Un long dialogue entre la Commission et les deux groupes
La volonté d’Alstom et de Siemens de fusionner ne remonte pas à hier. “Annoncé en grande pompe en septembre 2017″ , comme le rappelle BFM Business (avec l’AFP), ce projet n’a cependant guère progressé depuis et attend toujours le feu vert de la Commission européenne, avec laquelle le dialogue s’éternise.
En octobre 2018, la commissaire à la Concurrence Margrethe Vestager avait déjà souligné que la fusion des deux groupes conduirait à une situation de monopole, “notamment sur la signalisation ferroviaire et les trains à très grande vitesse” , rapporte Franceinfo. Ce à quoi Alstom et Siemens avaient répliqué mi-décembre “en annonçant la cession de certains actifs pour 600 millions d’euros” , poursuit le média.
D’autres concessions ont encore été faites vendredi 25 janvier par les deux entreprises, à “hauteur de 4% du nouvel ensemble” , d’après Capital, qui reprend un communiqué d’Alstom. Selon “une des sources proches du dossier” , Siemens et Alstom pourraient aussi, en ce qui concerne le train à très grande vitesse, “allonger la durée des licences technologiques qu’ils comptaient céder et en étendre le périmètre géographique à certains pays hors d’Europe” . Et dans le domaine de la signalisation, pour laisser plus de place à la concurrence, les deux groupes proposent de “céder de nouvelles activités” .
Mais ces nouveaux “remèdes” ont été accueillis “très froidement” par la commissaire à la Concurrence, estime Le Figaro, qui cite les propos tenus par Margrethe Vestager dimanche 27 janvier : “On ne nous avait jamais envoyé de remèdes aussi tard. Vendredi, le jour où des changements ont été apportés (…), c’était le 110e jour de notre procédure, et je n’avais jamais vu ça” , s’est-elle offusquée.
Soutiens de Paris et Berlin au projet
De leur côté, les gouvernements français et allemand ont, “à maintes reprises, plaidé pour que la fusion soit acceptée par Bruxelles, estimant que la montée en puissance de géants chinois menaçait les groupes européens” , souligne Euronews (avec l’AFP). Au regard des nouvelles propositions d’Alstom et Siemens, le ministre de l’Economie français Bruno Le Maire a ainsi considéré le 27 janvier sur France Inter que “plus rien ne justifie un véto de l’exécutif européen à ce projet” .
Invité dans l’émission “Audition publique” sur Public Sénat et LCP, le commissaire européen à l’Economie Pierre Moscovici a, quant à lui, joué les équilibristes : tout en se disant favorable à une fusion pour “qu’il y ait des champions européens” , il a estimé que “cela ne sert à rien de faire des pressions et il faut faire confiance à Margrethe Vestager” .
Cependant, d’après une dépêche de Reuters citant un officiel européen, si les concessions faites par Siemens et Alstom échouent à résoudre les problèmes de marché créés par leur fusion, la commissaire à la Concurrence n’aura plus de marge de manœuvre.
Concurrence intra-européenne contre concurrence mondiale
La Commission européenne est convaincue que le rapprochement Alstom-Siemens “mettrait en péril les plus petits constructeurs ferroviaires européens” , selon Le Figaro. Une analyse partagée par plusieurs autorités nationales de la concurrence, dont celle de l’Allemagne. “Moins de concurrence, ce sont généralement des prix plus élevés [pour le consommateur]” , souligne également Franceinfo, en reprenant par ailleurs l’argument selon lequel “un géant franco-allemand […] ferait de l’ombre aux autres acteurs européens du secteur” . Les “plus virulents contre ce projet sont les espagnols, les britanniques, les belges et les néerlandais” , rappelle ainsi le média.
Mais Franceinfo considère que Margrethe Vestager se trompe de “marché pertinent” à prendre en compte pour évaluer la situation de monopole. Le média estime que le marché de l’industrie ferroviaire est maintenant mondial, et non plus uniquement européen. Ce qui justifierait donc la création de “géants européens” pour rester compétitifs dans cette arène économique mondiale, notamment face à China Railway (CRRC), un opérateur chinois dont le chiffre d’affaires annuel atteint 30 milliards d’euros, d’après Le Figaro. “L’Europe peut-elle se permettre de continuer d’avoir une offre industrielle morcelée, atomisée, face à ce géant asiatique, ogre qui dévore tout ce qu’il peut sur son passage ?” , s’interroge Franceinfo.
Une réflexion proche de celle de l’économiste Elie Cohen dans La Croix. Selon lui, alors que l’on se demandait encore “il y a cinq ans à peine, […] si les Chinois pourraient un jour nous rattraper sur un plan technologique” , la Chine est “désormais aussi avancée que nous dans le domaine ferroviaire de la grande vitesse alors qu’elle ne bénéficiait au départ que de transferts de technologies” . Et CRRC ne cesse de croître et d’atteindre de nouveaux marchés, explique l’économiste.
“Isolés, Alstom et Siemens n’ont pas la bonne taille pour résister longtemps. Il est indispensable que ces deux groupes réunissent leurs forces pour mieux résister à la compétition mondiale” , prévient-il.
La décision finale de la Commission interviendra au plus tard le 18 février.
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