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Où en sont les relations entre la Grèce et ses créanciers ?

Depuis mai 2010, la Grèce se trouve sous assistance financière. Trois plans de sauvetage successifs ont été accordés par l’Union européenne, la Banque centrale européenne et, à l’exception du dernier, le Fonds monétaire international, en échange de réformes de rigueur a coût social extrêmement élevé. Régulièrement en conflit ouvert avec ses créanciers, le gouvernement grec, dirigé depuis janvier 2015 par Alexis Tsipras, milite aujourd’hui pour un allègement de la dette du pays, qui se trouve au niveau catastrophique de 180% du PIB.

Drapeaux Grèce et UE

Quels ont été les premiers “plans de sauvetage” de la Grèce ?

L’état catastrophique des finances publiques grecques a été rendu public à l’automne 2009. Fraichement élu, le socialiste Georges Papandréou annonce que le déficit public du pays s’élève à 12,7%, un chiffre deux fois supérieur à celui connu. Dans un contexte d’affolement des marchés, la Grèce voit sa note dégradée une première fois par les agences de notation et le gouvernement prend des mesures d’assainissement des comptes publics. Des mesures insuffisantes qui seront suivies du premier plan d’urgence européen à destination du pays.

En mai 2010, l’Union européenne, accompagnée du Fonds monétaire international (FMI), accorde 110 milliards d’euros à la Grèce sur trois ans. En parallèle, est créé le Fonds européen de stabilité financière (FESF), doté de 750 milliards d’euros et chargé de venir en aide aux Etats membres les plus touchés par la crise économique et financière. En échange de cette aide internationale, la Grèce prévoit un plan d’austérité de 30 milliards d’euros d’économies, comprenant notamment une réforme des retraites. La première d’une longue série. En effet, en juin 2011, de nouvelles mesures de rigueur sont demandées à la Grèce par ses créanciers, entraînant de nombreuses manifestations, parfois violentes, dans le pays.

Dès l’automne 2011, la mise en place d’un deuxième plan de sauvetage de la Grèce est nécessaire. Ce dernier prévoit l’abandon, pour les banques privées, de 50% de la dette du pays, représentant 100 milliards d’euros, ainsi que l’octroi de 100 milliards d’euros à Athènes. En contrepartie, les créanciers, surnommés la “troïka” et composés de l’UE, du FMI et de la Banque centrale européenne (BCE), exigent davantage de contrôle sur la politique budgétaire grecque.

Une perte de souveraineté extrêmement mal accueillie par les Grecs et le gouvernement, qui menace un temps de soumettre l’accord à référendum, avant d’y renoncer sous la pression internationale. Georges Papandréou choisit alors la démission, laissant la place à un gouvernement de technocrates, que dirigera l’économiste Lucas Papademos. Premier ministre durant 6 mois, M. Papademos sera ensuite succédé par Antonis Samaras dans le cadre d’une coalition droite-gauche, qui poursuivra la mise en œuvre des réformes demandées par la troïka.

Alexis Tsipras a-t-il changé la donne ?

Le 26 janvier 2015, Syriza, parti de gauche radicale dirigé par Alexis Tsipras, remporte les élections législatives sur la promesse d’une renégociation des politiques d’austérité, dont le coût social pour les Grecs est extrêmement élevé. Les semaines qui suivent sont marquées par un dialogue heurté entre le gouvernement grec et la troïka, symbolisé par le duel entre Yannis Varoufakis et Wolfgang Schäuble, ministres grec et allemand des Finances. En juin 2015, es discussions sont dans l’impasse et la Grèce n’est pas en mesure d’honorer un remboursement au FMI. Alexis Tsipras décide alors de fermer les banques du pays et soumettre les propositions des créanciers par référendum. Le 7 juillet 2015, les électeurs rejettent le plan de la troïka à plus de 61%.

Les tensions sont alors à leur maximum et le “Grexit” (sortie de la Grèce de la zone euro) devient une très sérieuse possibilité. En dépit du soutien des urnes et de la démission de Yannis Varoufakis, le gouvernement grec ne parvient à alléger les exigences internationales et accepte en dernier recours, le 13 juillet, les termes d’un troisième plan de sauvetage de 86 milliards d’euros. Les conditions de la troïka sont encore plus dures qu’avant le référendum et comprennent de nouvelles économies, une nouvelle réforme des retraites et une hausse de la TVA. Démissionnaire mais candidat à sa réélection, Alexis Tsipras est reconduit Premier ministre en septembre 2015.

Le plan de sauvetage de juillet 2015 est-il mis en œuvre ?

