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Climat : 4 ans après l’accord de Paris, quel bilan pour l’Union européenne ?

L’accord de Paris sur le climat de 2015, signé par 195 pays à l’issue de la COP21, constitue un point de repère dans la lutte contre le réchauffement climatique. L’Union européenne a manifesté son attachement au texte et sa volonté d’en appliquer les objectifs… avec plus ou moins de succès.

L'Union européenne tente de s'affirmer en pionnière mondiale de la lutte climatique, comme ici à la COP25 - Crédits : Union européenne
L’Union européenne tente de s’affirmer en pionnière mondiale de la lutte climatique, comme ici lors de la COP25 à Madrid - Crédits : Union européenne

Signé par 195 pays et ratifié par 183, l’accord de Paris sur le climat fêtera en décembre 2019 ses quatre ans. Il vise notamment à contenir la hausse globale des températures en dessous de 2°C (et à maintenir les efforts pour limiter cette hausse à 1,5°C) par rapport à l’ère préindustrielle. Cette ambition passe par un “plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre” , et incite les Etats à fixer des stratégies à long terme et des objectifs de réduction de ces émissions. L’accord fixe également comme objectif la neutralité carbone au cours de la seconde moitié du siècle.

2015-2019, de la victoire au scepticisme

Sa signature avait des airs de victoire. Après douze jours de négociations au nord de Paris, les 195 délégations présentes à la COP21 ont unanimement adopté un accord de lutte contre le réchauffement climatique, le 12 décembre 2015, à l’issue de la 21e conférence des parties (COP21), présidée par la France. Le texte a rapidement été qualifié d’ “historique” , par sa capacité à rassembler les plus gros pays pollueurs autour d’objectifs communs. D’autant plus historique, qu’il a pour objet une intensification inédite des efforts de lutte contre le réchauffement climatique, six ans après l’échec de la Conférence de Copenhague de 2009, elle-même censée actualiser les engagements du Protocole de Kyoto de 1997.

En moins de dix mois, l’accord a franchi le seuil de ratification (au moins 55 Etats représentant 55 % des émissions de gaz à effet de serre), et son entrée en vigueur est prononcée le 4 novembre 2016. Parallèlement à cette mise en application, de nombreux pays commencent à mettre en place leurs premiers plans d’action. A l’échelle européenne notamment, l’UE augmente le 2 novembre 2016 sa contribution au financement international de l’action climatique. Elle renouvelle son engagement pris en 2014 pour une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % à l’horizon 2030, et une hausse de la part des énergies renouvelables. A ces objectifs s’ajoutent des résultats encourageants, avec une baisse de 23 % des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2017.

Toutefois, plusieurs obstacles ont rapidement fait retomber l’optimisme généré par la signature de l’accord. A commencer par la décision américaine de s’en retirer, dès juin 2017. Signé par l’administration Obama et entré en vigueur à la fin de son mandat, le texte est vivement critiqué par son successeur Donald Trump, climatosceptique et partisan du charbon. Notifié le 4 novembre 2019, le retrait prendra effet le 4 novembre 2020. Celui-ci a amputé la coalition internationale contre le changement climatique du premier PIB mondial, également second émetteur de gaz à effet de serre et poids lourd diplomatique. L’Union européenne, troisième entité émettrice de dioxyde de carbone (CO2) après la Chine et les Etats-Unis, doit ainsi assumer une part plus importante dans la définition d’objectifs en lien avec l’accord de Paris et l’action climatique.

Et cette responsabilité apparaît d’autant plus grande après la publication fin 2018 d’un rapport alarmant du GIEC détaillant les conséquences d’un réchauffement planétaire de 1,5°C, lequel met en lumière l’état encore trop peu avancé de la lutte contre le réchauffement climatique. Le 26 novembre 2019, c’est au tour du Programme des Nations Unies pour l’Environnement d’avertir sur le manque d’action des Etats.

Des efforts insuffisants

Cette inquiétude est partagée par le reste de la société civile, notamment à travers les manifestations internationales pour le climat. Et bien que les Etats aient cherché à rassurer quant à leur engagement écologique, leur action peine à convaincre.

Si les principaux pollueurs ont manifesté leur soutien à l’accord de Paris, plusieurs pays parmi les plus gros extracteurs de pétrole (Turquie, Libye, Iran…) ne l’ont toujours pas ratifié. Le retrait des Etats-Unis, vu comme un coup porté à la lutte globale contre le réchauffement climatique, fait davantage peser sur le reste des Etats développés les efforts nécessaires à la réduction des émissions. Les pays du G20, responsables de 80 % des émissions mondiales de CO2, ont vu pour certains leurs émissions carbonées croître en 2018, conséquence d’un manque d’efforts et d’un attachement aux énergies fossiles. Et cette trajectoire ne semble pas prête de s’inverser

Car même s’il représente une avancée notable dans la lutte contre le réchauffement climatique, l’accord de Paris souffre cependant d’importantes faiblesses.

