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La politique spatiale européenne : histoire, objectifs, programmes

Souvent citée comme un succès, la fusée Ariane n’est pas la seule réalisation européenne dans le domaine spatial. L’UE et ses Etats membres ont mis en place cinq programmes pour concrétiser l’Europe de l’espace.

Les satellites dans l'espace sont utilisés pour les transports, les télécommunications mais aussi pour mieux connaître la Terre grâce aux services d'observation
Les satellites dans l’espace sont utilisés pour les transports, les télécommunications mais aussi pour mieux connaître la Terre grâce aux services d’observation - Crédits : NicoElNino / iStock

Un bref historique

En 1965, la fusée Diamant envoie dans l’espace le premier satellite français, nommé Astérix. Après l’URSS et les Etats-Unis, la France devient ainsi le troisième pays au monde à mettre en orbite son propre satellite au moyen d’un lanceur (la fusée) lui-même conçu dans l’Hexagone. D’autres Etats européens, tels que le Royaume-Uni, l’Italie et l’Allemagne de l’Ouest, accélèrent également leurs programmes spatiaux dans les années 1960. Un enjeu stratégique en période de Guerre froide, tant leurs applications civiles (météo, communications,…) et militaires (renseignement, missiles balistiques…) sont importantes. C’est également un enjeu symbolique majeur, la conquête spatiale permettant aux blocs capitaliste et communiste de matérialiser aux yeux du monde leur réussite, et par extension leur supériorité idéologique.

A côté de cette course aux étoiles entre Etats, la coopération européenne émerge peu à peu dans le domaine spatial. Deux institutions européennes, créées au début de la décennie 1960, jettent les bases d’une Europe de l’espace : le Conseil européen de recherches spatiales (CERS) et le Centre européen pour la construction de lanceurs d’engins spatiaux (CECLES).

Le premier met au point une série de satellites, qui seront lancés par la NASA américaine. Il connaît une réussite plus franche que son double : à partir de la fin des années 1960, la fusée Europa développée dans le cadre du CECLES subit plusieurs revers. En 1971, un étage de la fusée Europa II explose et celle-ci termine sa course dans l’océan Atlantique. Alors que tous les lancements complets s’étaient soldés par des échecs, cet ultime essai raté a raison du projet. Les deux institutions européennes fusionnent en 1975 au sein d’une nouvelle Agence spatiale européenne (ESA).

Celle-ci confie au Centre national des études spatiales (CNES), sous la houlette de la France, le célèbre programme Ariane. Le 24 décembre 1979, la nouvelle fusée Ariane 1 décolle de Kourou, en Guyane, marquant une nouvelle étape décisive dans la politique spatiale européenne. Le programme et ses générations successives de lanceurs deviennent un modèle, souvent cité en exemple, de la coopération entre Etats en matière d’espace.

L’Agence spatiale européenne (ESA) n’est pas une institution de l’UE. Elle comporte 22 Etats membres (France, Allemagne, Italie, Autriche, Belgique, République tchèque, Estonie, Finlande, Roumanie, Suède, Irlande, Hongrie, Grèce, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Danemark, Portugal, Suisse, Espagne et Royaume-Uni). La Slovénie, la Lituanie et la Lettonie sont des membres associés et cinq pays ont des accords de coopération avec l’agence (Bulgarie, Croatie, Chypre, Malte, Slovaquie). Basée à Paris, son budget pour l’année 2022 est de 7,15 milliards d’euros.

La Commission européenne a son propre organe décentralisé : l’Agence de l’Union européenne pour le programme spatial (EUSPA). C’est elle qui est notamment chargée de la mise en œuvre des objectifs européens ainsi que de l’exploitation de plusieurs projets dans le domaine de l’espace. L’UE et l’ESA signent ensemble des accords pour mieux définir leurs missions.

