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L’UE agit pour la transparence bancaire et fiscale

Les révélations de l’ICIJ l’ont montré récemment : l’évasion et la fraude fiscales sont deux fléaux majeurs pour la communauté internationale. Depuis une dizaine d’années, et surtout depuis 2009 et le renforcement de la directive sur la transparence de l’épargne bancaire, l’UE et ses vingt-sept membres se sont engagés pour une transparence accrue des systèmes fiscaux de chaque Etat membre, ainsi que dans les échanges intra-communautaires d’information bancaire.

L’extension progressive d’un système d’échanges d’informations à l’échelle communautaire

En 2005, les vingt-cinq puis vingt-sept Etats membres de l’UE appliquent la directive dite “Epargne”, qui impose à leurs ressortissants de déclarer le montant de leurs épargnes placées à l’étranger ainsi que les intérêts perçus par ces derniers. Si un Etat refuse, comme c’est le cas pour l’Autriche et le Luxembourg, il s’engage à prélever une retenue à la source, directement sur les intérêts perçus par ses ressortissants, puis de reverser ce montant aux autres Etats membres. Cette mesure a rapidement manqué d’efficacité, du fait de son champ d’application trop mince, qui permettait aux contribuables de facilement contourner la législation européenne, et donc l’impôt.

La frontière entre évasion et fraude fiscale est mince, ce qui explique en partie la difficulté pour les Etats membres de sanctionner les contrevenants.
L’optimisation fiscale consiste à profiter des différences de fiscalité entre les différents pays du monde pour investir ou placer son argent. Cette pratique est légale si elle est déclarée.
L’évasion fiscale est illicite mais pas illégale. Elle fait l’objet d’une définition assez floue, puisqu’elle concerne les activités d’optimisation fiscale menées “sans supercherie” . Ces pratiques sont contraires à l’esprit des lois fiscales nationales, mais pas explicitement à celles-ci.
En revanche, la fraude fiscale est illégale car elle consiste elle aussi à minimiser le niveau d’assujettissement à l’impôt, en contrevenant directement à certaines dispositions des lois nationales relatives au pays dans lequel l’argent est placé.

Source : Administration fiscale américaine, Commission européenne

Renforcée en 2009, cette directive épargne, toujours en vigueur aujourd’hui, a vu son champ d’application élargi. Ainsi, un système d’échange automatique d’informations entre les différents Etats membres s’est systématisé pour les produits d’épargne, d’assurance-vie et de créances. L’Autriche et le Luxembourg, qui ont refusé de transmettre automatiquement ces données, préfèrent appliquer une taxe de 35% à la source, qu’ils reversent ensuite aux pays dont les ressortissants impliqués sont issus. La Suisse, pays tiers, applique également cette mesure, dans le cadre d’un accord bilatéral signé avec l’UE.

Depuis le mois de janvier 2013, et l’entrée en vigueur d’une directive portant sur la coopération administrative dans le domaine fiscal, un Etat membre ne peut plus refuser à un autre Etat membre de lui communiquer des informations bancaires relatives aux comptes et activités d’un ressortissant du deuxième Etat membre, qu’il possède dans le premier. Cette mesure contraignante, qui s’applique à l’ensemble des taxes et impôts hors TVA, met un terme, selon la Commission, au secret bancaire.

Mais ces transmissions d’informations n’ont pas un caractère automatique, car un Etat a le droit de ne pas divulguer celles-ci à un autre Etat, tant que celui-ci ne lui a pas explicitement demandé. Il est donc rare qu’un particulier ou une entreprise soit inquiété par les services fiscaux pour des actifs et activités hors épargne, assurance-vie et créances, possédés à l’étranger.

Le “Fatca” européen, étape suivante dans le processus progressif d’échange automatique d’informations

Après les révélations de l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ), dévoilées dans plus d’une trentaine de journaux européens depuis le 5 avril, certains pays de l’UE ont ouvertement revendiqué leur désir de voir appliquer une législation communautaire équivalente au Facta américain. Cet acte impose aux Etats tiers abritant des comptes américains à livrer automatiquement au fisc des informations bancaires sur les activités extraterritoriales de ses ressortissants.

