroliers présents au Canada ont quant à eux frappé à beaucoup de portes pour défendre leurs intérêts auprès des Etats membres et particulièrement dans leurs pays d’origine. Ils ont alors pu mettre en avant leur Alliance pour l’innovation dans l’exploitation des sables bitumineux, décidée le 1er mars dernier. Cet accord, signé notamment par le groupe français Total, le britannique BP, le néerlandais Shell et le norvégien Statoil, vise à améliorer le partage des innovations sur le plan de l’environnement.

Le fait est que les sables bitumineux canadiens représentent la troisième réserve mondiale de pétrole - derrière l’Arabie Saoudite et le Venezuela - avec la présence d’environ 170 milliards de barils. Cela explique la volonté de l’industrie pétrolière de lutter contre la directive européenne et de se façonner une meilleure image en termes de respect de l’environnement. La prochaine étape dans l’exploitation des sables bitumineux devrait être la construction de nouveaux oléoducs, opération également contestée par les associations écologistes.

Des prix Nobel s’engagent

En effet, des organisations telles que Greenpeace s’affichent comme de farouches opposants aux sables bitumineux et appellent les ministres européens à faire face à l’industrie pétrolière. Darek Urbaniak, des Amis de la Terre, dénonce par exemple les “pressions extrêmes des Canadiens et des lobbies pétroliers” et regrette d’avoir “manqué une occasion de laisser les carburants très polluants hors d’Europe” .

Le discours de ces associations est largement relayé par Connie Hedegaard, commissaire européenne à l’Action pour le climat. Mme Hedegaard avait fait part de ses craintes quant à un rejet de la proposition par les experts de la Commission européenne en raison de l’intense campagne de lobbying des entreprises pétrolières. La commissaire danoise espère désormais que “les gouvernements vont réaliser qu’il est nécessaire de prendre en compte les émissions bien plus élevées des carburants non conventionnels” .

Le 16 février, ce sont huit prix Nobel de la paix qui ont appelé à cesser l’exploitation des sables bitumineux. L’archevêque sud-africain Desmond Tutu ou encore l’Iranienne Shirin Ebadi recommandent ainsi aux dirigeants européens de se prononcer en faveur de la directive et ainsi de “s’éloigner de la dépendance destructrice au pétrole” .

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