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  • Synthèse

L’espace ferroviaire unique européen

L’ambition européenne d’établir un espace ferroviaire unique n’est pas nouvelle : la Communauté économique européenne s’en est souciée dès la fin des années 1970, face au déclin du rail. L’espace ferroviaire unique envisage donc de redynamiser le secteur en s’attaquant à trois chantiers : le financement et la tarification de l’infrastructure, les obstacles à la concurrence et la surveillance réglementaire.

Améliorer le fonctionnement du secteur ferroviaire à l'échelle européenne revêt une importance cruciale dans le cadre de la lutte contre le changement climatique - Crédits : Enzojz / iStock
Améliorer le fonctionnement du secteur ferroviaire à l’échelle européenne revêt une importance cruciale dans le cadre de la lutte contre le changement climatique - Crédits : Enzojz / iStock
2021, année européenne du rail

Comme l’indique la Commission européenne, le secteur ferroviaire est responsable de moins de 0,5 % des émissions de gaz à effet de serre liées au transport dans l’UE. Promouvoir le rail semble ainsi constituer un moyen approprié pour atteindre les objectifs du Pacte vert européen, qui prévoit une Union climatiquement neutre à l’horizon 2050. C’est pourquoi l’UE a institué 2021 “année européenne du rail”, laquelle prévoit une série d’initiatives, de projets et d’événements pour notamment accroître la part que celui-ci représente dans les échanges et le moderniser. Au menu : développer la mobilité intra-européenne via le réseau ferroviaire, poursuivre son électrification ou encore favoriser l’utilisation de l’hydrogène pour les trains.

Le rail participe activement à la mise en œuvre de la libre circulation des personnes en Europe, l’un des principes fondamentaux de l’UE. Entre 2001 et 2016, quatre paquets ferroviaires ont été adoptés avec pour objectif d’ouvrir petit à petit les marchés des services de transport à la compétition.

L’espace ferroviaire unique européen : une ambition ancienne

La Communauté économique européenne s’inquiète très tôt du déclin du secteur ferroviaire qui, après avoir connu une grande prospérité au cours du 19e siècle et de la première moitié du 20e siècle, commence à décliner à partir des années 1970 en raison de la popularité croissante de l’automobile et du transport aérien. Le rail, monopole naturel des États membres, du fait de l’importance des investissements qu’il nécessite, s’est toujours développé au sein des frontières nationales. Une situation qui a créé un morcellement juridique et technique de l’espace ferroviaire européen.

La lutte contre ce morcellement est initiée par une première directive européenne adoptée en juillet 1991 qui impose la séparation comptable entre le gestionnaire d’infrastructure et l’exploitant ferroviaire. Cette législation ouvre, pour la première fois, un “droit d’accès au réseau ferroviaire” même si ce droit est alors limité aux trains de transport combiné rail/route.

L’ouverture du secteur ferroviaire à la concurrence prend surtout forme par la suite avec l’adoption de trois nouvelles directives en 2001. C’est ce que l’on appelle communément le premier paquet ferroviaire européen.

Les premières législations

Le premier paquet ferroviaire est donc adopté en février 2001. Il instaure une ouverture limitée du fret ferroviaire et comporte :

  • La directive 2001/12/CE du 26 février 2001 qui modifie la directive 91/440/CEE et prévoit l’ouverture à la concurrence du fret sur le réseau trans-européen de fret ferroviaire ;
  • La directive 2001/13/CE du 26 février 2001 qui modifie la directive 95/18/CE du Conseil relative aux licences des entreprises ferroviaires ;
  • La directive 2001/14CE du 26 février 2001 relative à la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, à la tarification de l’infrastructure ferroviaire et à la certification en matière de sécurité.

L’entrée en vigueur de ces directives en 2003 a fortement influencé les modalités de l’exploitation ferroviaire dans l’Union européenne, en actant un pas important vers l’ouverture à la concurrence. Ces directives ont notamment défini des droits d’accès pour les services ferroviaires de fret et de transport de passagers, de même que certaines garanties relatives à la gestion des entreprises ferroviaires pour veiller à ce que tous les concurrents sans discrimination aient accès au réseau. Elles contiennent également des orientations sur l’indépendance des organismes de contrôle nationaux de manière à garantir l’accès non discriminatoire et à surveiller la concurrence sur les marchés ferroviaires.

