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  • Synthèse

Quelle direction pour la coalition sociale-démocrate de Helle Thorning-Schmidt ?

Au pouvoir depuis septembre 2011, la coalition de gauche regroupée autour de la leader sociale-démocrate Helle Thorning-Schmidt affiche en ces temps troublés un bilan en demi-teinte et doit faire face aux plus faibles sondages d’opinions jamais enregistrés pour son parti. Il faut dire que la situation n’est pas facile dans le Royaume danois, touché par la crise comme ses partenaires européens, bien que dans une moindre mesure.

Une crise qui touche durement le Danemark en 2008

En 2008, Le gouvernement libéral-conservateur au pouvoir depuis 2001 subit la crise de plein fouet, le Danemark étant l’un des premiers pays très sévèrement touché. Lars Loekke Rasmussen, premier ministre libéral issu du parti Venstre, est alors contraint de prendre des mesures de rigueur pour faire face à la récession qui s’abbat sur le pays. Le déficit public est en hausse, passant à 4,6% du PIB et la coalition gouvernementale formée avec le parti conservateur et soutenue par le parti du Peuple Danois d’extrême droite prépare un vaste plan d’austérité budgétaire. Le relèvement de l’âge du départ à la retraite à 67 ans ou encore la réduction de la durée des allocations chômage de 4 à 2 ans sont décidés ainsi que d’autres réformes peu populaires qui entaillent quelque peu le fameux modèle de “flexicurité” scandinave.

Les élections du 15 septembre 2011

Dans ce contexte difficile, des élections anticipées sont organisées en septembre 2011. Il n’est cependant pas rare d’avancer le renouvellement du Parlement dans cette démocratie scandinave où le gouvernement est issu de coalitions de partis et où la culture du consensus domine. Pendant la campagne, ce sont les enjeux économiques, notamment l’emploi et l’Etat providence, qui occupent largement le devant de la scène. Les questions relatives à l’immigration, thème pourtant très présent lors des rendez-vous électoraux précédents, sont complètement évincées.

Lars Lokke Rasmussen prend ses distances avec le Parti du peuple Danois (DS), qui ne soutient pas son programme économique et dont la crédibilité a été par ailleurs ébranlée suite aux attentats meurtriers en Norvège . Le plan de “croissance durable” présenté par le bloc de droite mise sur un maintien de la ligne budgétaire jusque- là suivie par le gouvernement et refuse tout endettement supplémentaire. Au contraire Helle Thorning- Schmidt, présidente des Sociaux- démocrates, réussit à fédérer les socialistes, les sociaux libéraux et le parti Rouge-Vert autour d’un projet commun : un plan de croissance par la dépense publique dans plusieurs domaines, notamment les énergies renouvelables ou encore les infrastructures. Ne partant pas favorite, la droite est effectivement défaite face à la coalition de gauche et c’est donc une femme, pour la première fois au Danemark, qui ramène les sociaux -démocrates au pouvoir après 10 ans dans l’opposition.

Les électeurs danois ont-ils sanctionné l’austérité ?

Avec une participation extrêmement haute (87%), les Danois se sont en effet prononcés en faveur d’un programme économique radicalement différent de celui mené jusque -là : le plan de la coalition de gauche, prévoit alors une augmentation des dépenses publiques à contre-courant de la vague d’austérité qui prévaut en Europe.

Cette interprétation est cependant à nuancer, souligne le président du Mouvement européen Danois, Erik Boel : en effet, le scrutin comportant une forte de dose de proportionnelle, la victoire de la coalition de centre gauche est loin de s’apparenter à un plébiscite : 89 sièges sur 179 contre 86 pour le bloc de droite dirigé par le Premier ministre sortant. De plus, les sociaux-démocrates seuls réalisent leur plus mauvais score depuis 1906 avec 24,9% des voix. Il ajoute que le parti de Lars Loekke Rasmussen n’en est pas sorti véritablement affaibli puisqu’il obtient tout de même 26,7% des suffrages. La majorité est donc courte pour la coalition et les réformes promises ne sont pas simples à mettre en place : gouverner n’est pas de tout repos pour Mme Thorning -Schmidt.

