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[Carte] Les aires marines protégées dans l’Union européenne

Avec 7 % d’aires marines protégées en 2020 (hors outre-mer), l’Union européenne progresse peu à peu vers son objectif de 30 % d’ici 2030.

Les aires protégées au sens large sont définies par l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) comme “un espace géographique clairement défini, reconnu, dédié et géré, par des moyens légaux ou d’autres moyens efficaces, afin d’assurer la conservation à long terme de la nature, des services systémiques et des valeurs culturelles qui y sont associées”.

Si une aire marine ne répond pas à cette définition, elle ne peut pas être considérée comme une “aire marine protégée” (AMP). L’IUCN précise que ces zones rendent des “services écosystémiques” qui atténuent les effets du changement climatique : les mers et océans stockent par exemple du carbone.

La définition des AMP dans l’Union européenne

Les aires marines protégées (AMP) au sens large sont des zones géographiques délimitées en mer, qui répondent à des objectifs de protection de la biodiversité marine et de gestion durable des activités maritimes. Elles n’interdisent pas les activités humaines en mer, comme la pêche ou le tourisme, sauf dans les zones où le niveau de protection est très élevé.

Au niveau de l’Union européenne, la majeure partie des AMP est incluse dans le réseau “Natura 2000″. Cet instrument lancé en 1992 découle des directives “Habitats” et “Oiseaux”. La première impose aux Etats membres de prendre les mesures appropriées pour éviter la détérioration des habitats naturels ainsi que les perturbations significatives touchant les espèces pour lesquelles un site a été désigné. La seconde vise à protéger les populations européennes d’oiseaux sauvages, y compris sur les sites littoraux et côtiers.

En 2020, 7,2 % des eaux européennes (hors territoires d’outre-mer) bénéficient du statut d’AMP via Natura 2000. Ce sont les autorités compétentes de chaque Etat membre qui sont chargées de définir les mesures de conservation des sites de ce réseau. Il s’agit par exemple d’interdire les activités d’extraction dans les fonds marins, réguler l’activité de pêche, ou encore d’encadrer la construction d’infrastructures. Comme l’explique l’organisation non gouvernementale WWF, ces mesures permettent de protéger voire restaurer la biodiversité marine. Par exemple, l’interdiction de la pêche dans certaines zones strictement protégées permet aux populations de poissons de se reproduire avant d’être disséminés par les courants aux alentours, contribuant ainsi à la reconstitution des ressources de pêche.

En 2020, le pays ayant le réseau d’aires marines protégées le plus important est l’Allemagne : 45,7 % de ses eaux sont couvertes avec Natura 2000. Viennent ensuite la Belgique (36,8 %) puis la France (30,8 %). Les pays ayant le réseau le moins étendu cette même année sont l’Irlande (2,1 %) et l’Italie (1,2 %).

Plus grand territoire maritime au sein de l’Union européenne, la France (outre-mer compris) est également le pays dont les AMP représentent la plus grande superficie (450 752 km² en 2020). Viennent ensuite l’Espagne (132 688 km²) et le Portugal (42 434 km²).

En France métropolitaine, la plus grande AMP est celle des Mers-Celtiques-Talus du golfe de Gascogne, au large de l’Atlantique.

Le graphique suivant, qui présente les données de 2021, montre que la part des eaux territoriales protégées augmente particulièrement pour le Portugal, l’Italie, la France ou encore l’Espagne lorsque l’on prend en compte les AMP nationales (en vert). Il existe en effet des zones “nationales” de protection désignées par les Etats membres mais qui ne sont pas comptabilisées dans le réseau Natura 2000. Cette différence s’explique par le fait que certains Etats membres ont pris des mesures de conservation soumises au droit national, parfois antérieures à Natura 2000. En France par exemple, l’Office Français de la Biodiversité (OFB) gère aussi les réserves naturelles nationales, les parcs naturels marins ou encore le Conservatoire du littoral.

En tenant compte de ces initiatives nationales, la part des surfaces maritimes protégées dans l’Union européenne atteint ainsi 12,1 % en 2021 (contre 7,2 % en 2020 en prenant seulement en compte les zones Natura 2000).

Progression et objectifs pour 2030

Le nombre d’AMP est en progression. La part des sites Natura 2000 dans les eaux européennes est passée de 5,1 % en 2015 à 7,2 % en 2020, soit une augmentation de 2,1 points. Certains Etats membres ont fortement accéléré le déploiement d’AMP : le pourcentage en Roumanie a par exemple bondi de 6,4 % à 21,5 % entre 2015 et 2020. La France est quant à elle passée de 11,2 % à 30,8 % d’aires sauvegardées sur la même période.

Bien que cette tendance soit positive, l’AEE explique que les zones protégées doivent s’étendre à un rythme nettement plus rapide qu’au cours de la dernière décennie si l’UE veut atteindre l’objectif de 30 % fixé par la stratégie en matière de biodiversité d’ici à 2030. Cela représenterait 11 millions de km2 protégés, dont 10 % “strictement” (c’est-à-dire écartés de toute activité humaine potentiellement destructrice). Dans le cadre de cette stratégie pour la biodiversité, la Commission européenne a lancé en septembre 2021 la mission “Restaurer nos mers et océans pour 2030”, qui contient des objectifs de protection et restauration des écosystèmes aquatiques, et d’élimination de la pollution marine.

