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Recapitalisation des banques en Grèce : où en est-on ?

Le projet de loi encadrant la recapitalisation des quatre banques systémiques grecques (Banque Nationale de Grèce, Alpha Bank, Banque de Pirée et Eurobank) a été enfin adopté par le Parlement grec, le 31 octobre, en procédure d’urgence, et au lendemain de la publication des résultats des tests de résistance de la Banque Centrale Européenne (BCE) évaluant les besoins en capitaux frais de ces quatre établissements à 14,4 milliards d’euros.

Alpha Bank

Article écrit par Nefeli Lefkopoulou, collectrice des fonds et spécialiste d’analyse politique sur la plateforme Vouliwatch.

Les quatre banques systémiques avaient jusqu’au 6 novembre pour présenter un plan de refinancement à l’Autorité Européenne de Supervision (AES) et jusqu’à la fin de l’année 2015 pour achever le processus de recapitalisation.

Un processus considérée, jusqu’à maintenant, comme une success story par les partenaires européens et le gouvernement grec : jusqu’à la fin du mois de novembre les banques grecques avaient déjà réussi à attirer plus de 5 milliards d’euros de capitaux privés. Elles démontrent ainsi la restauration progressive de la confiance dans les perspectives de l’économie grecque et du système bancaire du pays.

Toutefois, conséquence de l’échec des négociations avec les partenaires européens, deux autres recapitalisations avaient déjà été réalisées, dont une en 2014. Un rappel qui permet de fortement relativiser cette success story.

Le contexte de la troisième recapitalisation bancaire

Suite à l’échec de la période des négociations et l’annonce du référendum par le gouvernent de coalition SYRIZA-ANEL, la BCE a annoncé, le 28 juin 2015, qu’elle n’augmenterait pas le plafond de l’aide de liquidité d’urgence (ELA) pour le système bancaire de la Grèce du seuil de 89 milliards euros convenu le 26 Juin 2015. A cette époque, le soutien de l’Euro-système aux banques grecques (directement par le biais des opérations principales de refinancement de la BCE et indirectement par le mécanisme ELA) a dépassé 70% du PIB de la Grèce. Lorsque le deuxième programme d’ajustement économique et le cadre global de soutien financier pour la Grèce ont expiré le 30 juin 2015, la Grèce a manqué un paiement dû au Fonds Monétaire International (FMI) le même jour.

La mesure de contrôle des capitaux

Afin de protéger le système financier de la fuite incontrôlable des dépôts, le gouvernement grec a adopté, le 28 juin 2015, un acte législatif urgent déclarant la période du 28 juin 2015 au 6 Juillet 2015 fériée pour tous les établissements financiers opérant en Grèce sous une forme quelconque.

Simultanément, les restrictions sur les retraits d’espèces aux distributeurs automatiques des billets, le transfert des fonds à l’étranger et d’autres opérations ont été règlementées durant la période fériée, qui a été ensuite prolongée jusqu’au 19 juillet 2015. Suite aux conditions financières générées par cette mesure restrictive, par la détérioration des finances publiques et par les arriérés dus au FMI, la Grèce a été obligée de transmettre une demande officielle de soutien financier au Mécanisme Européen de Stabilité (MES) le 8 juillet 2015.

Ce que veulent les créanciers

Une recapitalisation interconnectée avec les réformes structurelles

Les créanciers ont catégoriquement refusé que la recapitalisation soit séparée de l’évaluation des conditions politiques, malgré les tentatives du Premier ministre grec, Alexis Tsipras, de dissocier les dates du processus de recapitalisation et de la première évaluation du troisième programme.

Ce troisième programme d’ajustement économique (« Memorandum of Understanding » ou MoU) ouvre la voie pour un maximum de 86 milliards d’euros d’aide financière à la Grèce sur une période de trois ans (2015-2018) et prévoit une série de réformes, avec un maximum de 25 milliards d’euros supplémentaires d’aide allouée pour répondre aux besoins de recapitalisation des banques potentiellement viables et aux coûts de résolution des banques non viables. Dans ce contexte, les autorités grecques ont signé un accord de soutien financier avec le MES qui précise les conditions financières du prêt.

Les conditions sine qua non

Conformément au protocole d’accord, le décaissement des fonds est lié aux progrès dans la concrétisation de certaines conditions politiques qui visent à permettre à l’économie grecque de revenir à une trajectoire de croissance durable fondée sur les finances publiques saines, une amélioration de la compétitivité, un taux d’emploi élevé et une stabilité financière.

Ces conditions politiques seront mises à jour sur une base trimestrielle, en tenant compte des progrès dans les réformes réalisées au cours du trimestre précédent. Les politiques pertinentes sont structurées sur la base des quatre piliers suivants :

  • la restauration de la viabilité économique ;
  • le développement, la compétitivité et les investissements ;
  • la modernisation de l’État et de l’administration publique ;
  • l’assurance de la stabilité financière.

A chaque examen, des mesures politiques spécifiques et d’autres instruments pour atteindre les objectifs généraux seront entièrement spécifiés en détail et avec un échéancier.

