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Pile : le traité transatlantique côté américain

Depuis que les négociations officielles ont été lancées le 17 juin 2013, le Traité transatlantique de commerce et d’investissement est un sujet largement commenté à travers l’UE, notamment brandi lors des élections européennes. En Europe, les critiques se multiplient et de nombreuses voix s’élèvent contre ce projet d’accord de libre-échange, mais qu’en est-il outre-Atlantique ? Si les firmes américaines considèrent le partenariat comme une chance unique pour l’économie des Etats-Unis, il n’en demeure pas moins que les associations de protection de consommateurs soulèvent des points similaires aux revendications européennes.

“Le Traité transatlantique est primordial pour les Etats-Unis”

Avec un gain potentiel de 95 milliards supplémentaires par an pour l’économie américaine, selon l’étude du Centre for Economic Policy Research, la conclusion du partenariat entre les Etats-Unis et l’Union européenne apporterait une bouffée d’air fraîche à l’économie américaine dans un contexte d’érosion des parts de marché américaines dans l’économie mondiale depuis les années 2000 (environ 50% en 2000 et actuellement aux alentours de 40%).

Chuck Dittrich
Chuck Dittrich
est le vice-président du National Foreign Trade Council (Conseil national du Commerce extérieur) chargé des sujets de commerce régional et des accords bilatéraux dont celui du Traité transtlantique.
Le National Foreign Trade Council représente plus de 300 entreprises américaines, dont une majorité de multinationales (Ebay, Coca-Cola, Siemens, Google, etc.). Le but poursuivi par le NFTC est de concourir à l’émergence d’un commerce international ouvert, libéral et respectueux des règles de droit et des règles du commerce international fixées par l’OMC.

Cette tendance pourrait même venir à s’inverser selon Chuck Dittrich, vice-président du National Foreign Trade Council (Conseil national du Commerce extérieur - NFTC), qui souligne que c’est là le but recherché par les Etats-Unis dans la conclusion de cet accord.

Ainsi, selon ses mots, “le Traité transatlantique est primordial pour les Etats-Unis” . Le caractère essentiel accordé à ce partenariat transparaît dans l’implication dont fait preuve la partie américaine au cours des sessions de négociations successives. En outre, Washington participait, près de deux ans avant le premier round de négociations, au groupe de travail de haut niveau sur l’emploi et la croissance établi en novembre 2011 par le Conseil économique transatlantique.

“Il y a une énorme opportunité pour les approvisionnements de l’Etat fédéral”

Le chapitre de l’accès aux marchés publics suscite un important travail de négociations. En effet, l’UE, dont l’ouverture des marchés publics en volume est très élevée (90%), réclame une ouverture accrue des marchés américains (32%) au nom du principe de réciprocité. Cette différence est due à la législation protectionniste américaine en vigueur depuis 1933 selon laquelle le gouvernement fédéral est tenu d’acheter uniquement des biens produits dans le pays (Buy American Act).

S’il faut toutefois compter avec la structure fédérale des Etats-Unis, des évolutions sont tout à fait envisageables et même souhaitées par les entreprises américaines.

Les marchés publics aux Etats-Unis
Le gouvernement fédéral n’a pas de compétences sur l’ouverture des marchés publics des 50 Etats qui composent la République fédérale. Il peut seulement inciter ces derniers à ouvrir leurs marchés publics.

“Si les Etats-Unis sont totalement engagés vis-à-vis de la relation transatlantique, il devrait y avoir autant d’opposants à la législation fédérale du Buy American de ce côté-ci de l’Atlantique qu’il y en a en Europe étant donné son inefficacité économique et la nuisance aux intérêts des consommateurs des deux parties qu’elle représente” estime le vice-président du NFTC.

La confiance avant tout pour la réussite du partenariat

Pour Chuck Dittrich, “l’intégralité des sujets mis à l’agenda est importante sinon ces sujets n’y figureraient pas” . La principale inquiétude qui pourrait toutefois venir troubler les négociations serait la perte de confiance politique : “si nous perdons le focus politique au plus haut niveau, le processus amorcé s’arrêtera” .

En effet, pour le représentant des intérêts des entreprises américaines, il faut reconnaître l’intensité de l’engagement politique américain et européen qui a présidé à l’ouverture des négociations. Lors du sommet Etats-Unis - Union européenne qui s’est tenu à Bruxelles les 26 et 27 mars 2014, le président américain réaffirmait cet engagement : “l’Europe, y compris l’Union européenne, est la pierre angulaire de notre engagement à travers le monde L’Europe, y compris l’Union européenne, est la pierre angulaire de notre engagement à travers le monde. Tant sur le plan géopolitique qu’économique, le monde est plus sûr et plus juste, quand l’Europe et les Etats-Unis sont unis” .