Les ennuis commencent : la difficulté de la relance par la dépense

En effet, la cote de popularité de la Première ministre descend à une vitesse vertigineuse au fur et à mesure que se dévoilent les difficultés que rencontre le programme de relance. Comme l’explique M. Boel, la situation économique du pays ne permet pas à Helle Thorning -Schmidt de mettre en place tout ce qui est prévu : l’échec des négociations sur l’augmentation du temps de travail, qui participe à la difficulté de financement d’un plan de relance ambitieux, en est un exemple. Un accord passé avec le groupe libéral pour la réforme fiscale ne passe également pas du côté de ses partenaires de gauche qui préparaient des propositions alternatives.

Le programme adopté, comprenant la hausse de diverses taxes (comme la taxe sur les produits gras en octobre 2011), un allègement de l’impôt sur les revenus du travail associé à un relèvement du seuil annuel d’imposition sur les hauts revenus ainsi que des économies sur les allocations familiales et de chômage, s’attire de nombreuses critiques. C’est pour beaucoup une désillusion et le gouvernement n’est crédité que d’environ 17% d’opinions favorables en juin 2012, un triste record. Il est même avancé qu’en cas d’élections, c’est le groupe libéral-conservateur qui en sortirait vainqueur.

Et l’Europe dans tout ça ?

Avec des réformes intérieures difficiles à mener et la crise profonde que traversent les partenaires du Danemark, le dossier européen est lui aussi significativement fragilisé. Il est presque impossible pour la Première ministre de faire valoir ses vues européennes dans ce pays plutôt eurosceptique et qui bénéficie de plusieurs dérogations (euro, citoyenneté européennes entre autres). Ancienne élève du Collège d’Europe de Bruges et député européenne avant son entrée en 2005 au Folketing, le parlement danois, Helle Thorning-Schmidt soutient des positions très pro-européennes.

Mais dans le contexte actuel, impossible d’envisager la tenue d’un référendum sur l’abandon des “opting out” dont bénéficie le pays, en particulier pour l’euro, et qui étaient pourtant prévus pendant la législature. Toujours selon M. Boel, il est évident que la situation de crise que traverse l’Europe et en particulier les pays membres de la zone euro a complètement écarté ces réformes de l’agenda. A cela s’ajoute une population de plus en plus méfiante vis-à-vis des dossiers européens. Il ne reste plus à Helle Thorning-Schmidt qu’à plaider pour une “Europe flexible” , où tous les Etats membres n’avancent pas à la même vitesse (voir son discours d’ouverture du Collège d’Europe).

C’est donc en pleine crise, à la fois européenne et interne, que le Danemark a pris la direction de la présidence tournante du Conseil de l’Union Européenne au premier semestre 2012. Etant donnée la non-participation du petit pays scandinave à la monnaie unique, la tâche s’annonçait difficile et l’agenda prévu mettant en avant des réformes tournée vers l’emploi et la croissance verte a eu du mal à s’imposer dans des débats tournés vers la crise de l’Eurozone. Copenhague a fortement mis l’accent sur le rôle de “pont” entre les deux “Europe” , indispensable pour éviter une Europe à deux vitesses, mais le bilan de la présidence reste mitigé.

Il était cependant difficile d’en attendre beaucoup plus : la présidence tournante n’a plus de véritable rôle d’impulsion depuis le traité de Lisbonne, et la crise actuelle a rendu tout projet de long terme compromis. La question de la participation danoise au budget de l’Union est également sensible. Suivant la tendance partagée par une majorité de pays membres, Copenhague se prononce pour une limitation du budget à 1% du PIB européen et à une réduction de la participation danoise en particulier. Cependant, ici encore Helle Thorning-Schmidt se trouve isolée dans les négociations, refusant de suivre le Royaume- Uni mais n’ayant pas non plus le soutien des autres contributeurs de l’Union. Le président français François Hollande avait d’ailleurs émis une critique déguisée des Etats demandant une forme de rabais suivant l’exemple britannique.

Finalement, il semblerait que le Danemark gagne à jouer un rôle plus actif au sein de l’Union Européenne et à s’investir beaucoup plus dans les négociations. L’excellente série politique Borgen (saison 2 épisode 2) illustre en cela le poids encore faible accordé aux enjeux européens. Le contexte politique n’y est cependant pas forcément favorable dans l’immédiat : la faible popularité de la coalition au pouvoir et la situation économique semblent indiquer que le Danemark n’est pas encore totalement sorti des périodes de turbulences.

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