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Zone euro : l’Estonie 17e membre depuis le 1er janvier 2011

En partenariat avec le Diploweb, Touteleurope publie un article de Pierre Verluise, Directeur de recherche à l’IRIS et chercheur associé à la Chaire Raoul Dandurand (Canada). A l’occasion de l’entrée, le 1er janvier dernier, de l’Estonie dans la zone euro, le Directeur du Diploweb dresse le portrait de la première ancienne république socialiste soviétique à adopter la monnaie unique.

L’Estonie est la première ancienne république socialiste soviétique à intégrer la zone euro (1). D’une superficie de 45 000 km², cet État Balte compte 1, 3 millions d’habitants. Avec un PIB par habitant en SPA de 64% de la moyenne UE-27, l’Estonie est le moins riche des pays de la zone euro (2). Elle bénéficie d’ailleurs d’importants transferts de fonds de l’Union européenne, à hauteur de presque 8% du PIB. Fort heureusement, c’est aussi le moins corrompu des pays entrés dans l’UE en 2004.

Les Etats membres de la zone euro

En 2011, dix-sept des 27 Etats membres de l’Union européenne ont adopté l’euro. Après la Slovaquie en 2009, c’est donc l’Estonie qui a intégré l’eurozone le 1er janvier 2010. Découvrez la carte des Etats membres de la zone euro.

Le 1er janvier 2011, l’Estonie devient le 17e pays de l’Union européenne à intégrer la zone euro . Il reste donc à cette date dix pays de l’UE-27 hors de la zone euro . L’Estonie est ainsi le troisième des dix Etats entrés dans l’Union européenne en 2004 à adopter la monnaie unique, après la Slovénie (1er janvier 2007) et la Slovaquie (1er janvier 2009). Relevons cependant que l’Estonie entre dans l’histoire comme la première ancienne république socialiste soviétique (3) à rejoindre la zone euro (4).

Qui aurait imaginé un tel évènement au début des années 1980 ? Après le début de sa “révolution chantante” en 1987-1988, sa déclaration d’indépendance le 30 mars 1990, son indépendance effective le 20 août 1991, son entrée dans l’OTAN le 29 mars 2004 et son adhésion à l’Union européenne le 1er mai 2004, l’Estonie rejoint donc la zone euro le 1er janvier 2011. Alors que certains doutent de l’avenir de la monnaie commune, voilà un geste de confiance dans l’Union économique et monétaire (5). Pour ne pas écrire un acte de foi.

Cet évènement invite à connaître un peu mieux ce pays. Commençons par le localiser, puis découvrons ses caractéristiques démographiques et économiques.

C’est où ?

L’Estonie est le plus au nord des trois États Baltes, du nom de la mer baltique. Plus précisément, les côtes estoniennes se développent le long de deux sous-ensembles de la Baltique. Le rivage septentrional donne sur le Golfe de Finlande et le rivage occidental sur le Golfe de Riga. Cette façade maritime permet notamment de rallier par bateau la Finlande au nord et la Suède à l’ouest. En hiver, les ports estoniens ne sont généralement pas pris par les glaces, ce qui représente un atout comparativement à Saint-Pétersbourg, la métropole russe située au fond du golfe de Finlande.

L’Estonie a une superficie (6) de 45 000 kilomètres carrés, soit 12,2 fois moins que la France. Le nom de sa capitale, Tallinn, apparaît après l’invasion danoise de 1219 et signifie la “ville des Danois” . La majeure partie du territoire forme une plaine descendant vers la mer avec des terres marécageuses et des bassins lacustres creusés par les glaces.

À l’échelle nationale, la densité estonienne reste modeste, avec 31 habitants au kilomètre carré. Ce qui conduit à étudier maintenant la population.

Un pays peu peuplé

Mi-2010, la population de l’Estonie avoisine 1,3 million d’habitants, soit 48,4 fois moins que la France. L’Estonie est un des États les moins peuplés de l’UE, classé 24e sur 27. Les trois pays encore moins peuplés rassemblent chacun moins d’un million d’habitants : Chypre, Luxembourg et Malte.

