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Feux de forêt : comment l’Union européenne se prépare à un été 2023 à haut risque

Pompiers envoyés à l’étranger, hélicoptères, images satellites… En doublant ses moyens par rapport à l’année dernière, l’Europe se met en ordre de bataille avant une saison des feux de forêt qui s’annonce éprouvante.

Des pompiers polonais étaient venus aider leurs collègues français lors des incendies survenus en Gironde en août 2022
Des pompiers polonais étaient venus aider leurs collègues français lors des incendies survenus en Gironde en août 2022 - Crédits : Jérémie Mazenq / Commission européenne

L’été 2023 promet d’être chaud. La saison estivale n’a pas encore commencé que les incendies se multiplient déjà sur le Vieux Continent. A Fontainebleau (Seine-et-Marne) fin mai, en Grèce, et même en Allemagne ou en Belgique à la même période. Au total, 770 feux de forêt se sont déjà déclarés dans l’UE depuis janvier, soit plus du double de la moyenne des dernières années.

Des moyens aériens multipliés par 2

L’Union européenne veut être prête à réagir cet été, la saison la plus à risque pour les incendies. Les moyens ont été doublés depuis 2022, passant de 13 à 28 appareils pour lutter contre les feux. La flotte européenne, baptisée rescEU, comprend 24 avions et 4 hélicoptères provenant de 10 Etats membres. La France fournit par exemple deux avions bombardiers d’eau de taille moyenne et un hélicoptère, mobilisables pour porter secours à ses voisins en cas de besoin. L’Italie accueille quant à elle deux canadairs ainsi que deux avions légers amphibies, capables d’opérer sur l’eau comme sur terre.

Les forces ont été mieux réparties sur le territoire pour éviter que des moyens stationnés au Portugal ne soient envoyés au Pologne”, explique Claire Kowalewski, colonelle et experte détachée auprès de la Commission européenne. Cette année, une cellule spécifique sera par ailleurs mobilisée du 19 juin au 15 septembre à Bruxelles. Son rôle ? Analyser et coordonner la lutte contre les incendies cet été.

Des sapeurs-pompiers sont aussi prépositionnés dans des zones à risque. Au total, 443 soldats du feu sont déployés dans trois pays : 205 en Grèce, 174 en France et 64 au Portugal. La ville de Corte, en Corse, hébergera notamment des pompiers européens cet été. 11 Etats contribuent à cet effort, dont la France qui envoie une équipe de 20 personnes en Grèce.

L’échange n’est cependant pas toujours facile entre les professionnels qui ne parlent pas la même langue ou sont habitués à des procédures différentes. Les Etats envoient ainsi des officiers de liaison, capables de s’exprimer en anglais ou en français. Des formations sont aussi organisées par l’Union européenne afin que les pompiers se rencontrent et puissent travailler ensemble. Comme à Nîmes, où des stages d’interopérabilité aérienne se tiennent régulièrement, notamment pour assurer une bonne coopération entre les équipes au sol et celles dans les airs. La Commission européenne estime qu’environ 5 000 pompiers européens sont formés pour intervenir avec leurs collègues étrangers.

Mécanisme européen

Cette solidarité fait partie du mécanisme de protection civile de l’UE. Le dispositif peut être activé par un Etat lorsqu’il ne dispose pas des capacités suffisantes pour faire face à une catastrophe, comme des inondations ou des tremblements de terre. Très mobilisé pendant la pandémie de Covid-19 puis la guerre en Ukraine, le mécanisme avait aussi été sollicité après les explosions au port de Beyrouth en août 2020. Des dizaines de personnels, des véhicules, du matériel médical et des chiens spécialisés dans le sauvetage en milieu urbain avaient alors été envoyés au Liban par les Européens. Mobilisé 24h/24 et 7j/7, le Centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC) s’assure de l’efficacité de l’aide humanitaire et du bon fonctionnement du mécanisme.

