“L’UE a décidé de passer à l’offensive” . Voilà comment Ouest-France (avec l’AFP) résume les décisions annoncées par Bruxelles mercredi 17 juin. La Commission européenne a en effet dévoilé un livre blanc, prélude d’une proposition de directive qui devrait être formulée d’ici 2021. Celle-ci devrait “permettr[e] à l’exécutif européen et aux Etats membres de soumettre les entreprises étrangères à des règles comparables à celles auxquelles sont soumises leurs homologues européennes en termes d’aides d’Etat” , explique Le Monde. En clair, sortir l’Europe d’une impasse économique que Thierry Breton décrit dans Ouest-France : “Le problème est que nos entreprises sont pénalisées pour avoir respecté les règles, tandis que les entreprises de Chine et d’autres pays tiers bénéficient d’un financement public excessif” .
A l’heure actuelle, “si les règles européennes peuvent bloquer la fusion de Siemens et Alstom, elles laissent des vides juridiques” , que peuvent exploiter les acteurs étrangers “pour financer leurs champions et les placer en position de force dans le marché européen” , rappelle Le Figaro. Et “l’Union ne peut à ce jour rien” contre ces derniers, complète Le Monde : tandis que “les sociétés européennes sont interdites d’aides d’Etat” , leurs concurrentes profitent d’un “avantage compétitif déloyal” qui leur permet, par exemple, de remporter des marchés publics européens grâce à des investissements massifs.
Autonomie stratégique
C’est donc pour mettre fin à cette concurrence inégale que la Commission européenne entend intervenir. “Selon les cas, les entreprises épinglées pourraient se voir mises à l’amende, obligées de se séparer d’une partie de leur activité sur le continent, ou encore interdites d’acquisition, voire exclues des appels d’offres pour des marchés publics” , énumère Le Monde.
Pour Les Echos, cette démarche ferait suite “aux fortes pressions exercées l’an passé par Paris et Berlin après le rejet de la fusion Alstom-Siemens” . Le couple franco-allemand voyait dans cette décision “le symbole de la naïveté de l’Europe” , qui empêchait le continent “de se doter de champions suffisamment armés pour la compétition mondiale” , analyse le quotidien économique. Un terme repris hier par le commissaire Thierry Breton, pour qui “il faut arrêter d’être naïfs !” [Le Monde].
Ce changement d’attitude s’apparente-t-il à un virage protectionniste ? ” Pas exactement” , estime Laurent Joffrin pour Libération. “On rejoint en fait la notion du ‘juste échange’ mise en avant depuis longtemps par plusieurs forces politiques, notamment au sein de la gauche européenne” , écrit-il dans les colonnes de son journal. “On passe surtout, par glissements successifs, de l’Europe-marché promue pendant des décennies par le courant libéral, à l’Europe-puissance’ ” . Un changement de paradigme qui survient alors que “la crise économique déclenchée par le confinement général braque le projecteur sur la vulnérabilité des industries de l’Union” [Libération]. Pendant longtemps, les pays du nord de l’Europe ont été “hostiles” à de telles évolutions afin de ne pas froisser leurs partenaires commerciaux. Mais “la pandémie a fait tomber [leurs] réticences : même les très libéraux Pays-Bas réclament aujourd’hui des outils pour défendre l’industrie européenne” , observe Le Monde.
La Chine dans le viseur
La Commission affirme ne pas viser de pays en particulier (en l’occurrence la Chine), mais chercher à envoyer “un message clair au reste du monde : vous êtes les bienvenus mais voici nos règles” , défend le commissaire au Marché intérieur [Ouest-France]. Cette annonce intervient néanmoins “quelques jours avant le sommet entre les dirigeants des institutions européennes et le Premier ministre chinois” sur la question des investissements [Financial Times] et s’inscrit dans la lignée d’une communication de l’exécutif européen de mars 2019, dans laquelle la Chine était qualifiée de “rivale systémique” , rappelle Le Point.
En défendant une exigence de “réciprocité” dans les investissements et même si “elle s’en défend” [Le Monde], le projet de la Commission “est en partie une réponse à des années de frustration face au refus apparent de la Chine d’honorer ses vœux d’ouverture de ses marchés aux entreprises européennes” , conclut le Financial Times.
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