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Questions-réponses sur le statut de la SNCF

Au mois de février la Commission européenne a demandé à la France, ainsi qu’à quatre autres pays européens, d’interrompre les garanties illimitées octroyées aux sociétés nationales de chemins de fer. Touteleurope.fr revient sur une question qui inquiète la France afin de l’analyser du point de vue du droit européen pour comprendre le fondement des demandes de la Commission et les suites juridiques de cette affaire.

Le 11 février dernier, la Commission a envoyé une lettre à la France pour solliciter l’interruption de toute garantie publique illimitée à l’égard de la SNCF. Quel en est l’objet ?

Le 22 juillet 2008 est publiée au Journal officiel de l’Union européenne une communication de la Commission exposant les lignes directrices sur les aides d’Etat aux entreprises de chemins de fer. L’objectif est de clarifier les conditions dans lesquelles les Etats pourront verser des financements accompagnant le processus de libéralisation du secteur du transport ferroviaire, pour renforcer la mobilité durable dans l’UE.

Définies dans la communication comme “les conditions de crédit plus favorables obtenues par les entreprises dont le statut légal exclut la possibilité d’une procédure de faillite ou d’insolvabilité ou prévoit explicitement une garantie de l’État ou une couverture des pertes par l’État” , les garanties publiques illimitées seraient incompatibles avec le droit européen.

Pourquoi la Commission souhaiterait-elle supprimer les garanties publiques illimitées ?

Interrogée par Touteleurope.fr, Amélia Torres, porte-parole de Joaquin Almunia, commissaire en charge de la Concurrence, explique : “Dans un contexte de libéralisation du marché - voulue par les Etats Membres - l’existence d’une garantie illimitée confère un avantage déloyal à l’opérateur historique” . En effet, si l’Etat se porte garant d’une entreprise, celle-ci bénéficie de facto d’un avantage concurrentiel vis-à-vis des investisseurs, évidemment mieux disposés à l’égard d’une entreprise qui ne peut pas faire faillite.

“Rien n’empêche, bien entendu, l’Etat de rémunérer l’opérateur pour des obligations éventuelles de service public” , précise Mme Torres. “Mais cette rémunération doit être transparente et correspondre aux coûts additionnels de ce service ” .

Or le problème réside dans l’impossibilité de chiffrer précisément l’avantage conféré par cette garantie illimitée. Rien ne dit qu’il n’excède pas le coût du service public, et qu’il ne génère donc pas des bénéfices illégaux à l’entreprise. Face à cette incertitude insolvable, la Commission préfère interdire complètement ces garanties.

Actuellement la SNCF bénéficie du statut d’EPIC - établissement public à caractère industriel et commercial. Qu’est-ce qu’un établissement public et pourquoi le statut d’EPIC a-t-il été créé ?

Un établissement public peut se définir comme une personne morale de droit public qui, sous le contrôle de l’Etat, bénéficie d’une certaine autonomie administrative et financière. Le statut d’EPIC a été crée pour des sociétés qui offrent un service public et qui, en tant que telles, ne peuvent pas être soumises au droit de la concurrence.

La SNCF est-elle soumise aux règles de la concurrence “libre et non-faussée” bien qu’elle soit une entreprise publique ?

Ça dépend. Le fait de suivre ou non les règles de la concurrence n’a rien à voir avec le statut de l’entreprise, mais avec les missions qu’elle remplit. Il faut distinguer les marchés sur lesquels la SNCF, en situation de monopole, remplit des missions de service public, de ceux sur lesquels elle sera mise en concurrence avec d’autres opérateurs européens. Sur ces marchés-ci, elle est tenue de respecter les règles de la concurrence.

La Commission demande-t-elle à l’Etat français de supprimer le statut EPIC de la SNCF ?

Amelia Torres a tenu à préciser : “La Commission ne demande pas l’abolition du statut EPIC, mais de mettre fin aux garanties illimitées octroyées aux entreprises ferroviaires. Pour la Commission il est totalement indifférent que l’entreprise soit EPIC, société anonyme ou coopérative. Si l’Etat donne une garantie illimitée à une société anonyme, c’est une aide incompatible dans les mêmes conditions qu’une garantie illimitée octroyée à une EPIC” .

Ainsi, c’est uniquement la garantie qui est visée, et non le statut lui-même. Une révision des modalités des EPIC pourrait également résoudre le problème.

Quelle est la base juridique régissant l’octroi des aides d’Etat ?

Il s’agit des articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

En l’espèce l’article 107 précise que les aides d’Etat ne doivent à aucun moment et sous aucune forme fausser les règles de la concurrence au niveau européen “en favorisant certaines entreprises ou certaines productions” .

En revanche, c’est l’article 108 qui donne à la Commission la compétence exclusive en matière d’aides d’Etat. En effet l’exécutif européen doit examiner de manière permanente “les régimes d’aide existant” dans les différents Etats membres, et de proposer à ceux-ci “les mesures utiles exigées pour le développement progressif ou le fonctionnement du marché intérieur” .

Comment la Commission peut-elle contrôler les aides d’Etat aux entreprises ?

Toutes les aides d’Etats doivent être notifiées via un formulaire de notification, transmis électroniquement à la Commission. Celui-ci doit fournir tous les renseignements permettant à l’exécutif européen d’évaluer la compatibilité des mesures prises au niveau interne avec les règles de la concurrence à l’échelle européenne.

Qu’est ce qu’il se passe si la Commission estime que ces règles ne sont pas respectées ?

Dans ce cas la Commission lance une procédure formelle d’examen. Il s’agit d’envoyer une lettre à l’Etat, dans laquelle elle récapitule tous les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire et expose les raisons qui mettraient en cause la compatibilité de l’aide d’Etat avec le droit primaire.

Une fois que l’Etat a reçu la lettre de la part de la Commission, comment doit-il réagir ?

A ce stade de la procédure, l’Etat peut dans un délai d’un mois - sauf injonction contraire de la part de la Commission - formuler une réponse aux questions posées. L’Etat a également la possibilité de provoquer la suspension de la procédure en demandant au Conseil de l’UE de se réunir pour décider de la compatibilité de l’aide avec les règles de la concurrence au niveau européen (cf. article 113 TFUE). Le Conseil peut, en effet, valider une aide d’Etat à l’unanimité.

Mais si celui-ci ne tranche pas dans un délai de trois mois à partir du moment où la demande est formulée, la requête de la Commission devient légitime et elle doit être exécutée.

Qu’est-ce qu’il se passe si l’Etat ne répond pas aux demandes de la Commission ?

Sur la base des articles 258 et 259 TFUE, si la Commission ne reçoit pas de réponse de la part de l’Etat, celle-ci se trouve dans l’obligation de saisir la Cour de justice de l’Union européenne. C’est à la CJUE donc de constater, comme prévu à l’article 260 TFUE, le manquement d’un Etat membre à l’égard d’ “une obligation qui lui incombe en vertu des traités” . Ainsi, l’Etat doit prendre toute mesure nécessaire pour exécuter l’arrêt émis par la Cour. Or, concernant l’affaire SNCF, Amélia Torres déclare que “la Commission n’a pour l’instant pris aucune décision à l’égard de la France” .

En savoir plus

Statut de la SNCF : haro français sur Bruxelles - Touteleurope.fr

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