Les 27 Etats membres de l’UE y participent, ainsi que 9 Etats tiers (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Islande, Macédoine du Nord, Monténégro, Norvège, Serbie, Turquie, Ukraine). Et les feux de forêt représentent une part importante de l’activité de la protection civile européenne. Entre 2007 et 2019, 30 % de ces demandes d’assistance concernaient des incendies.

Si ce mécanisme de protection civile date de 2001, l’experte Claire Kowalewski décrit l’année 2017 comme un tournant pour l’UE en matière de lutte contre les feux de forêt. Avec le record de près d’un million d’hectares partis en fumée, les incendies dramatiques avaient aussi été très meurtriers. 113 personnes étaient ainsi décédées en Espagne et au Portugal. “Il y a eu un vrai changement d’état d’esprit depuis 2017, avec la réalité du changement climatique et la prise de conscience que le dispositif devait changer d’ampleur”, explique la spécialiste.   

Depuis, le mécanisme de protection civile de l’Union a été renforcé en 2019 par rescEU, une flotte européenne qui comprend des avions et des hélicoptères de lutte contre les incendies. Elle est aussi dotée de stocks de matériel médical ou d’hôpitaux de campagne pour répondre aux crises sanitaires. En matière de feux de forêt, l’Union européenne finance 100 % des coûts de transport et 75 % des coûts opérationnels en cas de déploiement. Environ 25 millions d’euros ont été mis sur la table en préparation de cette saison estivale 2023.

Eté risqué

La raison d’une telle mobilisation ? Un été particulièrement à risque, alors que l’Europe a connu une sécheresse hivernale et accuse un déficit de pluies dans de nombreuses régions. En Espagne par exemple, l’agence météorologique nationale expliquait en mars que le pays était entré dans une situation de sécheresse “de long terme” fin 2022. Le mois d’avril a même été le plus chaud et le plus sec du pays depuis 1961. Sur un sol en manque d’eau, une étincelle ou un mégot peut embraser des hectares entiers. “Le risque d’incendies de forêt s’est étendu à des zones qui n’avaient pas été exposées auparavant, dépassant largement la région méditerranéenne”, souligne le commissaire européen à la Gestion des crises Janez Lenarčič.

2022 avait déjà été une année proche des records dans l’Union européenne, avec une surface brûlée comparable à la taille du Monténégro. Dans le sud-est de la France, plus de 17 000 hectares ont flambé, soit près du double observé annuellement depuis 2018.

Copernicus : les feux depuis l’espace

Ces chiffres sont connus grâce à Copernicus, le dispositif européen d’observation de la Terre. Le programme spatial de l’UE produit des cartes satellites à la demande des Etats, afin d’aider les autorités nationales à réagir aux catastrophes. En 2022, son service de gestion des urgences a fourni 328 cartes de zones touchées par les incendies de forêt partout dans le monde. Mi-mai cette année, l’Espagne a par exemple demandé des images satellites pour faire face à un important feu de forêt dans l’ouest du pays.

La barrière de la langue ne semble pas être un problème en l’occurrence. Comme le fait remarquer Claire Kowalewski, les pompiers travaillent beaucoup avec la cartographie. Et en la matière, “le langage est universel”.

Les moyens de l’Union européenne de lutte contre les incendies en 2023

La réserve rescEU comprend 28 appareils contre les feux de forêt. Il s’agit de 24 avions de lutte contre les incendies et de 4 hélicoptères provenant de 10 Etats membres :

  • Croatie : 2 avions bombardier d’eau de taille moyenne
  • Chypre : 2 avions légers
  • République tchèque : 2 hélicoptères
  • France : 2 avions bombardier d’eau de taille moyenne et 1 hélicoptère
  • Allemagne : 2 avions légers
  • Grèce : 2 avions bombardier d’eau de taille moyenne, 2 avions légers et 1 hélicoptère
  • Italie : 2 avions bombardier d’eau de taille moyenne et 2 avions légers
  • Portugal : 2 avions légers
  • Espagne : 2 avions bombardier d’eau de taille moyenne
  • Suède : 4 avions légers

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