En 2010, le taux de natalité et le taux de mortalité seraient égaux en Estonie : 12 pour mille habitants (7). Le taux d’accroissement naturel serait nul, tout comme le taux accroissement migratoire. L’indice de fécondité (8) serait de 1,6 enfant alors que le seuil de remplacement se placerait à 2,08. L’espérance de vie à la naissance des femmes atteint 79 ans, soit dix de plus que les hommes (69 ans). Avec les pertes liées à la Seconde Guerre mondiale et aux déportations organisées ensuite par les Soviétiques, cela contribue à expliquer pourquoi l’Estonie compte 722 804 femmes et seulement 617 323 hommes (9). “Dans les générations aujourd’hui âgées de plus de 45 ans, le taux de masculinité est très faible, bien davantage que ne le justifierait la seule espérance de vie habituellement plus longue des femmes par rapport aux hommes” , observe le Recteur Gérard-François Dumont (10).

La projection de la population pour 2025 envisage encore 1,3 million d’habitants, à partir des hypothèses moyennes des Nations-Unies quant à l’évolution de la fécondité, de la mortalité et de la migration.

Un tiers de russophones

Héritage de la période soviétique, l’Estonie (11) se distingue par une proportion d’environ un tiers de russophones. Certains ont pris la nationalité estonienne, d’autres conservent la nationalité russe. Les russophones urbains ont généralement un niveau de vie plus élevé que les russophones ruraux, particulièrement ceux situés à proximité de la frontière orientale. Parfois mal informés et anxieux, certains auraient fait des réserves d’argent en roubles, en vue du passage à l’euro. La question russe reste importante en Estonie. À titre d’exemple, le maire de la capitale, Tallinn, a été accusé en décembre 2010 d’être un agent d’influence russe, provoquant une énième crise politique, au risque de faire exploser la coalition politique gouvernementale. (12)

Un des pays les plus pauvres de l’Union, mais …

L’Estonie se caractérise par une tradition industrielle partiellement héritée de la période soviétique, notamment dans le nord. Après avoir augmenté à un rythme annuel d’environ 7% durant la première moitié des années 2000, le PIB estonien a chuté de près de 20% entre la fin de 2007 et l’automne 2009, sous l’effet de la crise financière puis économique. L’Estonie a cependant bénéficié d’une politique économique de rigueur antérieure à la crise, de la garantie des banques nordiques, d’une capacité étonnante de la population à faire face aux difficultés et de la montée en puissance des fonds en provenance de l’UE. En 2010, les transferts de l’UE pourraient avoir approché 8% du PIB estonien, avec une forte hausse des fonds issus du budget de la Politique agricole commune (13).

Pour autant, le PIB par habitant en SPA UE-27 base 100 (14), classe encore l’Estonie dans les pays les plus pauvres de l’UE puisqu’elle se place en 2009 à 64% du niveau de vie moyen de l’UE, soit au 22e rang. Relevons, cependant, que l’Estonie se trouve devant la Pologne (61%), la Lituanie (55), la Lettonie (52), la Roumanie (46) et la Bulgarie (15). Il existe inversement des pays également entrés dans l’UE en 2004 qui affichent un résultat supérieur à l’Estonie : Hongrie (65%), Slovaquie (73, membre de la zone euro depuis 2009), Malte (81, membre de la zone euro depuis 2008), République tchèque (82), Slovénie (88, membre de la zone euro depuis 2007) et Chypre (98, membre de la zone euro depuis 2008). À titre de comparaison, la France dispose en 2009 d’un PIB par habitant en SPA de 108 (UE-27 base 100).

2,4% de croissance du PIB en 2010

Cependant, les prévisions de croissance du PIB en volume (16) pour 2010 placent par ordre décroissant l’Estonie au 9e rang des pays membres de l’UE, avec + 2,4% par rapport à l’année précédente (17). Sa relative proximité à la fois géographique et économique avec la Suède - qui affiche la prévision la plus élevée de l’UE - doit y être pour quelque chose.


