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John Monks : “Le pacte pour l’euro constitue une menace considérable”

John Monks est le secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES). Deux jours avant la nouvelle Euro-manifestation du 9 avril à Budapest, il précise pour Toute l’Europe pourquoi les syndicats européens sont opposés au “Pacte euro plus” récemment adopté par les Etats membres.

Touteleurope.eu : Quelles sont les raisons de votre opposition au pacte euro plus ?

John Monks : Nous nous opposons aux propositions de gouvernance économique adoptées par les chefs d’Etats et de gouvernements la semaine dernière à Bruxelles. En résumé, les salaires, les pensions et prestations sociales deviennent la variable d’ajustement de l’économie européenne à l’avenir.

Parce que les monnaies ne peuvent pas être dévaluées, toute la pression tombe sur les salaires, les pensions et les avantages sociaux, qui sont remis en cause.

L’ajustement d’un pays dont les coûts salariaux sont plus élevés que dans la meilleure économie d’Europe (actuellement l’Allemagne) est ainsi prévue si ce pays ne parvient pas à améliorer rapidement sa productivité, l’amenant à réduire les salaires et les avantages sociaux.

Pour nous, cela constitue une menace de première importance. Les conditions de travail actuelles ont été définies dans la période d’après-guerre, et nous n’allons pas les abandonner sans lutter. Nos manifestations, à Bruxelles la semaine dernière, à Londres, et à Budapest samedi prochain sont centrées sur ce point. Nous protestons vis-à-vis du fait que les travailleurs paient pour la crise des banques. C’est tout simplement inacceptable et injuste, et je pense que cela risque de rendre l’Europe et l’euro très impopulaires auprès des citoyens européens.

Touteleurope.eu : Quelle est votre évaluation de la dernière manifestations de la CES, le 25 et 26 Mars ?

J.M. : La manifestation le 25 mars à Bruxelles a été principalement menée par les syndicats belges, mais il y avait des délégations des pays voisins (France, Pays-Bas, Allemagne, Luxembourg), ainsi que des personnes d’autres pays. Et des délégations de France, Belgique… à la manifestation de Londres le samedi.

En ce qui concerne l’impact de ces manifestations, qui font partie de la campagne générale de la CES… je pense qu’elles ont eu un certain effet, elles ne sont pas complètement inutiles. Par exemple, les propositions conclues par la chancelière Merkel et Nicolas Sarkozy à Deauville il y a quelques mois, qui appellent à la fin de l’indexation des salaires, la baisse des salaires minimum, une pression sur les salaires du secteur public, la retraite à 67 ans… ces propositions sont finalement restées plus vagues qu’à l’origine. Elles n’ont pas disparu, mais elles ne sont plus aussi précises.

La levée de boucliers et l’indignation suscités par les propositions de M. Sarkozy et de Mme Merkel (partagées par d’autres Premiers ministres et chefs d’Etats, par exemple M. Leterme en Belgique) ont eu un impact. Le fait que les syndicats aient été actifs et fait entendre leur voix a été important. C’est une très bonne raison de continuer à manifester : essayer d’obtenir un nouvel affaiblissement de ces propositions. Nous serons à Budapest au moment même de la réunion ECOFIN le 9 avril. Nous avons grand besoin de soulever ces questions auprès de la présidence hongroise de l’Union européenne.

Ainsi, il s’agit d’une bataille longue et difficile, et nous devons maintenir la pression tant que nous pouvons dans tous les pays d’Europe.

Touteleurope.eu : Quelles sont vos propositions ?

J.M. : Il y a un fort degré d’unité entre les syndicats européens. Nous avons besoin de nous appuyer sur cette unité. Le DGB allemand et les syndicats jouent un rôle très important et sont très critiques sur les positions restrictives de leur gouvernement.

Nous souhaitons maintenant voir émerger le côté plus positif de la gouvernance économique. Nous croyons à la gouvernance économique européenne. Nous savons qu’une politique monétaire européenne nécessite des règles économiques.

Une de nos propositions est la taxation des transactions financières sur toutes les spéculations et les échanges sur les marchés financiers, dont une infime proportion est liée au monde réel.

Ensuite, nous demandons aux autorités européennes de mettre en place des euro-obligations, pour régler ensemble la question du financement et réduire les taux d’intérêt de pays comme l’Irlande, la Grèce ou le Portugal. Si l’Europe gère une partie du fardeau, ces taux d’intérêt facturés aux pays en difficulté, éreintés, pourraient baisser.

Troisièmement, nous n’excluons pas de parler de modalités et conditions d’emploi. Mais alors, parlons de la rémunération des dirigeants, de l’augmentation de l’inégalité, du fait que les plus riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent. Le plus choquant reste l’étalage des bonus des banquiers. Mais d’autres dirigeants montrent également un désintérêt égoïste et impardonnable vis-à-vis des conditions de travail, des réductions de salaire, des pertes d’emplois et de l’augmentation du travail précaire.

Touteleurope.eu : Qu’attendez-vous de la prochaine manifestation à Budapest ?

J.M. : Je ne pense pas qu’une seule manifestation puisse changer quelque chose, l’objectif des syndicats est de maintenir la pression et le vacarme. Nous devons montrer que les populations n’acceptent pas ce qui se passe sans réagir.

Nous sommes dans des démocraties : nous faisons entendre notre voix et nous voulons que les responsables nous écoutent. Nous procédons de plusieurs façons, bien sûr avec une campagne de manifestations, mais aussi au sein des couloirs et des salles de réunion de la Commission et du Conseil des ministres.

La semaine dernière, lors du sommet social tripartite, j’ai également plaidé pour des politiques de croissance et non d’austérité en matière de gouvernance économique, l’austerité étant la direction prise à peu près partout en ce moment. Par conséquent, nous jouons un rôle à part entière dans le processus démocratique normal.

En savoir plus

Site de la CES

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