Depuis septembre 2015 et le début du second mandat d’Alexis Tsipras à la tête de la Grèce, les relations entre Athènes et ses créanciers se sont apaisées. Mais si les “sommets de la dernière chance” ne se multiplient plus, les discussions demeurent difficiles. Le gouvernement grec avance néanmoins dans l’adoption des mesures de rigueur et voit ses indicateurs économiques repasser dans le vert. En ligne de mire : l’allègement de la dette du pays, qui atteint les 180% du PIB. En décembre 2016, une telle perspective est envisagée, mais avorte au dernier moment en raison de mesures sociales prises par le gouvernement Tsipras. Sur ce dossier, les créanciers du pays sont divisés : la France et la Commission européenne faisant valoir les efforts fournis par les Grecs, tandis que l’Allemagne défend pour sa part un strict respect des règles.

Le 7 avril 2017, un accord est finalement conclu à Malte. En échange de nouvelles mesures de rigueur, dont une quatorzième réforme des retraites en 7 ans, il est convenu que la Grèce pourra obtenir une nouvelle tranche du plan de sauvetage de 86 milliards d’euros. Pour plaider sa cause, Athènes a pu s’appuyer sur son excédent primaire budgétaire (c’est-à-dire avant le service de la dette), qui s’est élevé à 3,9% du PIB pour l’année 2016. Un chiffre extrêmement élevé et qui dépasse largement l’objectif qui lui était fixé : la Grèce n’avait à atteindre ce seuil qu’en 2018.

Le 15 juin suivant, lors d’une réunion de l’Eurogroupe, cet accord est entériné par les créanciers. Un prêt de 8,5 milliards d’euros est alors validé dans le cadre du plan de sauvetage. De plus, le Fonds monétaire international, en retrait du dossier grec en raison de la dette du pays jugée insoutenable, annonce le retour de sa participation, à hauteur de 1,6 milliard d’euros. Ce prêt a ainsi permis à la Grèce de rembourser ses créances à la BCE d’un montant de 7 milliards d’euros, dont les échéances arrivaient en juillet.

Cet accord, inattendu dans un premier temps, a été jugé “largement mérité” par Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques. En effet, après 7 années d’austérité, le peuple grec semble enfin apercevoir le bout du tunnel. La Commission prévoit une croissance à 2,1% pour 2017 tandis que le déficit public de 0,7% en 2016 a également permis au pays de sortir de la procédure de déficit excessif en juillet 2017.

Enfin, dans ce cadre, le pays, qui ne se finance plus sur les marchés depuis 2010, a pu y opérer un retour plutôt positif cet été. En empruntant 5 milliards d’euros, le 25 juillet sur les marchés (émissions d’obligations sur 5 ans), la Grèce a pu tester la confiance des investisseurs.

Le problème grec est-il réglé ?

Toutefois, les perspectives économiques du pays de ne sont pas particulièrement réjouissantes à plus long terme. Le chômage des mois de 25 ans culmine toujours à 47,3%, bien qu’il diminue depuis 2014. Les 14 réformes des retraites successives ont été particulièrement douloureuses puisque 11 d’entre elles ont conduit à une diminution des pensions. Les dépenses de santé sont également passées à 4,5% du PIB contre une moyenne de 7,5% dans l’UE. Par conséquent, si la Grèce semble retrouver quelques indicateurs positifs, la question du modèle économique qui lui permettra de reconstruire et relancer son économie est un enjeu majeur.

D’une manière générale, notons que l’attitude inflexible des créanciers de la Grèce a régulièrement été dénoncée par une grande majorité des économistes. C’est le cas notamment de Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie en 2001, qui a été jusqu’à qualifier l’action de la troïka de “criminelle” . Comme l’explique encore Xavier Ragot, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), les mesures d’austérité exigées ont eu un effet contreproductif sur l’économie grecque, tandis que la restructuration de la dette paraît indispensable.

Un allègement de la dette grecque est-il envisageable ?

La récurrente et explosive question de l’allègement de la dette publique grecque (320 milliards d’euros) est encore incertaine, bien que les dirigeants politiques soient de plus en plus nombreux à être convaincus de sa nécessité. L’Eurogroupe s’est engagé en juin à un allègement “si nécessaire” après août 2018, à la demande d’Alexis Tsípras. En effet, à l’issue du troisième plan d’aide, la Grèce devra se financer intégralement sur les marchés, mais cela supposera que les investisseurs acceptent d’y participer.

Un allègement de la dette grecque consisterait par exemple en un allongement des durées de remboursement (maturités) ainsi qu’un plafonnement des taux de remboursement à 1,5%. Emmanuel Macron soutient cette perspective, de même que M. Moscovici au sein de la Commission. Les deux hommes considèrent que s’émanciper de cette question permettrait de relancer l’intégration européenne. Inflexibles jusqu’alors, les Allemands pourraient être enclins à remettre le sujet sur la table selon les résultats des élections allemandes.

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