Quoi qu’il en soit, l’Estonie fait mieux que la moyenne de l’UE-27 (1,8%)… et que la France.

Surtout, l’Estonie sort de cette crise avec un déficit budgétaire resté sous les 3% du PIB et une dette publique encore inférieure à 10% du PIB.

En septembre 2010, l’Estonie compte pourtant 16,2% de chômeurs dans sa population active, sur la base de la définition de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) (18). Une proportion significative des chômeurs ne touche plus d’allocations. La consommation des ménages reste déprimée durant une large part de l’année 2010, ne bénéficiant plus de l’accès facile au crédit qui prévalait avant la crise. Le dernier trimestre 2010 semble indiquer un retour de la confiance des ménages. La reprise économique semble plus vive dans l’industrie que dans l’agriculture et les services. Certains envisagent pour 2011 une croissance annuelle du PIB supérieure à 3%, sous l’effet conjugué des exportations et de la reprise progressive de la demande interne.
C’est dans ce contexte économique que l’Estonie entre dans la zone euro, le 1er janvier 2011.

L’Estonie est le moins corrompu des nouveaux États membres

L’Estonie se distingue depuis plusieurs années comme l’un des douze nouveaux États membres de l’UE les moins corrompu (19). Rappelons que l’ONG Transparency International publie chaque année un Indice des perceptions de la corruption pour presque tous les pays du monde, de 1 à 10, la moyenne mondiale étant à 5. Comme à l’école, il vaut mieux s’approcher de 10. À titre de comparaison, l’IPC de la France se trouve en 2010 à 6,8 sur 10. Et l’Hexagone a justement sur ses talons… l’Estonie, avec 6,5 sur 10 (20).

Une nouvelle fois, la proximité de la Finlande et de la Suède (9,2 chacune) joue peut-être un rôle, ne serait-ce qu’à travers leurs banques. On note en Estonie une forte volonté de s’inspirer de ces deux pays de culture également marquée par la religion protestante, bien que les Estoniens soient peu pratiquants. Quoi qu’il en soit, les onze autres pays entrés dans l’UE en 2004 ou 2007 sont plus corrompus que l’Estonie et parfois dans des proportions très significatives. Qu’on en juge : Slovénie (IPC 2010 : 6,4 sur 10), Chypre (6,3), Malte (5,6), Pologne (5,3) ; Lituanie (5) ; Hongrie (4,7) ; République tchèque (4,6) ; Lettonie et Slovaquie (4,3) ; Roumanie (3,7) et Bulgarie (3,6).

La qualité honorable des résultats de l’Estonie en matière de lutte contre la corruption apportera-t-elle les garanties suffisantes aux contribuables quant à l’utilisation optimale des fonds communautaires qui lui sont attribués ? Attendons les prochaines enquêtes de Transparency International et de la Cour des comptes européenne pour répondre.

Devenue membre de la zone euro, l’Estonie doit maintenant sortir de la crise et continuer à veiller au respect des critères du Pacte de stabilité. Il lui faut encore poursuivre les efforts engagés afin accroître la productivité du travail (65% de la moyenne UE-27 en 2009 (21)), éviter que le chômage ne devienne structurel, se prémunir contre d’éventuelles faiblesses des banques suédoises actionnaires des principales banques estoniennes et éviter un effet de “décompensation” politique post-crise, notamment chez les russophones.

Notes de bas de pages

1. Pierre Verluise remercie pour sa relecture Céline Bayou, Co-rédactrice en chef adjointe du site Regard sur l’Est http://www.regard-est.com

2. Les dix pays suivants sont membres de l’Union européenne mais n’utilisent à la date du 1er janvier 2011 la monnaie unique européenne : la Bulgarie, la République tchèque, le Danemark, la Lettonie, la Lituanie, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie, la Suède et le Royaume-Uni.