Les deuxième et troisième paquets ferroviaires

A la suite de l’entrée dans l’Union européenne de dix nouveaux États membres, un deuxième paquet ferroviaire est adopté en avril 2004. Il ouvre à la concurrence le marché du fret ferroviaire européen. Il établit au profit des nouveaux entrants un droit d’accès aux réseaux ferroviaires européens et trans-européens. Il comporte :

  • Le règlement 2004/881/CE du 29 avril 2004 qui crée une agence ferroviaire européenne à Valenciennes, dont la tâche essentielle est de proposer des mesures d’harmonisation progressive des règles de sécurité et d’élaborer des spécifications techniques d’interopérabilité (STI) ;
  • La directive 2004/49 du 29 avril 2004 relative à la sécurité des chemins de fer ferroviaires qui prévoit l’institution dans chaque Etat membre d’une autorité nationale de sécurité et d’un organisme permanent d’enquête sur les accidents ;
  • La directive 2004/50 du 29 avril 2004 relative à l’interopérabilité du système ferroviaire trans-européen à grande vitesse et conventionnel ;
  • La directive 2004/51 du 29 avril 2007 modifiant la directive 91/440/CEE, qui ouvre à la concurrence le transport de marchandises sur l’ensemble du réseau ferroviaire international au 1er janvier 2006 et sur le marché national au 1er janvier 2007.

Le troisième paquet ferroviaire est adopté le 23 octobre 2007. Il prévoit notamment d’ouvrir à la concurrence les services ferroviaires internationaux de voyageurs et d’accélérer l’intégration technique et juridique de l’espace ferroviaire européen. Il comporte :

  • La directive 2007/58/CE du 23 octobre 2007 qui modifie la directive 91/440/CEE et la directive 2001/14/CE pour permettre l’ouverture à la concurrence du transport international de voyageurs ;
  • La directive 2007/59/CE du 23 octobre 2007 relative à la certification des conducteurs de train qui institue une certification au niveau communautaire ;
  • Le règlement 2007/1371/CE du 23 octobre 2007 qui institue un régime unifié des droits et obligations des voyageurs ferroviaires au sein de l’Union européenne.

La nécessaire réforme du paquet ferroviaire

En 2010, près de dix ans après le premier paquet ferroviaire, le bilan concernant les améliorations apportées pour lutter contre le déclin du rail est très négatif. En effet, le transport ferroviaire n’a pas réussi à se hisser à la hauteur des autres modes de transport, en particulier du transport routier. La part du fret ferroviaire a même décru, quand celle du fret routier a augmenté. Les services ferroviaires transnationaux se heurtent toujours à de nombreux obstacles techniques, juridiques et politiques.

En cause particulièrement, les nombreuses divergences entre les réglementations nationales et la mise en œuvre déficiente du premier paquet ferroviaire dans beaucoup d’États membres. À la suite de l’adoption d’une résolution du Parlement européen en juin 2010 sur ce thème, la Commission a traduit treize États membres devant la Cour de justice pour “ne pas avoir correctement mis en œuvre différents volets du premier paquet ferroviaire” . Le manque d’investissements des pays de l’UE dans l’infrastructure ferroviaire, dont la qualité détermine largement la compétitivité du secteur, est un autre sujet de préoccupation. De nombreux États membres ont négligé le financement du rail, alors que, parallèlement, ils soutenaient au maximum l’infrastructure routière.

Au début des années 2010, l’exécutif européen considère notamment que deux obstacles majeurs restent à lever quant au rail :

  • Le niveau d’investissement dans le développement et l’entretien de l’infrastructure ferroviaire, qui demeure insuffisant dans un grand nombre d’États membres. Bien souvent, la qualité de l’infrastructure en place continue de se détériorer ;
  • La concurrence, qui reste limitée par divers facteurs. Le manque de transparence des conditions du marché et le mauvais fonctionnement du cadre institutionnel continuent de rendre la tâche difficile aux nouveaux acteurs qui souhaitent fournir des services ferroviaires concurrentiels.

