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Pékin vient chiner sur les marchés des obligations européennes

Le gouvernement chinois aurait racheté pour 5 milliards d’euros d’obligations portugaises. Après la Grèce, c’est le deuxième signe important d’une éventuelle participation chinoise à la résolution de la crise européenne. L’occasion de comprendre quelles sont ses motivations et pourquoi l’Europe et la Chine ont autant besoin l’un de l’autre.

L’empire du milieu s’installe sur le Parthénon

On se souvient de l’émoi que Pékin avait suscité en Europe, lorsque le gouvernement chinois avait annoncé racheter des obligations grecques après des investissements conséquents dans les infrastructures grecques (3.4 milliards d’euros), durant l’année 2008. A cette occasion, le premier ministre chinois, Wen Jiabao, avait annoncé que son pays allait faire “un grand effort pour soutenir les pays de la zone euro et la Grèce, afin de dépasser la crise économique internationale (voir l’article de Jean Quatremer sur le blog Coulisses de Bruxelles). Le choix de commencer sa tournée européenne en Grèce avait été vu comme une volonté de Pékin de faire d’Athènes son allié européen.

En effet, par le biais de l’aide chinoise au gouvernement grec, Pékin voulait renforcer sa position en Europe, certainement motivé par la recherche d’une porte de sortie face à la relation tendue qu’elle entretient avec les Etats-Unis. La Chine dispose en effet d’environ 750 milliards de dollars de bons du trésor américains et finance la dette américaine. Cependant, celle-ci s’avère tellement importante que de grandes tensions monétaires existent entre le Yuan et le Dollar. Bénéficiant de la réorientation stratégique de la Chine vers l’Europe et confronté à une crise sans précédent, il semblerait que le pays des hellènes ait trouvé son sauveur, et la Chine une bonne porte d’entrée en Europe. En effet, le gouvernement chinois a certainement vu en la personne de Papandréou un interlocuteur moins méfiant que le gouvernent américain.

La Chine renforce sa présence en ciblant l’arc sud de l’Union européenne

Or, depuis quelques temps il est question également que la Chine rachète quatre à cinq milliards d’euros de dette souveraine portugaise pour soulager la pression subie par le Portugal sur le marché obligataire. Cette nouvelle fait suite à la visite du ministre portugais des finances Fernando Teixeira dos Santos à son homologue chinois Xie Xuren ainsi que le gouverneur de la Banque populaire de Chine. Rappelons qu’à l’occasion d’une visite à Lisbonne en novembre dernier, le président chinois Hu Jintao avait déclaré que son pays aiderait le Portugal à faire face à la crise financière, mais n’était cependant pas allé jusqu’à s’engager à acheter de la dette locale.

Pékin se serait donc engagé mardi 21 décembre à mener ces achats au cours du premier semestre 2011. Une telle opération ne serait à court terme que bénéfique au Portugal dans la mesure où elle permettrait de faire baisser les taux d’intérêt sur sa dette et de continuer à la financer normalement. Toujours dans la péninsule ibérique, certains observateurs des marchés financiers ont noté que la Chine aurait racheté il y a deux mois des obligations d’Etat espagnoles pour une centaine de millions d’euro, selon une procédure similaire à la Grèce.

Pourquoi la Chine vient-elle en aide à l’Europe ?

Il faut dire que la Chine, forte de sa croissance à deux chiffres (ou presque) depuis de nombreuses années, a les moyens de placer ses énormes excédents commerciaux. Comme indiqué plus haut, elle l’a déjà fait dans les bons du trésor américains mais cherche à diversifier son portefeuille. C’est sans doute pour s’extirper de l’interdépendance risquée avec l’Oncle Sam que le gouvernement chinois a voulu s’orienter vers la première puissance économique et commerciale, l’Union européenne.

De plus, en raison de prévisions certaines, la puissance économique chinoise peut se permettre de placer ses fonds, y compris dans des contextes risqués. Elle sait qu’elle aura de toute manière des marges de manœuvre importantes pour dans sa relation future avec l’Union européenne, puisque elle tiendra toujours la position de créancier : une façon comme une autre d’avoir sur l’UE une sorte d’avantage comparatif. Elle se dirige donc vers le même rôle qu’elle entretient avec les Etats-Unis, à savoir cette volonté particulière de venir en aide à ses principaux clients commerciaux. A quoi lui serviraient des clients ruinés avec lesquels elle ne pourrait plus commercer ? La Chine a donc tout intérêt à soutenir les marchés américains et européens. Elle s’impose donc comme le médecin de l’Europe, en lui fournissant sa dose quotidienne de financement, afin de soigner sa maladie budgétaire.

Pékin s’immisce dans le fonds de stabilisation de l’Europe, ainsi que dans sa politique commerciale

Lors d’entretiens qui se déroulaient mardi 21 décembre Pékin dans le cadre du dialogue sino-européen sur les questions économiques et commerciales avec Olli Rehn, Joaquin Almunia et Karel de Gucht, respectivement commissaires européens aux Affaires économiques, à la Concurrence et au Commerce, le vice-premier ministre chinois aurait évoqué la possibilité que la Chine puisse renforcer son soutien à la stabilisation financière de l’Europe “si nécessaire” . En d’autres termes la Chine pourrait continuer à acheter les obligations de pays au centre de la crise de la dette souveraine. Cela traduit aussi une vive inquiétude de la part des autorités chinoises, qui se déclarent inquiètes de la capacité des Européens à en venir à bout.

En contrepartie, le vice-premier ministre chinois Wang Qishan a plaidé vivement pour que les responsables de l’UE prennent “des engagements significatifs sur certains sujets, comme la levée de l’interdiction frappant les exportations de produits de haute technologie, la reconnaissance du statut d’économie de marché à la Chine, la protection des droits et intérêts légitimes des investissements chinois dans l’UE, et le traitement d’une manière convenable des demandes de visa européen des investisseurs chinois ” (voir l’article du quotidien du peuple en ligne). Pékin a également réclamé que l’Europe lève l’embargo sur les ventes d’armes en Chine.

Les autorités européennes n’ont pas vraiment évoqué cet état de fait, il n’est peut-être pas encore pertinent de parler de péril en la demeure. Si le rachat d’obligations européennes est conséquent, la part chinoise d’investissement direct en Europe demeure relativement faible puisqu’elle ne totalise que 3,35 milliards de dollars par an, sur un total de 50 milliards investis à l’étranger… même si ces investissements ont bondi de 208% en 2009.


En savoir plus :

La Chine propose une offre intéressée à une Europe malade [Touteleurope]

L’Asie rencontre l’Europe à Bruxelles [Touteleurope]

Sommet Asie-Europe à Bruxelles : la Chine rachète la dette européenne mais ne transige pas sur sa monnaie [Touteleurope]


Sources

La Chine exhorte l’UE à agir concernant la crise de la dette [Euractiv.com]

Zone euro : la Chine au chevet de l’Europe malade [La Croix]

La Chine serait prête à acheter de la dette portugaise [Le Monde]

La Chine voudrait acheter 5 milliards de dette portugaise [Le Figaro]

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