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OGM : La proposition de la Commission ne convainc pas les Etats

Le 13 juillet, la Commission européenne avait présenté une proposition de texte déléguant à chaque Etat la compétence d’interdire ou non la culture d’OGM sur son sol, sous n’importe quel motif. Deux mois plus tard, les ministres de l’agriculture lui ont réservé un accueil glacial. Comment expliquer une telle réaction de leur part ? Touteleurope revient sur les enjeux de la gouvernance des OGM.

Quel est le système actuel ?

La commercialisation des OGM est autorisée dans le marché intérieur européen, sous réserve d’un étiquetage approprié pour les produits en contenant plus de 0.9%. Aucun Etat ne peut restreindre sur son territoire la commercialisation de produits contenant des OGM.

En revanche, en ce qui concerne la culture d’organismes génériques modifiés, il existe un processus d’autorisation au niveau européen, assorti d’une clause de sauvegarde au niveau national.

Ainsi, un semencier qui souhaite pouvoir cultiver un organisme génétiquement modifié doit déposer un dossier (de spécifications techniques) auprès de l’EFSA, l’autorité européenne pour la sécurité alimentaire. L’autorité examine les fondements scientifiques du dossier, et émet ensuite un avis favorable ou non. Aucun avis défavorable n’a jamais été émis.

Les Etats membres sont responsables de la suite des évènements : le dossier passe entre les mains d’un comité présidé par la Commission européenne et composé de représentants des Etats membres, puis c’est au Conseil des ministres de prendre la décision finale. La majorité qualifiée doit être trouvée soit pour autoriser un OGM, soit pour l’interdire. En pratique, comme cette majorité est très rarement atteinte sur ce sujet sensible et très clivant, c’est la Commission qui tranche, en suivant l’avis de l’EFSA.

Il existe ensuite une clause de sauvegarde a posteriori qui permet à chaque Etat membre capable d’avancer des arguments scientifiques solides d’interdire malgré tout la culture d’OGM sur son sol. Sept pays interdisent actuellement la culture du maïs transgénique MON 810.

Que propose le nouveau texte de la Commission ?

La Commission, dans un texte présenté le 13 juillet dernier, a proposé d’infléchir significativement cet équilibre. Elle souhaite donner la possibilité aux Etats membres d’interdire ou de restreindre la culture d’OGM sur son sol plus facilement et sans avoir à se justifier, pour laisser les Etats maîtres de leur destin. Elle espère qu’en contrepartie le processus d’autorisation européen sera facilité. En effet, actuellement, étant donné que c’est le Conseil qui a le dernier mot, une quinzaine d’OGM qui ont reçu l’aval de l’EFSA sont toujours en attente d’une décision par le Conseil.

Plus concrètement, les Etats pourraient désormais interdire les OGM pour des raisons éthiques ou sociétales. C’est une décision qui ne relève pas de la clause de sauvegarde, puisqu’elle ne peut pas se fonder sur des arguments environnementaux ou sanitaires. L’idée est d’établir une distinction claire des raisons pour lesquelles un Etat ne veut pas d’OGM : contestation des fondements scientifiques (via la clause de sauvegarde) ou bien préoccupations d’ordre éthique ou idéologique.

Le commissaire John Dalli à la Santé et à la Protection des consommateurs a déclaré en interview à propos des clauses de sauvegarde que “si ces pays ont maintenant d’autres moyens pour obtenir le même objectif, c’est-à-dire le contrôle des cultures OGM, je crois qu’ils devraient abandonner leur clause de sauvegarde. Sinon, nous pourrions saisir la Cour de Justice européenne” . Cette phrase montre la volonté du commissaire d’abandonner une procédure qu’il considère comme extrême, et mettant en doute la crédibilité de l’EFSA puisque la réfutant sur son propre terrain : l’expertise scientifique. Formellement, la clause de sauvegarde ne disparaît pas, mais elle devra être utilisée seulement en dernier recours par les Etats.