Le texte n’est pas suffisamment contraignant étant donné l’absence de mécanismes de sanction ou de contrôle le caractérisant. Le Nicaragua avait même refusé, dans un premier temps, de le ratifier, ne le trouvant pas assez contraignant. Chaque Etat étant libre de fixer ses objectifs, ces derniers se révèleraient à l’heure actuelle insuffisants pour contrer la hausse des températures tel que le dispose l’accord. Et ce même si les engagements de certains gros pollueurs comme l’Inde ou la Chine apparaissent atteignables. L’accord ne fait par ailleurs pas mention d’un quelconque abandon des énergies fossiles, principales sources d’émissions de CO2, ni de réduction des émissions dans certains secteurs comme l’aviation ou le transport maritime. Enfin, sa visée générale serait trop peu ambitieuse : pour le GIEC notamment, un réchauffement de la planète limité à 1,5°C serait déjà porteur de conséquences désastreuses. La hausse des températures par rapport au niveau préindustriel, estimée en 2016 à déjà 1,1°C, pourrait ainsi dépasser le seuil de 1,5°C dès 2022, et provoquer une hausse incontrôlable des températures sur le long terme (selon l’ONU, l’accord ne pourrait parvenir qu’à limiter la hausse de 2,9 à 3,4°C).

Le Sommet Action Climat convoqué en marge de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2019 se devait d’inciter les Etats à revoir ces objectifs à la hausse. Dans le viseur de la communauté internationale, on trouve des grands pollueurs comme la Chine, l’Inde et la Russie. De même que les Etats-Unis, qui comptent profiter de leur sortie de l’accord de Paris pour développer l’industrie du charbon. Mais plusieurs pays européens se trouvent aussi dans cette liste.

Si l’Union européenne fait figure de “bonne élève” dans les objectifs qu’elle a pris pour lutter contre le réchauffement climatique, certains de ses membres (Grèce, Pologne, Allemagne…) dépendent encore beaucoup du charbon et entravent les objectifs chiffrés de réduction des émissions, ainsi que la volonté affichée de la Commission d’atteindre la neutralité carbone en 2050. La France elle-même est jugée “en retard” par le Haut Conseil pour le climat, instance consultative nationale.

Une volonté de leadership européen

Au sein des parties de l’accord, l’UE est devenue, depuis la sortie des Etats-Unis, la première puissance occidentale émettrice de CO2. Souhaitant y remédier, elle mène notamment une politique de “diplomatie climatique” , cherchant à emmener avec elle les autres puissances économiques vers plus d’efforts climatiques. La nouvelle présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a d’ailleurs affirmé sa volonté de mettre l’Europe à l’avant-garde de cette lutte internationale. Mais il est difficile pour l’Union, dont le poids politique à l’échelle mondiale reste restreint, de faire pencher des Etats comme la Chine ou l’Inde sans levier politique ou économique.

C’est ce qu’elle a essayé de faire vis-à-vis du Brésil, dirigé depuis 2019 par le climatosceptique Jair Bolsonaro : lors des négociations de l’accord commercial UE-Mercosur, la Commission a cherché à établir des clauses environnementales, pour assurer le respect de l’accord de Paris, prévenant par cette disposition une sortie unilatérale du Brésil de celui-ci à la manière des Etats-Unis. La France a par la suite suspendu son soutien au traité de libre-échange avec l’organisation économique sudaméricaine, lors de la polémique sur l’inaction du gouvernement brésilien à propos de la déforestation et des incendies en Amazonie. Une clause similaire de respect de l’accord de Paris, critiquée pour son inefficacité par certains parlementaires, avait été précédemment établie avec le Canada autour du CETA.

L’Union se montre également exigeante envers ses Etats membres. L’objectif de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre entre d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990, en passe d’être atteint, devrait être relevé : si la Commission von der Leyen souhaite l’élever à 50 %, elle devrait même soutenir le Parlement européen dans sa volonté de le porter à 55 %. Le nouvel exécutif européen vise par ailleurs la neutralité carbone en 2050, un objectif qui pourrait devenir contraignant si les derniers Etats réfractaires, la Pologne, la République tchèque et la Hongrie, l’acceptaient.

La COP25, qui s’ouvrira le 2 décembre prochain à Madrid, sera la troisième conférence successive à se tenir sur le territoire européen. Une occasion pour l’Europe de tenter de progresser dans la mise en place d’un leadership mondial en matière climatique. Cette COP devrait par ailleurs permettre de préparer le terrain en vue de la COP26 en 2020 à Glasgow au Royaume-Uni, marquant les cinq ans de l’accord, et au cours de laquelle les parties devraient revoir leurs engagements à la hausse. Ursula von der Leyen souhaite profiter de ce sommet pour mettre l’Europe “en pointe” .

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