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[Revue de presse] Taxe Gafa : le ton monte entre l’UE et les Etats-Unis

Mardi 3 décembre, une passe d’armes entre les présidents américain et français a électrisé le sommet londonien de l’Otan. En cause : la taxe française sur le numérique, jugée injuste par la Maison-Blanche. Donald Trump a ainsi menacé de taxer de nouvelles exportations françaises, tandis que l’UE a apporté son soutien à Paris.

Derrière les sourires apparents, Emmanuel Macron et Donald Trump se sont échangé plusieurs piques lors de leur discussion devant la presse, mardi 3 décembre à Londres - Crédits : Flickr The White House
Derrière les sourires apparents, Emmanuel Macron et Donald Trump se sont échangé plusieurs piques lors de leur discussion devant la presse, mardi 3 décembre à Londres - Crédits : Flickr The White House

Quand on le taxe, “l’empire contre-attaque” : c’est ainsi que Franceinfo résume les échanges entre les administrations françaises et américaines. L’empire, ce sont les Etats-Unis, qui ont “menacé de surtaxer 2,4 milliards de dollars de produits français si la France ne renonce pas à sa taxe” sur les géants du numérique, aussi appelés Gafa [Le Monde avec l’AFP].

Mise en place en juillet dernier, celle-ci est en effet contestée par le représentant américain pour les Affaires commerciales dans un rapport. Cette mesure impose “les géants du numérique à hauteur de 3% du chiffre d’affaires réalisé dans l’hexagone” , explique L’Express avec l’AFP. Si outre-Atlantique, elle est jugée “anti-américaine” par le ministre du Commerce [Le Monde], les menaces de rétorsion américaines sont, elles, qualifiées d’ “inacceptables” par Paris [Ouest-France avec l’AFP et Reuters].

Une taxe polémique

La fameuse “taxe Gafa” de la France est en effet sous le feu des critiques de Washington. Elle vise à remédier au défaut d’imposition des géants du numérique : ceux-ci “se voient régulièrement reprocher de ne pas payer leur juste part d’impôt [et] de transférer leurs bénéfices vers des Etats à faible fiscalité” , rappelle Le Monde. Et elle “porte notamment sur la publicité ciblée en ligne, la vente de données à des fins publicitaires et la mise en relation des internautes par les plateformes” , ajoute Franceinfo.

Mais les autorités américaines y voient une mesure discriminatoire envers leurs champions nationaux. En effet, “seules les entreprises excédant deux seuils (750 millions d’euros de chiffre d’affaires à l’échelle mondiale, et 25 millions au titre des services fournis en France) sont concernées” , explique le site spécialisé NextInpact cité par Franceinfo. Par conséquent, “l’enquête américaine conclut que [le Français] Deezer, dont la part du marché de la musique en France est supérieure à celle d’Apple Music, échappe à la taxe Gafa, alors qu’Apple Music en revanche devra la payer, en raison de l’importance de son chiffre d’affaires ailleurs dans le monde” , explique Le Figaro. De même, les “géants français de la publicité” Publicis et Havas y échapperaient, “alors que leurs rivaux américains en seraient frappés” .

Une forme de préférence nationale, donc, dont se défend toutefois le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire : “La taxe française n’est pas discriminatoire. (…) Elle comprend des entreprises américaines, mais aussi des entreprises françaises, des entreprises européennes et des entreprises chinoises” [Franceinfo].

Le dispositif, censé rapporter 400 millions d’euros à l’Etat français, a aussi pour but d’épargner les petits acteurs : “nous ne voulons pas freiner l’innovation de nos start-ups ou ralentir la numérisation de nos PME” , s’est ainsi justifié le ministre de l’Economie [Le Figaro].

Nouvelle escalade entre l’UE et les Etats-Unis

Or pour Washington, cette distinction constitue “l’admission même d’une volonté officielle protectionniste” , note Le Figaro. Et outre-Atlantique, on s’y connait, ironisent Les Echos : “difficile de battre Donald Trump à son propre jeu” .

Les nouvelles menaces américaines font en effet suite à “l’application de taxes de 10 % supplémentaire sur l’aluminium et 25 % sur l’acier” européens en mai 2018 [Les Echos]. Ainsi qu’à “d’autres surtaxes déjà décidées par les Etats-Unis en raison d’un contentieux autour de l’avionneur Airbus” [Le Monde].

Cette fois-ci, Donald Trump vise un ensemble de produits jusqu’alors épargnés : “le champagne, la maroquinerie et le roquefort” , ainsi que “des cosmétiques, de la porcelaine, des sacs à main” .

Ces nouveaux droits de douane, qui pourraient grimper jusqu’à 100 %, inquiètent les producteurs viticoles français. Ceux-ci réclament une “ ‘action urgente’ du gouvernement” , explique Franceinfo. Mais pour la secrétaire d’État à l’Economie Agnès Pannier-Runacher, aucun recul n’est envisageable sur la taxe elle-même. Le sujet fait sens “économiquement” , comme en termes de “justice fiscale” , argumente-t-elle [Ouest-France].

Les Etats-Unis doivent savoir que s’ils s’engageaient dans un nouveau train de sanctions contre la France, l’Union européenne serait prête à réagir fortement” , a aussi averti Bruno Le Maire [Franceinfo]. Ce dernier a été rapidement soutenu par Daniel Rosario, porte-parole de la Commission européenne : “l’Union européenne agira et réagira d’une seule voix” [L’Express].

Vers une issue “à l’amiable” ?

Cette accélération des tensions intervient de surcroît alors que “Google est à nouveau dans le collimateur de la Commission européenne” , explique 20 Minutes. Bruxelles a ouvert une enquête préliminaire sur la manière dont la firme américaine “récolte des données sur ses utilisateurs et comment il les monétise” .

Le comportement des géants de la tech préoccupe aussi aux Etats-Unis : “en juillet dernier, le ministre de la Justice américaine a annoncé qu’elle allait étudier les pratiques [des Gafa] afin de vérifier si elles ne sont pas anticoncurrentielles” , ajoute le quotidien.

Au niveau mondial, la fiscalité n’est pas adaptée au numérique et aux domaines de l’irrationnel” , estime Stéphanie Villers, économiste spécialiste du marché européen et international [20 Minutes]. Et malgré la bienveillance du président Trump envers les Gafa à l’approche de l’élection présidentielle américaine, les Etats-Unis pourraient être tentés de suivre l’approche européenne en régulant plus strictement leurs activités.

La France espère en effet “ ‘trouver un accord au niveau international’, dans le cadre de l’OCDE” , rappelle Cédric O, secrétaire d’Etat français au Numérique [Ouest-France]. “Donald Trump s’était lui-même engagé dans ce cadre” , lorsque la France avait porté l’affaire devant l’OCDE, après son échec à faire appliquer une telle taxe au niveau de l’UE. Mais d’après le commissaire européen au Marché intérieur et au numérique, Thierry Breton, “le secrétaire américain au Trésor pourrait, en fait, annoncer le retrait des Etats-Unis des négociations de l’OCDE” , révèle Franceinfo.

L’issue de ce débat reste encore très floue. “Plusieurs taxes digitales devraient émerger en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, en Hongrie, en Belgique et en Turquie” , ainsi qu’en Autriche et en République tchèque, avec des taux parfois supérieurs aux 3 % français [Les Echos]. Mais les Européens devraient engager “immédiatement des discussions avec les Etats-Unis sur la manière de résoudre cette question à l’amiable” . “Les présidents Donald Trump et Emmanuel Macron ont assuré que ce différend pouvait être réglé par le dialogue” , observe Le Monde.

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