Touteleurope.eu est le site pédagogique de référence sur les questions européennes : Qui sommes-nous ?

Logo Toute l'Europe

La Commission européenne lance un plan d'action pour l'industrie sidérurgique

Onze ans après l’expiration du traité CECA, que reste-il de la politique industrielle européenne de l’acier ? Face à la crise grave que traverse le secteur sidérurgique, la Commission a présenté mardi une série de mesures destinées à soutenir la filière. Les détails de ce plan d’action global pour l’acier sont ambitieux mais restent à préciser. Un impératif de clarté qu’Antonio Tajani, vice-président de la Commission européenne chargée de l’industrie, s’est tâché de remplir lors d’une conférence de presse mercredi.

Stimuler la demande pour soutenir l’offre

Avec la récession, les entreprises demandeuses d’acier ont largement diminué leurs carnets de commande. Les industries automobiles et le secteur du bâtiment ont joué à la baisse sur la demande mondiale d’acier, par conséquent l’industrie sidérurgique se retrouve en situation de surproduction. Les stocks ne s’écoulant pas, le prix sur le marché baisse et les industriels sont contraints de procéder à des plans sociaux et des réductions d’effectifs pour éviter de faire chauffer les fourneaux “dans le vide” . Selon des estimations de la Commission, la demande d’acier en Europe a diminué de 27% entre 2007 et 2011, tandis que 10% des travailleurs du secteur ont perdu leur emploi sur la même période. Au total, 40 000 emplois auraient disparu dans le secteur depuis cinq ans.

Ce contexte particulièrement difficile motive la Commission à investir et soutenir les industries demandeuses d’acier. Le secteur automobile sera ainsi subventionné dans le cadre de “Cars 2020” , une initiative de la Commission cherchant à stimuler la demande de véhicules fonctionnant sans essence. La construction durable, et plus précisément la rénovation du parc immobilier existant, devraient également être soutenues.

Simplifier le cadre règlementaire et investir dans la formation

“La Commission est déterminée à recenser les charges excessives, les incohérences, les lacunes et les mesures inefficaces” . A la fin de l’année, l’exécutif européen devrait avoir achevé l’évaluation des coûts administratifs pour le secteur de l’acier, avant un probable allègement des procédures en 2014. Le contrôle du cadre règlementaire régissant le secteur de l’acier devrait également être revu et amélioré, dans le but de lutter contre le marché clandestin des produits sidérurgiques et les diverses fraudes à la TVA.

Avant le “plan Tajani” , Etienne Davignon avait lui aussi mis en œuvre un plan pour redynamiser l’industrie sidérurgique. En 1977, l’ancien commissaire européen chargé du marché intérieur et des affaires industrielles proposait un contingentement des livraisons d’acier, une fixation de prix minima et l’instauration d’un système de licences d’importation afin de lutter contre la surproduction d’acier dans l’UE et la baisse des prix sur le marché.

En outre, la Commission cherche aussi à rassurer les ouvriers du secteur, par une série de mesures qui restent encore à définir avec précision. Parmi elles, l’exécutif européen demande aux Etats membres de renforcer les programmes d’apprentissage et de formation continue, ainsi que de conclure des alliances interétatiques dans le cadre du programme “Erasmus pour tous” . La création d’un “conseil européen des compétences pour l’industrie sidérurgique” est également dans les cartons. Enfin, la Commission s’engage à intervenir personnellement dans les cas de fermeture et de restructuration d’usines, par la création d’une “taskforce interservices” .

L’UE s’engage contre le protectionnisme

Le vice-président de la Commission avait beau se défendre de toute dérive protectionniste, les mesures présentées dans le plan d’action pour la sidérurgie s’en rapprochent parfois. “L’industrie sidérurgique a un avenir prometteur […], elle constitue un secteur stratégique important pour l’Europe et un moteur de croissance” , a déclaré Antonio Tajani. Mais cet avenir doit bel et bien être garanti par un contrôle du respect des règles par l’ensemble des acteurs du marché. Car l’UE cohabite avec des Etats moins scrupuleux du respect des principes édictés par l’OMC et les autorités de régulation de la concurrence. L’Inde, la Chine ou encore la Russie observent des restrictions à l’exportation, tandis que les Américains et à nouveau les Chinois appliquent des politiques de préférence nationale dans l’octroi des marchés publics.

20%. D’ici à 2020, la part du secteur industriel dans le PIB de l’Union devrait avoir atteint voire dépassé les 20%. Actuellement, l’UE est le deuxième plus grand producteur d’acier au monde, avec une production avoisinant 177 millions de tonnes d’acier annuel. 11% de l’acier mondial est produit sur le Vieux continent.

Ces restrictions des échanges fragilisent l’industrie européenne et assurent des avantages déloyaux aux secteurs sidérurgiques des pays tiers. Pour lutter contre celles-ci, la Commission européenne brandit la menace des instruments de défense commerciale, qui passe notamment par l’ouverture d’enquêtes et la possibilité de sanctions vis-à-vis des pays qui enfreignent les règles. C’est le cas en ce moment avec les tubes en acier chinois.

Présent lors de cette conférence de presse, le ministre français du redressement productif Arnaud Montebourg a réaffirmé son soutien envers les actions de la Commission qui cherchent à lutter contre les politiques de concurrence déloyale. Il a cependant taclé l’exécutif européen, estimant que celui-ci ne devait pas “discuter puis sanctionner” les Etats tiers mais au contraire “sanctionner puis discuter” avec ces derniers. “La Commission arrive comme la cavalerie américaine, c’est-à-dire trop tard” , a-t-il ainsi asséné.

Le ministre s’est aussi exprimé sur la question des coûts de l’énergie pour l’industrie sidérurgique, à propos desquels il considère qu’un effort en matière d’efficacité énergétique et la diversification de l’approvisionnement (avec en trame de fond l’exploitation du gaz de schiste) sont indispensables à la bonne santé du secteur. Eprouvant une vive mésentente avec les Etats membres qui souhaitent voir assouplies les règles environnementales appliquée aux industries, M. Montebourg a plaidé pour un recentrage du débat autour de la question d’une taxe carbone aux frontières de l’UE. Pas sûr que ce dispositif plaise à l’OMC, qui doit surveiller avec attention les dernières évolutions du différend UE-Chine et le lancement de ce plan pour la sidérurgie européenne, dont les tendances protectionnistes inquiètent déjà les partenaires commerciaux de l’Union.

Quitter la version mobile