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L’Union de l’énergie : la relance de la construction européenne ?

Le 25 février, la Commission européenne a officiellement lancé l’un des éléments phares de son programme : l’Union de l’énergie. Un projet récurrent depuis plus de dix ans à Bruxelles. La nécessité de sa mise en place a été réactivée par les troubles en Ukraine et au Moyen-Orient, qui mettent en péril l’approvisionnement énergétique en Europe, ainsi que par les objectifs en matière de réduction des émissions de CO2, qui impliquent une révolution énergétique à l’échelle communautaire. Une solide impulsion politique et économique sera néanmoins requise pour relever tous les défis qu’un projet de cette ampleur suppose.

L'Europe va chercher à multiplier les interconnexions électriques

Le constat n’est guère flatteur. L’Europe se trouve en position de faiblesse sur le plan énergétique. Elle importe plus de la moitié de son énergie, pour une facture annuelle proche de 400 milliards d’euros. Une dépendance énergétique partielle qui fragilise son positionnement géopolitique. Par ailleurs, son économie souffre d’un déficit de compétitivité, notamment vis-à-vis des Etats-Unis en raison du coût nettement supérieur de l’énergie, tant pour les ménages que les entreprises. Enfin, la stratégie environnementale européenne, très ambitieuse au regard de celles mises en place ailleurs dans le monde, doit être appuyée par une transition énergétique communautaire.

Eoliennes

Pour en savoir plus sur les objectifs européens relatifs à la lutte contre le réchauffement climatique, consultez notre article Climat : état des lieux de l’action européenne

C’est pourquoi la Commission européenne a accéléré le lancement de son projet d’Union de l’énergie, qui sera peut-être le plus important du mandat de Jean-Claude Juncker. Le 25 février, c’est Miguel Arias Cañete, le commissaire européen à l’Energie et au Climat, qui s’est chargé de l’annonce. 1 000 milliards d’euros sur cinq ans devraient être engagés : ce programme ne se fera pas à peu de frais. Evidemment les finances publiques ne suffiront pas : “le secteur privé supportera l’essentiel du coût” , a annoncé M. Cañete. Selon le même schéma que le plan Juncker d’investissements de 315 milliards d’euros, les investissements privés seront garantis par des fonds publics.

Diversification

Sur le plan géopolitique, certainement l’aspect à l’actualité la plus prégnante, il est évident que la crise ukrainienne a incité la Commission à passer à l’offensive. Les relations houleuses avec la Russie couplées à la menace quasi permanente de coupure d’approvisionnement incitent logiquement l’Europe à réduire sa dépendance vis-à-vis du gaz russe. Et de la même manière, l’instabilité politique de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ne fait que renforcer la nécessité de la diversification de l’approvisionnement.

A cet égard, l’UE compte sur le corridor gazier sud-européen, dont la construction est d’ores et déjà entamée, et qui devrait relier l’Azerbaïdjan à l’Union européenne d’ici à 2020. Tout comme Bruxelles envisage de se rapprocher d’autres pays fournisseurs d’énergie, comme la Turquie, l’Algérie, le Turkménistan, voire l’Iran et l’Irak. Des pistes de réflexion qui n’ont d’ailleurs pas manqué de susciter le scepticisme d’organisations non gouvernementales comme Amnesty International, dans la mesure où cela reviendrait, pour l’Europe, à nouer des partenariats commerciaux avec des régimes autoritaires et, pour certains, instables.

Marché intérieur

Au sein de l’UE également, l’Union de l’énergie pourrait avoir la vertu non négligeable de réduire l’extrême fragmentation du marché européen. Car comme l’explique Jerzy Buzek, eurodéputé, ancien président du Parlement européen et actuel président de la commission de l’Energie, les Etats membres sont “des îles énergétiques” avec chacun leurs propres stratégies. La France a par exemple misé sur le nucléaire, tandis que l’Allemagne se désengage de cette énergie au profit des énergies renouvelables, quitte à recourir temporairement au charbon, une énergie polluante encore très utilisée en Pologne, etc. L’harmonisation du marché de l’énergie européen permettrait de réaliser des économies d’échelle et de renforcer la coopération et la solidarité en Europe.

Pour ce faire, l’une des principales priorités de la Commission devra être de multiplier les interconnexions électriques et gazières en Europe, quasiment inexistantes à ce jour. L’accord passé entre la France, l’Espagne et le Portugal apparaît à ce titre comme un signal positif de la volonté européenne de remédier à cette faiblesse du Marché intérieur. Isolée géographiquement, la Péninsule ibérique va pouvoir se raccrocher au réseau européen, via la France. D’ici à 2020, le seuil de 10% des capacités d’interconnexions devrait être atteint, entre la France et l’Espagne, mais également à l’échelle européenne. “Si l’énergie pouvait circuler librement à travers les frontières sur de longues distances, cela pourrait améliorer l’efficacité énergétique et des économies d’échelle” , explique The Guardian, quotidien généraliste britannique, “et aussi harmoniser les prix pour les usagers, qui varient fortement d’un Etat membre à l’autre” .

Environnement

Enfin, l’Union de l’énergie est également appelée à jouer un rôle substantiel dans la transition énergétique que l’UE cherche à mettre en place. En vue de la Conférence Climat 2015 (COP 21) qui aura lieu à Paris en décembre prochain, les Etats membres se sont en effet entendus sur un renforcement des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, d’amélioration de l’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables. En ce qu’elle devrait permettre de déployer les technologies de l’information dans le secteur énergétique et d’optimiser la consommation des ressources, l’Union de l’énergie est aussi conçue pour servir ces objectifs.

Logo officiel de la COP 21

Alors que les réunions préparatoires à la COP 21 se déroulent dans une atmosphère cordiale, la route vers un accord ambitieux et contraignant apparaît encore sinueuse. Consultez notre dernier article

Pour Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne, Sami Andoura, titulaire de la chaire de politique énergétique européenne au Collège d’Europe et Jean-Arnold Vinois, conseiller à l’Institut Jacques Delors, l’Union de l’énergie pourrait même constituer “le catalyseur d’un nouveau modèle de développement économique durable” . La Commission pourrait ainsi être tentée, entre autres, de remettre au goût du jour le principe ancien du “pollueur-payeur” , qui serait désormais élargi au secteur aérien, ou encore de repenser le marché du carbone européen afin de le rendre réellement dissuasif.


L’Union de l’énergie est une opportunité unique de replacer l’énergie au centre de la construction européenne : elle doit permettre de rompre avec l’approche fragmentée, court-termiste et de repli sur soi qui affecte dangereusement l’Europe, ses Etats membres et ses citoyens” , estiment MM. Delors, Andoura et Vinois dans leur tribune commune parue dans le Huffington Post. Une opportunité qui requiert néanmoins la volonté politique des 28 Etats membres et la mise en commun d’une compétence jusqu’ici nationale. Une perspective déjà contestée par Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, qui n’entend pas renoncer à ce pan de sa souveraineté qui l’obligerait certainement à revoir sa stratégie individuelle d’étroite collaboration avec la Russie. Cinq années ne seront pas de trop pour mettre l’Union de l’énergie sur les rails.

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