En effet, la Commission a également émis des recommandations sur la coexistence des cultures, qui visent à éviter que les cultures OGM ne “contaminent” les cultures non-OGM. Si ces mesures ne sont pas assez efficaces, les Etats peuvent restreindre les cultures, en créant ainsi des zones sans OGM. Mais ces mesures doivent être proportionnées.

Que pensent les Etats de cette nouvelle proposition ?

En première approche, un tel système devrait convenir aux Etats, puisqu’il permet à chacun, pro-OGM comme anti-OGM, de suivre ses propres convictions. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la Commission l’a proposé, lasse qu’elle était de se faire blâmer de tous les maux par les uns et les autres.

En marge des Etats, d’autres acteurs se mobilisent contre la politique de la Commission en matière d’OGM. L’association Greenpeace compte se fonder sur le nouveau droit d’initiative citoyenne prévu par le traité de Lisbonne pour faire cesser les autorisations européennes. Le département du Gers, en association avec d’autres régions européennes, compte saisir la cour de justice pour empêcher cette fois la commercialisation de variétés OGM.


Mais cela n’a pas fonctionné comme elle l’espérait, et les ministres de l’Agriculture, réunis au Conseil pour discuter de la proposition pour la première fois, lui ont réservé un accueil très mitigé. Une dizaine d’Etats, France et Italie en tête, ont refusé l’abandon d’une approche commune. Pour le ministre français Bruno Le Maire, autoriser un tel cas par cas serait “un mauvais signal adressé aux citoyens européens et un mauvais signal pour la Politique agricole commune” . Une opinion partagée par nombre de ses partenaires, y compris des pays traditionnellement pro-OGM comme l’Espagne.

Outre le risque de “renationalisation de la PAC” que certains cherchent à éviter à tout prix, d’aucuns voient une potentielle violation des règles de l’OMC (précisément de l’accord international sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires) dans le fait de pouvoir interdire sans raison solide l’accès à son sol aux OGM.

Enfin, des arguments d’ordre économique rentrent probablement en ligne de compte. Le fait que certains Etats puissent cultiver des OGM et d’autres non pose des enjeux de compétitivité. Il est compréhensible que les Etats opposés aux OGM préfèrent conserver la possibilité de bloquer en amont les autorisations sur l’ensemble du territoire européen. En effet, avec ces changements, bien qu’il deviendrait plus facile pour les Etats de bloquer la culture d’OGM sur leur propre sol, ils ne pourraient pas empêcher d’autres Etats de l’autoriser.

Si un premier échange de vues à eu lieu entre les ministres de l’agriculture, ce seront aux ministres de l’environnement de se mettre d’accord sur le texte.

En quoi le processus d’autorisation des OGM est-il contesté ?

De nombreuses voix s’élèvent contre le processus d’autorisation de l’EFSA. Dès 2008, la Présidence française avait demandé à l’EFSA de se réformer : l’autorité ne prend pas assez en compte les arguments de type environnementaux, et n’effectue pas un suivi suffisant une fois la semence autorisée, avait-elle soutenu. A ce propos, l’agence doit publier de nouvelles lignes de conduite d’ici novembre.

La méthode de travail de l’EFSA est également mise en cause. Pour autoriser une semence, celle-ci se contente de contrôler la validité des fondements scientifiques des analyses fournies par les semenciers, me ne conduit pas d’expertise indépendante.

Enfin, certains comme Cécile Duflot dénoncent la “porosité” entre l’industrie agro-alimentaire et le personnel de l’EFSA. José Bové s’est pour sa part ému du fait que la présidente de l’agence avait dissimulé son passé dans l’agrobusiness, un “conflit d’intérêt scandaleux” pour l’eurodéputé.

En savoir plus :

Frederic Vincent : “L’Europe n’est pas encore une terre d’OGM !” - Touteleurope.eu

OGM : de nouvelles variétés autorisées sur le territoire de l’Union - Touteleurope.eu

Questions et réponses sur la nouvelle approche de l’UE à l’égard de la culture des OGM - Commission européenne

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