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L’euro fête ses 15 ans : quel bilan et quel avenir ?

Le 1er janvier 2002, arrivait l’euro. Une véritable révolution monétaire et sociétale prévue par le traité de Maastricht de 1992. Quinze ans plus tard, alors que la monnaie unique européenne est parfaitement rentrée dans les mœurs et que l’attachement des Européens à son égard est réel, les critiques demeurent vivaces, alimentées par les effets durables de la crise économique et financière. Menacé, l’avenir de la zone euro dépend aujourd’hui d’une refonte rapide et profonde de son fonctionnement.

L'euro fête ses 15 ans

Ils étaient 12, le 1er janvier 2002 à se lancer dans l’aventure de l’euro. Par ordre alphabétique : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Portugal. Au sein de l’Union européenne, qui ne comptait à l’époque “que” 15 Etats membres, seuls le Danemark, le Royaume-Uni et la Suède - qui n’ont pas changé d’avis depuis - avaient préféré conserver leurs monnaies nationales.

Envisagée dès 1969 et formellement prévue par le traité de Maastricht de 1992, que les Français n’ont approuvé par référendum qu’à 51,04% et qui a instauré le Marché unique et les quatre libertés de circulation, l’établissement, “à terme” d’une monnaie unique européenne a ainsi pris dix ans. Une période au cours de laquelle, sous la houlette de Jacques Delors alors président de la Commission européenne, est créé l’Institut monétaire européenne (1994), et sont fixés de manière irrévocable les taux de change nationaux vis-à-vis de l’euro (1999). Les objectifs ? Eliminer les fluctuations et les frais de change, favoriser la coopération toujours plus étroite entre les Etats membres, et réduire les disparités économiques entre ces derniers.

Critères de convergence

En vue de l’adoption de l’euro, le traité de Maastricht prévoit cinq critères de convergence, que les pays sont tenus de respecter. Le premier concerne le taux d’inflation, qui “ne doit pas dépasser de plus de 1,5 point celui des trois Etats membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix” . Les deuxième et troisième prévoient que le déficit public et la dette publique doivent être respectivement inférieurs à 3% et 60% du PIB. Quatrièmement, jusqu’à l’adoption de l’euro, la dévaluation des monnaies nationales est interdite. Enfin, le cinquième critère stipule que les taux d’intérêt à long terme ne peuvent “excéder de plus de 2% ceux des trois Etats membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix” .

A cet égard, le respect de ces cinq critères ne sera pas une formalité pour l’ensemble des pays. En 1995, la France sera en effet contrainte de procéder à une politique de rigueur pour les satisfaire, entraînant l’impopularité du gouvernement Juppé. Pour sa part, la Belgique a été admise sans que son niveau de dette publique soit en deçà des 60% de PIB. Quant à la Grèce, le pays ne devait simplement pas faire partie du premier wagon d’adhésion à la zone euro. Outre une dette dépassant déjà les 100% du PIB, le gouvernement grec, avec l’indulgence des autorités européennes, sous-évaluera en effet sciemment l’ampleur de son déficit. A la faveur de ces chiffres favorables et donc erronés, le pays sera finalement admis à adopter l’euro en 2001.

Depuis, sept nouveaux pays, issus du grand élargissement de 2004, ont rejoint la zone euro. Par ordre chronologique, il s’agit de la Slovénie (2007), de Chypre et Malte (2008), de la Slovaquie (2009), de l’Estonie (2011), de la Lettonie (2014) et de la Lituanie (2015). De fait, si une clause de non-participation a été accordée au Danemark, au Royaume-Uni et la Suède, tous les nouveaux membres de l’Union européenne depuis 2002 doivent, dès que leurs performances économiques seront jugées suffisantes, adopter la monnaie unique.

Soutien de 70% des Européens

Changement majeur dans la vie quotidienne de plus de 300 millions d’Européens, l’arrivée de l’euro s’est accompagnée, de manière prévisible, d’inquiétudes, dont celle, durable, d’une baisse du pouvoir d’achat. Une tenace idée reçue qui fait sa réapparition à intervalle régulier depuis 2002, notamment lors des campagnes pour les élections européennes. Mais comme LCI a encore essayé de le démontrer le 2 janvier dernier, il n’en n’est rien. S’appuyant sur le prix de la baguette de pain, la chaîne d’information en continu explique que si le prix de ce bien de première nécessité a bien augmenté, en France, de 30% entre 2001 et 2017, les consommateurs doivent toujours travailler 3 minutes pour l’acheter. “L’euro n’est pas responsable de l’augmentation des prix en France” , confirme l’économiste Christian de Boissieu. “La volatilité des prix du pétrole” par exemple est un facteur beaucoup plus important en la matière.

Un sentiment négatif à l’égard du renchérissement supposé du coût de la vie qui ne se répercute toutefois pas de manière décisive sur l’attachement des Européens à la monnaie unique. En atteste le dernier Eurobaromètre publié en novembre 2016 indiquant que 70% des personnes interrogées sont favorables à l’euro, un record. Le taux de satisfaction d’appartenir à une union économique et monétaire avec une seule monnaie culmine même à 87% au Luxembourg et dépasse les 70% dans 13 Etats membres de la zone euro sur 19. L’Italie, actuellement en proie à d’importantes difficultés économiques, est le pays où ce taux de satisfaction est le plus faible (53%) ; celui de la France se situant à 68%.