Différents niveaux de protection

Toutes les AMP n’ont cependant pas les mêmes exigences en matière d’environnement et de biodiversité. L’IUCN classe les aires protégées (marines et terrestres) selon six niveaux de protection, allant d’une simple régulation des activités humaines à une l’interdiction totale de toute interférence. La base de données Protected Planet a également publié un guide qui classe les aires marines selon quatre niveaux de protection, détaillant les activités qui y sont réglementées. 

La plupart des aires marines protégées n’excluent donc pas certaines activités économiques comme l’aquaculture, la pêche ou le tourisme. Dans les zones où la protection est “minimale”, l’exploitation des ressources minières, gazières et pétrolières des fonds marins est interdite, mais le dragage et le déversement des navires peuvent être autorisés. Dans les zones de protection dite “intégrale” ou “stricte”, toutes les activités humaines sont interdites sauf celles ayant un impact minimal, telles que l’aquaculture à des fins de restauration du milieu marin, ou bien la plongée sous-marine.

En ce qui concerne les sites Natura 2000 en mer, les activités humaines et les projets d’infrastructure sont possibles mais doivent être soumis à évaluation préalable s’ils présentent un risque pour les espèces et habitats protégés. Par ailleurs, un comité de pilotage définit pour chaque site des objectifs de conservation et des mesures de gestion. Ceux-ci sont ensuite mis en œuvre sous forme de chartes et de contrats co-financés par l’Union européenne, peut-on lire sur le site du Ministère français de la Transition écologique. 

Si les règles sont communes pour les sites Natura 2000, l’existence d’autres types de zones protégées rend l’harmonisation difficile au niveau européen. Les aires marines désignées au niveau national, par exemple, recouvrent des réalités très différentes en termes de protection. La France a l’un des réseaux d’AMP les plus importants d’Europe. Mais comme le soulignent des chercheurs du CNRS, “seulement 1,6 % de l’espace maritime français bénéficie d’un statut de protection intégrale ou haute, qui sont les deux niveaux permettant de réduire au mieux les impacts humains sur la biodiversité et qui peuvent être assimilés à de la ‘protection forte’ “. 80 % de ces AMP fortement protégées se situent dans les terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) - non comptabilisées dans Natura 2000.

La Fondation pour la recherche sur la biodiversité s’est penchée sur les résultats concrets de l’établissement d’AMP : tout d’abord, elle constate que leur efficacité augmente avec leur taille et leur âge. Ensuite, l’étude montre que l’efficacité écologique des AMP augmente avec le niveau de protection : ainsi, l’abondance et la biomasse des espèces ciblées est plus élevée dans les aires à protection haute. Par ailleurs, le milieu marin est pensé en termes de flux et non pas de zones strictement délimitées. La Fondation indique que la présence d’une aire intégralement protégée à côté d’une aire partiellement protégée engendre des bénéfices écologiques y compris pour la zone moins protégée. 

Les enjeux pour la biodiversité et la pêche

En 2020, l’AEE a signalé que la perte de biodiversité marine dans les mers d’Europe se poursuit. De nombreuses évaluations des espèces et des habitats marins concluent à un état de conservation défavorable ou inconnu. Dans un rapport spécial, la Cour des comptes européenne constate également que dans 59 % des aires marines protégées (en grande partie des sites Natura 2000), la pêche commerciale au chalut est pratiquée à des niveaux plus élevés que dans les zones non protégées, ce qui rend les mesures de conservation contre-productives. Les auteurs de l’étude relèvent qu’une grande partie des AMP de l’Union européenne fournit un “faux sentiment de sécurité au regard des mesures concrètes de conservation qui y sont prises”.

Face à ce constat, la Commission européenne a présenté le 21 février 2023 un plan pour “verdir” les secteur de la pêche. Celui-ci propose notamment une interdiction du chalutage de fond dans les aires marines protégées. Néanmoins, cette technique de pêche emploie de nombreuses personnes en Europe, notamment en France, et représente une part importante des revenus du secteur. La Fondation pour la biodiversité rappelle que la mise en œuvre des aires protégées “nécessite l’intégration des objectifs de conservation d’une part et des objectifs socio-économiques et politiques d’autre part”. Joachim Claudet, directeur de recherche CNRS au Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (CRIOBE), estime qu’avec les niveaux de capture actuels, chaque pays devrait établir entre 10 et 20 % d’AMP “réellement”, soit strictement protégées des activités humaines. Sur le long terme, ce type de mesure permettrait de restaurer les stocks halieutiques, y compris au-delà des aires protégées, ce qui aurait un effet bénéfique à la fois pour la restauration de la biodiversité et l’activité des pêcheurs.

Tableau : Les aires marines Natura 2000 dans l’UE en 2020

PaysPourcentage d’aires marines protégées (Natura 2000)
Allemagne45,7
Belgique36,8
Bulgarie8,0
Chypre8,6
Croatie9,0
Danemark15,5
Espagne7,9
Estonie18,4
Finlande8,7
France30,8
Grèce4,7
Irlande2,1
Italie1,2
Lettonie15,5
Lituanie24,3
Malte4,6
Pays-Bas25,6
Pologne21,8
Portugal2,2
Roumanie21,5
Slovénie5,1
Suède13,0
Union européenne - 27 pays7,2
Source : Eurostat

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