Objectifs de l’Union européenne

Le traité de Lisbonne, signé en 2007, fait de l’espace une véritable politique européenne dont la compétence est partagée avec les Etats membres. L’article 189 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) fixe ainsi trois priorités : favoriser le progrès scientifique et technique, la compétitivité industrielle et la mise en œuvre des politiques de l’UE. “À cette fin, elle peut promouvoir des initiatives communes, soutenir la recherche et le développement technologique et coordonner les efforts nécessaires pour l’exploration et l’utilisation de l’espace”, précise le traité.

Un programme spatial renouvelé et unifié a été défini pour la période 2021-2027. Avec son nouveau règlement, adopté en avril 2021, il ambitionne de poursuivre une série d’objectifs :

  • Fournir des données de qualité, susceptibles de soutenir les priorités de l’UE, notamment dans les domaines du changement climatique, des transports et de la sécurité ;
  • Promouvoir le développement économique des PME et des start-up du secteur, en amont, et la réutilisation des données fournies par les programmes de l’UE, en aval ;
  • Renforcer l’autonomie stratégique européenne et la place de l’Europe dans la diplomatie spatiale mondiale ;
  • Renforcer la sécurité et la viabilité des missions spatiales, par exemple en assurant une meilleure élimination des déchets en orbite.

Les composantes de ce programme de l’UE doivent par ailleurs répondre aux objectifs du Pacte vert et de la transition numérique sur le continent. Thierry Breton, actuel commissaire européen au Marché intérieur, est en charge de la politique européenne de l’espace.

Les 5 composantes du programme spatial européen

En partenariat avec l’Agence spatiale européenne, l’UE a mis au point une série de grands programmes destinés à développer son influence au-delà de la stratosphère.

Considéré comme le système de radionavigation le plus précis au monde, Galileo est l’équivalent européen du fameux GPS américain. Opérationnel depuis 2016, il est formé d’une constellation de 26 satellites en orbite autour de la Terre qui permettent une géolocalisation au mètre près, avec l’objectif d’aller jusqu’à 20 cm. Cette fonction est utilisée pour de nombreuses applications, comme dans les transports routier ou ferroviaire et même pour le sauvetage et la recherche de personnes en détresse, notamment en mer. Aujourd’hui, environ 2,4 milliards de smartphones compatibles avec Galileo ont été vendus dans le monde. Une nouvelle génération d’engins spatiaux, au nombre de 12, doit commencer à être lancée d’ici à 2030, afin de moderniser cette infrastructure.

Complétant les services de Galileo, plusieurs satellites européens forment EGNOS, un système de navigation par recouvrement géostationnaire. Derrière cette expression mystérieuse se cache un principe simple : EGNOS améliore et corrige les signaux envoyés par les services de géolocalisation, dont ceux de Galileo, afin d’affiner leur précision. Il est opérationnel depuis 2009.

Autre programme européen majeur, Copernicus est un système civil d’observation de la Terre. Grâce à ses “Sentinelles”, il récolte et analyse des données sur l’état de la planète dans cinq grands domaines : la composition de l’atmosphère, les milieux marins et terrestres, les effets du changement climatique, la sécurité – dont la surveillance des frontières – ainsi que la gestion des urgences. Copernicus propose un service gratuit et libre d’utilisation, pour les entreprises par exemple.

Le programme de surveillance de la situation spatiale (SSA) est destiné quant à lui à s’assurer que les activités extra-terrestres sont sûres et viables. C’est une forme de gestion du trafic dans le ciel. Il vise notamment à réaliser un inventaire européen des objets dans l’espace et évalue les risques de collisions entre les différents véhicules spatiaux, leurs débris et les géocroiseurs, ces éléments naturellement présents dans le système solaire qui peuvent approcher de la Terre. Cette surveillance inclut l’observation des phénomènes météorologiques tels que les éruptions solaires. Le programme doit ainsi garantir, entre autres, la sécurité des satellites de Galileo et de Copernicus. Grâce à lui, la Commission estime que plus de 430 collisions ont été évitées en 2021.