Mardi 9 avril, les cinq plus grosses économies européennes ont appelé, dans une lettre conjointe adressée au Commissaire chargé de la fiscalité et de la lutte anti-fraude, Algirdas Šemeta, à agir rapidement et à proposer une directive systématisant pour l’ensemble des produits financiers l’échange automatique d’informations bancaires entre Etats membres. Ils appellent en somme à l’application d’un “Fatca” européen, ce afin de diminuer le nombre de fraudeurs fiscaux. L’initiative a été saluée par le commissaire, qui avait avoué lundi 8 avril son intention de mener de manière urgente “une action plus importante et efficace contre l’évasion fiscale” .

Si l’Autriche bloque actuellement les négociations pour la mise en place d’un Fatca européen, son veto ne devrait pas durer plus de quelques mois. Actuellement en négociation avec les Etats-Unis pour la signature d’un accord bilatéral sur la base du “Fatca” américain, la position autrichienne pourrait être court-circuitée par une disposition des traités européens. La clause de la nation la plus favorisée pourrait en effet obliger l’Autriche à appliquer aux vingt-six Etats membres la même politique d’échange automatique d’informations qu’elle devrait mener avec les Etats-Unis, pays tiers vis-à-vis de l’UE.

La publication de cette lettre a en revanche suscité l’ire de l’Autriche, de plus en plus isolée dans ces négociations portant sur la fiscalité. Actuellement, le pays est le seul à s’opposer ouvertement à la mise en place de cette automatisation de l’échange d’informations, tandis que le Luxembourg, qui tient à protéger ses places financières, a récemment soutenu l’application d’une mesure équivalente au “Fatca” européen.

Aller de l’avant dans la lutte contre les paradis fiscaux et la fraude

Si la mise en place du “Fatca” européen attire toute l’attention, quelques jours avant un conseil ECOFIN où la décision pourrait être entérinée, la Commission européenne souhaite poursuivre ses efforts dans la lutte anti-fraude. Lancées en décembre 2012, deux recommandations de l’institution ont eu pour but de motiver les Etats membres à se saisir du dossier des paradis fiscaux. La Commission a appellé d’une part les vingt-sept à établir une définition et des critères communs, afin de pouvoir établir une liste noire européenne des paradis fiscaux. Ces critères, dits de “bonne gouvernance fiscale” , doivent être adoptés à l’unanimité par les vingt-sept. Cette mesure rentre dans le cadre de politiques dites de “naming & shaming”, qui permettent d’exercer une pression symbolique importante sur les pays visés, afin que ces derniers modifient leurs législations.

L’étiquette de juridiction non-coopérative, plus communément appelée “paradis fiscal” , pourrait être attribuée, par l’UE, à certains pays en fonction de trois critères : le degré de transparence, la quantité et la qualité des échanges d’informations avec l’extérieur, et surtout la présence ou non d’un régime fiscal considéré comme créateur d’une forme de concurrence déloyale. C’est ce troisième critère qui différencierait la liste noire européenne, établie sur ces bases, et la liste établie par l’OCDE, qui se base uniquement sur les deux premiers.


D’autre part, elle demande aux Etats membres de revoir, et éventuellement de modifier, les accords bilatéraux signés avec d’autres Etats, européens ou tiers, afin d’éviter des phénomènes de double non-imposition. Les entreprises et particuliers profitent en effet de certains manquements dans les législations nationales de plusieurs Etats pour ne payer aucune taxe ou impôt, par l’utilisation d’intermédiaires intra- ou extra-communautaires par exemple.

Parmi d’autres mesures envisagées, celle d’une plateforme de bonne gouvernance, permettant à la société civile de participer au débat et ainsi d’apporter de nouvelles perspectives et propositions dans le domaine de la fiscalité. La création d’un numéro d’identification fiscal européen, afin d’améliorer la compréhension des différents systèmes fiscaux nationaux par les ressortissants des vingt-sept, est également dans les cartons.

Selon Algirdas Semeta, le chemin est encore long, mais l’UE a toutes les cartes en main pour lutter efficacement contre l’évasion et la fraude fiscales. Reste à trouver un terrain d’entente entre les vingt-sept, ainsi qu’une application au niveau international, par des accords bilatéraux notamment, de ces mesures de transparence, afin que l’effort mis en œuvre ne soit pas altéré par des déplacements massifs de capitaux vers des places financières asiatiques ou sud-américaines, avec lesquelles les Etats européens n’ont pas encore signé d’accord d’échange d’informations.



En savoir plus

Lutte contre la fraude et l’évasion fiscales - Commission européenne

Tax Evasion and Avoidance : Questions & Answers - Commission européenne/en

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