3. Le site de l’ambassade d’Estonie à Paris présente ainsi les années 1939-1991 : “Après l’occupation soviétique de 1940, l’Estonie fera partie de l’axe nazi de 1941 à 1944. Elle est à nouveau annexée par la Russie soviétique à l’automne 1944. Une partie importante de la population choisit d’émigrer, une autre sera déportée en Sibérie. Ceux qui restent tentent de s’adapter au nouveau régime.” Source : http://www.est-emb.fr/estonie/histoire Consultation décembre 2010.

4. Les deux autres anciennes républiques socialistes soviétiques membres de l’Union européenne depuis 2004 sont la Lettonie et la Lituanie.

5. Selon Eurostat, la population de la zone euro s’élève ainsi de 329 575 150 habitants à 330 915 277 (à partir des estimations de population au 1er janvier 2010). Autrement dit, au 1er janvier 2011, la zone euro rassemble 17 États peuplés de presque 331 millions d’habitants, sur un total de 501 millions d’habitants de l’UE-27. Eurostat, base de données en ligne, population au 1er janvier, http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&language=fr&pcode=tps00001&tableSelection=1&footnotes=yes&labeling=labels&plugin=1 Consultation en décembre 2010.

6. Sans les eaux intérieures.

7. Source : La géographie mondiale des populations en 2010, Population et Avenir, n° 700, décembre 2010, p. 22.

8. L’indice de fécondité est le nombre moyen d’enfants auxquels une femme donnerait naissance, si les taux actuels de fécondité par âge demeuraient constants pendant toute sa vie reproductive.

9. Source, Eurostat, base de données en ligne, consultation en décembre 2010.

10. Source, Census bureau, consultation décembre 2010. Commentaire : entretien de Pierre Verluise avec Gérard-François Dumont, 30 décembre 2010.

11. La Lettonie se trouve dans une situation assez proche, pour les mêmes raisons.

12. Céline Bayou écrit à ce sujet le 23 décembre 2010 : “La tempête gronde en Estonie, depuis que le journal Postimees a fait état, il y a une semaine, d’un rapport des services estoniens de sécurité adressé aux autorités du pays et concernant les activités du maire de Tallinn, Edgar Savisaar. Selon les termes du rapport, le maire serait un “agent d’influence” de Moscou et, à ce titre, constituerait une menace pour l’Etat estonien. En l’occurrence, E.Savisaar aurait demandé à la Russie, via un intermédiaire, la somme d’1,5 million d’euros, afin “d’accroître l’influence de la Russie en Estonie” . Source : Céline Bayou, Estonie : Le maire de Tallinn, un agent d’influence de Moscou ?, publié le 23 décembre 2010 sur le site Regard sur l’Est à l’adresse
http://www.regard-est.com/home/breves.php?idp=1390&PHPSESSID=393875dc069987bb8c70951131cee7fa

13. Source : Emmanuel Matthias, “Estonie” , in Jean-Pierre Pagé (dir.), Tableau de bord des pays d’Europe centrale et orientale 2010, volume 1, pp. 22-25.

14. Source, Eurostat, base de données en ligne, consultation décembre 2010.

15. Pas de donnée pour la Bulgarie lors de la consultation d’Eurostat, en décembre 2010, mais les résultats de l’année 2008 invitent à supposer que la Bulgarie serait probablement le pays le plus pauvre de l’UE en 2009.
16. Source, Eurostat, base de données en ligne, consultation décembre 2010.

17. Les pays qui la précèdent sont, par ordre décroissant : Suède (1ère), Slovaquie, Allemagne fédérale, Pologne, Luxembourg, Malte, Finlande, République tchèque (8e).

18. Source : Eurostat, base de données en ligne, consultation décembre 2010.

19. Cf. Pierre Verluise, La corruption reste un défi pour l’UE-27. Une étude multiscalaire et dynamique. Actualités européennes, IRIS, n°33, avril 2010, 9 pages. (1 carte, 4 graphiques).

20. Source : http://www.transparence-france.org/e_upload/pdf/cpi2010_table_2010.pdf

21. Source : Eurostat, base de données en ligne, consultation décembre 2010

Sources

Zone euro : l’Estonie,17e membre le 1er janvier 2011, par Pierre Verluise - Diploweb

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