Renforcé par le choix des Britanniques de sortir de l’Union européenne et ses conséquences encore incertaines, le souhait des Européens de conserver l’euro est néanmoins menacé par les effets négatifs encore visibles de la crise économique et financière de 2008. En cause : les politiques économiques restrictives défendue par la Commission européenne, notamment en Europe du Sud, ainsi que le creusement des disparités économiques entre les Etats membres. Dit autrement, contrairement à ce que l’apparition de l’euro devait produire, les économies européennes n’ont pas convergé.

D’importants déséquilibres en phase avec les discours populistes

L’Institut Jacques Delors et la Fondation allemande Bertelsmann Stiftung, deux think tanks de centre-gauche et résolument pro-européens, ne disent pas autre chose. Dans un rapport publié conjointement en septembre 2016, les deux organismes sonnent la charge contre l’actuel fonctionnement de la zone euro. “Dans sa forme actuelle, l’Union économique et monétaire n’est pas viable à long terme” , écrivent les auteurs, dont fait partie Enrico Letta, ancien Premier ministre italien et président de l’Institut Jacques Delors. “La crise actuelle l’a poussée à ses limites et la prochaine crise risque de la faire exploser” , poursuivent-ils sans ambages. “L’architecture incomplète de la zone euro n’a pas mené à une convergence et a entrainé d’importants déséquilibres (…) : la participation à une union monétaire a privé les économies nationales de leurs canaux d’ajustement traditionnels, mais n’a pas fourni de remplacement viable” .

Une opinion que partage Christian de Boissieu. “Le traité de Maastricht et le Pacte de stabilité présentent le défaut de n’évoquer que la convergence nominale (inflation, taux d’intérêt, finances publiques) sans rien dire d’engageant sur la convergence réelle (productivité, compétitivité, emploi, croissance” , regrette-t-il. Avant d’ajouter que “le bon fonctionnement de la zone euro dans l’avenir passe par plus de convergence réelle dans la zone, et par le fait de se donner les moyens de gérer la part d’hétérogénéité qui ne peut être éliminée” .

Admis par une très large partie du paysage politique européen, les dysfonctionnements et inaccomplissements de la zone euro sont suffisamment importants pour mettre en danger son avenir. Une situation en forme d’aubaine pour les partis populistes européens dont la rhétorique est volontiers eurosceptique, voire antieuropéenne. Le Front national en France, l’Alternative pour l’Allemagne outre-Rhin, la Ligue du Nord et le Mouvement 5 étoiles en Italie, ou encore le Parti pour la liberté aux Pays-Bas, ont ainsi pour point commun de prôner un retour aux monnaies nationales, censé permettre le redécollage des économies. La possibilité d’à nouveau pouvoir recourir à la dévaluation pour relancer la compétitivité fait à cet égard partie des arguments phares de ces partis, qui tendent au passage à largement minimiser les implications négatives que cela supposerait s’agissant du poids de la dette ou des importations.

Billet de 50 euros

Le billet de 50 euros, le plus répandu en Europe, sera remplacé au printemps prochain afin de mieux lutter contre la contrefaçon. Le billet de 500 euros sera quant à lui supprimé en 2018.

Faire progresser le fédéralisme budgétaire ?

Les moyens de remédier aux imperfections dommageables de la zone euro paraissent toutefois, il est vrai, difficilement atteignables compte tenu des considérables divergences parmi les Etats membres en matière d’orientations économiques. De fait, une majorité d’économistes présentent la nécessité de faire progresser le fédéralisme budgétaire et fiscal au sein de la zone euro. Ne s’élevant à l’heure actuelle qu’à 1% du PIB européen, le budget communautaire ne permet pas, à l’inverse des Etats-Unis par exemple, les transferts publics suffisants pour réduire les disparités et atténuer les chocs économiques.

Régulièrement évoquée, mais jamais mise en œuvre jusqu’à présent, l’idée de créer un impôt européen (en remplacement d’impôts nationaux) rendrait possible cette hausse de la force de frappe budgétaire. Même si cela suggèrerait de mettre un terme à la prise de décision par unanimité et de renforcer le contrôle démocratique - par exemple en créant un Parlement de la zone euro adossé au Parlement européen et aux parlements nationaux - ainsi que les sanctions en cas de non-respect des règles communes.

Des perspectives qui, si elles devraient être difficiles à faire accepter aux Etats membres, pourraient en revanche séduire les institutions européennes. Le rapport dit des “5 présidents” - de la Commission, du Conseil, du Parlement, de la Banque centrale européenne et de l’Eurogroupe - publié en juin 2015 propose en effet des pistes similaires. Parmi celles-ci, la constitution d’un Trésor européen et d’une capacité budgétaire communautaire, ou encore la création d’une représentation externe de la zone euro. Autant de chantiers qui devront immanquablement être ouverts à la suite des élections françaises et allemandes de 2017 afin que la reprise économique puisse se ressentir dans l’ensemble des Etats de la zone euro, et que ces derniers soient mieux à même de résister à une prochaine crise.

Par Jules Lastennet

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