Enfin, une initiative de télécommunications gouvernementales par satellite (Govsatcom) ambitionne de fournir un service sécurisé de communication. Utile pour des opérations militaires ou sensibles sur le plan de la sécurité, Govsatcom est par exemple prévu pour des moments où certains réseaux seraient coupés dans des circonstances exceptionnelles, comme en cas de catastrophes naturelles ou de cyberattaques.

Le programme spatial européen est doté d’une enveloppe financière de 14,9 milliards d’euros pour la période 2021-2027. Un montant en augmentation par rapport au dernier cadre financier pluriannuel 2014-2020, qui fixait les investissements de l’UE dans l’espace à 11 milliards.

Le budget de Galileo et EGNOS de 2021 à 2027 est établi à 9 milliards d’euros, contre 5,4 milliards pour le programme Copernicus. Sur la même période, 440 millions ont été attribués à la SSA et Govsatcom.

Pour 2021 et 2022, un fonds d’investissement à destination des entreprises et des start-up du secteur a par ailleurs été mis en place. Nommé “Cassini”, il finance l’innovation technologique mais propose aussi des partenariats entre petites et grandes sociétés ainsi que des tests de nouveaux produits dans l’espace. Il est doté d’1 milliard d’euros.

En 2020, la France était le troisième pays du monde, derrière les Etats-Unis et la Russie, en termes de budget consacré à l’espace (en pourcentage du PIB). Elle est par ailleurs la première contributrice au budget de l’Agence spatiale européenne (ESA), avec un quart de ses financements nationaux (1,2 milliard d’euros sur 4,8 milliards).

Une nouvelle ambition pour l’Europe de l’espace ?

Si les traditionnels concurrents étatiques de l’Europe demeurent, de nouveaux acteurs ont émergé ces dernières années. Des entreprises privées, dont la plus célèbre SpaceX dirigée par Elon Musk, se sont saisies des potentiels économiques de l’espace. Le coût de lancement des satellites a diminué et la société américaine est parvenue à faire revenir sur Terre des éléments des fusées, ouvrant la voie à la réutilisation des lanceurs. De son côté, le Vieux Continent prévoit de tester le nouveau lanceur Ariane 6 début 2023 ainsi qu’un premier vol pour la fusée Vega-C cette année. Les Européens souhaitent par ailleurs mettre au point un lanceur partiellement réutilisable, à l’image du projet Maïa Space, une fusée légère dont l’objectif de mise en orbite a été fixé à 2026.

Deux autres grand projets européens ont été dévoilés le 15 février 2022. La Commission compte ainsi mettre en place une nouvelle constellation de plusieurs centaines (voire milliers) de satellites afin d’améliorer la connectivité et l’accès à internet. Le dispositif permettra également d’assurer la poursuite du service en cas de cyberattaque. “Notre nouvelle infrastructure fournira un accès internet à haut débit, servira de secours à notre infrastructure internet actuelle, augmentera notre résilience et notre cybersécurité, et fournira une connectivité à l’ensemble de l’Europe et de l’Afrique”, a résumé le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton. Le coût total de cette initiative est estimé à 6 milliards d’euros. L’UE, les Etats membres et le secteur privé contribueront au financement de ce projet, qui doit atteindre sa pleine capacité en 2028.

Si les automobilistes ont un code de la route, les puissances de l’espace devraient également suivre des règles de circulation. Voilà en somme l’esprit de la deuxième initiative de la Commission européenne : une approche commune en matière de trafic spatial. L’exécutif européen estime que plus d’un million de débris mesurant entre 1 et 10 centimètres sont actuellement en orbite autour de la Terre. Elle souhaite ainsi renforcer les capacités technologiques de l’UE pour identifier et suivre les engins et débris spatiaux qui gravitent autour de notre planète. Une approche qu’il s’agit de définir à 27, en partenariat avec les acteurs de l’économie spatiale, avant de l’envisager au niveau international ensuite. 

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