Après avoir mené une analyse d’impact, l’exécutif européen présente en septembre 2010 une proposition de refonte du paquet ferroviaire dans laquelle il identifie 3 objectifs principaux :

  • Simplifier, clarifier et moderniser le cadre réglementaire en Europe. Cet objectif pourra être atteint en éliminant les références croisées des trois directives et en les restructurant et fusionnant dans un code d’accès ferroviaire unique ;
  • Clarifier certaines dispositions de la législation sur l’accès au réseau ferroviaire en vue de faciliter la transposition correcte et l’application efficace du droit de l’UE dans tous les États membres ;
  • Moderniser la législation en supprimant les dispositions obsolètes et en insérant de nouvelles dispositions qui correspondent mieux au fonctionnement du marché aujourd’hui (nouveaux entrants, détention totale ou partielle de l’infrastructure par l’État, etc.).

Le quatrième paquet ferroviaire européen

En 2016, la Commission européenne propose un nouveau paquet ferroviaire de six textes législatifs afin de compléter le réseau ferroviaire unique européen. Son but est de revitaliser le secteur du rail et le rendre encore plus compétitif vis-à-vis des autres modes de transport. Il comprend deux “piliers” , un technique et un autre relatif au marché.

Le pilier technique, adopté en avril 2016, vise à améliorer la compétitivité du secteur en réduisant les coûts administratifs. Il comporte :

  • Le règlement 2016/796, qui réactualise le règlement de l’agence ferroviaire européenne ainsi que son rôle ;
  • La directive 2016/787, lequel vise à favoriser l’interconnexion et l’interopérabilité des réseaux ferroviaires nationaux en rationalisant et en harmonisant les procédures d’autorisation au niveau de l’Union européenne.
  • La directive 2016/798, qui aborde la question de la sécurité ferroviaire. Celle-ci propose de faire en sorte que tout utilisateur européen puisse bénéficier des mêmes règles ferroviaires en matière de sécurité, quel que soit le pays où il se trouve. L’objectif est également de réduire le nombre de règles nationales, susceptibles d’engendrer une transparence insuffisante et de créer des discriminations parmi les nouveaux opérateurs potentiels.

Le pilier relatif au marché, adopté en décembre 2016, complète le processus d’ouverture graduelle du marché lancé par le premier paquet. Il établit le droit général pour les entreprises dans le secteur du rail de s’installer dans un pays membre pour mettre en œuvre tout type de services de transport de passagers dans l’UE. La concurrence au sein du marché des services ferroviaires de transport de passagers devrait encourager, selon la Commission, les opérateurs à répondre aux besoins des consommateurs, améliorer la qualité de leurs services ainsi que leur rentabilité. Celle-ci devrait aussi permettre d’économiser de l’argent public, de proposer un choix plus large et de meilleure qualité pour les services ferroviaires. Le pilier marché comporte :

  • Le règlement 2016/2338, dont l’objectif est de réguler les procédures de mises en concurrence effectuées par les autorités ;
  • La directive 2016/2370, qui introduit de nouvelles exigences visant à garantir l’indépendance du gestionnaire d’infrastructures en ce qui concerne la gestion du trafic et la planification de l’entretien ;
  • La directive 2016/2337, qui abroge le règlement 1192/69. Ce règlement autorisait les États membres à verser une compensation à 40 entreprises ferroviaires pour les dépenses liées à des obligations que les sociétés d’autres modes de transport ne sont pas tenus de prendre en charge. Avec l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, ce règlement est devenu obsolète.

En décembre 2020, la Commission européenne a présenté sa “stratégie de mobilité durable et intelligente” . Devant contribuer à la réalisation du Pacte vert européen, le programme écologique de la Commission présidée par Ursula von der Leyen, cette stratégie ambitionne de réduire de 90 % les émissions de gaz à effet de serre dues au transport d’ici à 2050. Selon l’exécutif européen, l’achèvement de la mise en œuvre du quatrième paquet ferroviaire, qui doit intervenir en 2021, améliorera le rapport coût-efficacité des services proposés par les opérateurs du secteur. Un rapport dont l’impact écologique fait maintenant partie intégrante.

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