Ce que prévoit le gouvernement grec

La participation minoritaire du FHSF

Le Fonds Hellénique de Stabilité Financière (FHSF) a été créé en Grèce par la loi 3864/2010 qui lui déléguait le rôle du garant de la stabilité du secteur banquier à travers sa prestation des capitaux aux établissements financiers.

Dans la première recapitalisation bancaire intervenue en Grèce en 2012, la participation du FHSF s’élevait à plus de 80% et dans la deuxième recapitalisation très récente en 2014, le pourcentage de participation du Fonds a également dépassé le 60%. Il est ainsi important de noter que dans cette troisième recapitalisation bancaire, le gouvernement grec s’est félicité de voir le que taux de participation du Fonds allait de 2,3% à 35% selon les différents besoins de chaque établissement parmi les quatre banques systémiques précédemment évoquées.

Des besoins en dessous du seuil des 25 milliards d’euros

Les experts financiers ont jugé très encourageant que malgré les critères stricts des stress tests, les besoins en capitaux frais des banques grecques se sont révélés considérablement en-deça du montant initialement prévu pour la recapitalisation dans le cadre du nouveau programme.

A titre d’exemple, deux des banques systémiques, Alpha Bank et Eurobank, furent même dans la position d’attirer les capitaux requis exclusivement des investisseurs privés tandis que la participation étatique requise pour le soutien de la Banque Nationale de Grèce et de la Banque de Pirée s’élève à 5,5 milliards d’euros, montant substantiellement réduit par rapport à ce qui avait été initialement calculé.

Bail-in évité

La Grèce, comme la BCE, s’est précipitée pour que la recapitalisation soit achevée avant le 31 décembre 2015. En effet, puisqu’elle est intervenue avant la fin de l’année, la Grèce reste libre de décider comment renflouer ses établissements.

En revanche, si elle avait eu lieu après le 31 décembre, la directive européenne 2014/59/UE sur le redressement et la résolution des crises bancaires se serait pleinement appliquée. Or, celle-ci prévoit la possibilité d’un « bail-in », c’est-à-dire une participation forcée des gros déposants (plus de 100 000 euros) au sauvetage de leur banque, comme ce fut le cas à Chypre en 2013.

Plus précisément, le Parlement grec a voté le 22 juillet un texte transposant la directive européenne BRRD en droit grec le 1er janvier 2016, pour mettre à contribution actionnaires et créanciers des banques à hauteur de 8% du passif des banques pour éviter la faillite, avant de toucher aux dépôts.

Le renflouement par les déposants semble alors évité, déposants qui sont d’ailleurs pour la plupart d’entre eux des petites et moyennes entreprises (PME) dont la viabilité et la solvabilité restent indispensables pour la productivité de l’économie grecque.

Les obstacles pour réussir

Prix bas des actions pour les investisseurs

Il est vrai que l’objectif de faire primer les capitaux privés d’investissement sur la participation étatique a conduit à des actions offertes à un très bas prix et à une dilution importante des actions déjà existantes. Toutefois, la restructuration des banques grecques et leur contribution au renforcement de l’économie grecque pourraient anticiper une revalorisation souhaitée de ces actions à condition que la confiance des dépositaires, des investisseurs et des marchés soit définitivement restaurée.

Le grand problème des PNP

En raison du retour de la récession, le nombre de prêts non performants (PNP) - autrement dit non productifs - aux entreprises et ménages, qui ne seront probablement jamais remboursés, est passé de 35 % fin 2014, à un taux inquiétant de 45% aujourd’hui.

La fiche d’information de la Commission européenne du 20 août 2015 précisait déjà que la Grèce s’était engagée à prendre des mesures urgentes pour régler le problème des PNP dans le secteur bancaire : « Le niveau extraordinairement élevé de prêts non productifs et le surendettement du secteur privé qui en découle absorbent des ressources importantes qui pourraient être consacrées à des usages plus productifs, et empêchent le secteur bancaire de fournir le crédit nécessaire à la reprise de la croissance ».

Le risque des saisies immobilières

Les PNP et les saisies immobilières sont strictement liées puisque la majorité de ces prêts sont des crédits hypothécaires. La nouvelle loi votée au Parlement, le 19 novembre 2015, sur la protection de résidence principale résulte d’une négociation douloureuse avec les créanciers qui soutenaient depuis les derniers mois que le projet d’Athènes de protéger les ménages d’une saisie de leur résidence principale semblait aller trop loin.

Selon les sources officielles grecques, avec le nouveau texte adopté, « environ 60% des débiteurs de prêts immobiliers sont protégés là où les créanciers exigeaient la protection d’à peine 16% d’entre eux, tandis que le précédent gouvernement de la Nouvelle Démocratie avait accepté l’abolition totale de la protection. Ainsi, peuvent bénéficier de la nouvelle réglementation les personnes dont la valeur de la résidence principale est comprise entre 180 000 et 260 000 euros. Cependant tout comme auparavant sont pris en compte les besoins pour une vie décente afin de déterminer le plan de remboursement ». .

Toutefois, il reste à voir si l’interprétation de la loi et surtout l’appréciation des conditions de la « vie décente » par les tribunaux sera au détriment des débiteurs et donnera ainsi lieu à de nombreuses saisies immobilières.

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