Cette marche commune sans ombre qui a été visible lors des premiers rounds de négociations semble toutefois se ralentir alors que des crispations de part et d’autres se font ressentir. “Il existe une tension pour les négociateurs entre leur méthode habituelle de travail et les nouveaux engagements pris” dans le cadre du Traité transatlantique, analyse Chuck Dittrich qui souligne l’opportunité que représente le TTIP de développer de nouvelles approches de négociations. Ainsi, cet accord ne tombera pas du ciel.

La Consumer Federation of America rassemble quelque 300 association de consommateurs américaines. Elle est membre du Transatlantic Consumer Dialogue (Dialogue transatlantique des consommateurs).

Des progrès substantiels en termes de confiance sont envisageables si l’on se tourne du côté du partenariat transpacifique également en cours de réalisation entre les Etats-Unis et 11 autres pays (Bruneï, Chili, Nouvelle-Zélande, Singapour, Australie, Malaisie, Pérou, Vietnam, Canada, Japon et Mexique). Engagé bien avant le Traité transatlantique (2002), la conclusion de cet accord - qui interviendrait avant celle du TTIP - serait un message significatif adressé aux Européens et concourrait à la conclusion d’un accord transatlantique “fort” selon Chuck Dittrich.

Standards de protection des consommateurs : les recommandations des associations américaines

Outre ces arguments, d’autres considérations sont avancées face à l’accord de libre-échange transatlantique.

L’association fédérale de protection des consommateurs américains, la Consumer Federation of America, souligne en effet que toutes les implications soulevées par l’accord ne sont pas acceptables pour la protection des Américains. Cela concerne particulièrement les standards déjà en place qui garantissent le bien-être des citoyens américains. Toute convergence des normes et règles que le partenariat transatlantique entraînerait et qui serait susceptible de baisser les standards de la protection des consommateurs est hautement contestable.

Par rapport à ce droit à la protection, la Consumer Federation of America, dans un courrier du 5 mars 2013 adressé au Représentant américain au Commerce de l’époque, Ron Kirk, soulignait un nombre de domaines sensibles tels que la sécurité alimentaire, les droits de propriété intellectuelle, la protection des données personnelles, l’énergie et le changement climatique, la finance, la politique de concurrence, les nouvelles technologie, les médicaments et dispositifs médicaux, et le mécanisme de résolution des conflits entre Etats et investisseurs.

Pour ce qui est de la sécurité alimentaire, la CFA appelle de ses vœux un accord transatlantique qui permette aussi bien aux Etats-Unis qu’à l’UE de mettre en place un système non-discriminatoire de sécurité des aliments ainsi que des standards d’étiquetage et de nutrition qui puissent être supérieurs aux standards inclus dans l’accord final.

Quant à la manière dont les négociations se déroulent, la mise à disposition des textes de négociations et la participation de la société civile sont des éléments fondamentaux pour établir un processus transparent et assurer un accord crédible et réussi, selon l’association qui recommandait déjà l’an dernier la création d’un Comité consultatif de citoyens qui pourrait prendre part aux négociations.

La Trade Promotion Authority ou la voie rapide vers un accord transatlantique

Sur un plan plus politique, la conclusion du partenariat transatlantique pourrait être confrontée aux réticences du Congrès américain qui , pour l’instant, pourra amender le texte issu des négociations entre les Etats-Unis et l’UE, et donc ainsi relancer les négociations entre les deux partenaires, ce qui retarderait la conclusion de l’accord transatlantique et fragilise les négociateurs américains.
Si le Congrès possède en effet le dernier mot sur les accords internationaux, la conclusion d’un accord international peut être accélérée en adoptant une législation appelée la Trade Promotion Authority ou dite “procédure de fast track” (voie rapide).

Selon cette procédure législative, le Congrès établit les positions américaines qui doivent être défendues par le Président au cours des négociations. Au final, une fois les négociations terminées entre Etats-Unis et UE, l’accord serait soumis au vote du Congrès qui le validerait tel quel ou non, sans possibilité de l’amender.

Or, cette procédure ne semble pas voir le jour, ce qui n’empêche toutefois pas les négociations d’avancer et ce qui ne signifie pas forcément un échec futur de l’accord auprès du Congrès.

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