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Europe sociale : quelles sont les grandes mesures adoptées ces dernières années ?

Depuis 2017, l’Union européenne a donné un nouveau souffle à son action sociale en adoptant le socle européen des droits sociaux. Cet ensemble de 20 principes a motivé plusieurs législations à l’impact concret sur la vie des citoyens.

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Dans le domaine social, l’Union européenne a notamment œuvré à faire progresser l’égalité femmes-hommes dans les Etats membres - Crédits : sharrocks / iStock

L’Europe sociale, un vœu pieux ? Depuis plusieurs années, l’Union européenne veut démontrer qu’elle ne se résume pas à son marché unique. Si ses compétences en matière sociale sont limitées, elle a récemment adopté des actes législatifs d’une portée inédite.

Salaires minimums, travail détaché, équilibre entre vie privée et professionnelle, transparence salariale ou encore parité dans les conseils d’administration des grandes entreprises… Autant de sujets qui ont pu avancer ces dernières années. Des progrès faisant notamment suite à l’adoption du socle européen des droits sociaux en novembre 2017. Si le texte n’est pas contraignant, il fixe 20 principes appelés à guider l’action sociale des Etats membres et de l’Union. Ceux-ci sont divisés en trois grands chapitres : “Egalité des chances et accès au marché du travail”, “Des conditions de travail équitables” et “Protection et inclusion sociales”.

En mai 2021, les Vingt-Sept ont adopté un plan d’action proposé par la Commission européenne, précisant les mesures à mettre en place pour faire des principes du socleune réalité. Le plan s’accompagne de trois grands objectifs à atteindre d’ici à 2030. Le premier ambitionne un taux d’emploi d’au moins 78 % pour les 20-64 ans (contre 74,6 % en 2022). Le deuxième fixe pour cible une participation à des activités de formation pour au moins 60 % des adultes chaque année (contre 43,7 % en 2016, dernier taux observé en la matière). Enfin, le troisième vise une diminution du nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale de 15 millions (73,7 millions de personnes dans cette situation dans les Vingt-Sept en 2021). Sur la route de ces objectifs, l’UE poursuit l’instauration de législations sociales, dont voici plusieurs exemples emblématiques de ces dernières années.

Salaires minimums

L’UE ne dispose pas de compétences pour déterminer les montants des salaires minimums dans les Etats membres. Mais elle a souhaité œuvrer pour que cette protection soit la plus efficace possible. C’est pourquoi la Commission européenne a proposé, en octobre 2020, une directive pour favoriser une convergence à la hausse des rémunérations minimales. Il aura fallu près de deux ans pour que les ministres des Vingt-Sept et les eurodéputés trouvent un accord, en juin 2022 sous présidence française du Conseil de l’UE (janvier-juin 2022). Pour Paris, le dossier était une priorité.

Parmi les Etats membres, 22 disposent d’un salaire minimum au niveau national, avec des écarts parfois très conséquents allant de 399 euros mensuels brut en Bulgarie à 2 387 euros au Luxembourg. Dans les autres (Autriche, Danemark, Finlande, Italie et Suède), les rémunérations minimales sont définies par branche via des négociations avec les partenaires sociaux. La directive ne les oblige pas à en instaurer mais vient encourager les négociations collectives dans l’ensemble des Etats membres, partant du constat que celles-ci favorisent de meilleurs salaires.

Des rapports annuels seront présentés au Conseil et au Parlement européen dans lesquels chaque pays fera état des avancées sur la question des rémunérations minimales et la manière dont elle garantit la protection des travailleurs. Les progrès seront également surveillés à travers le semestre européen, outil de coordination des politiques économiques et budgétaires des pays de l’UE.

Réforme du travail détaché

Mis en place en 1996, le travail détaché permet à toute entreprise de l’UE d’envoyer temporairement des salariés dans un autre Etat membre. Problème : jusqu’à une réforme de 2018, les travailleurs détachés étaient souvent payés au salaire minimum du pays d’accueil. Ce qui aboutissait à une concurrence déloyale pour les travailleurs locaux et donc à une forme de dumping social. La modification de la directive a permis de consacrer le principe “à travail égal, salaire égal”.

De plus, les travailleurs détachés bénéficient désormais des mêmes conventions collectives que les salariés des pays d’accueil, et peuvent ainsi toucher les mêmes primes et remboursements qu’eux. La durée du détachement a par ailleurs été limitée à 12 mois. En revanche, une chose n’a pas changé : les cotisations sociales que l’employeur doit verser sont comme auparavant celles de l’Etat membre d’origine des travailleurs, en règle générale bien plus faibles que dans le pays de détachement.

Equilibre vie privée / vie professionnelle

La parentalité peut constituer un facteur d’éloignement du marché du travail. Et ce sont le plus souvent les femmes qui en font les frais. Pour corriger ce déséquilibre, l’UE s’est dotée en 2019 d’une directive sur l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

Etant en moyenne payées 12,7 % de moins que les hommes dans l’UE, les femmes ont davantage tendance à effectuer une pause dans leur carrière professionnelle pour s’occuper de leur enfant après la naissance. Un schéma qui s’observe notamment en matière de congé parental, qui fait suite aux congés maternel et paternel, pour une durée généralement plus longue mais bien moins rémunérée. Ce congé est très majoritairement pris par les femmes. Avec la directive adoptée en 2019, Etats membres et eurodéputés ont voulu limiter ce phénomène.

Un congé parental de quatre mois minimum a bien été intégré dans la législation européenne en 2010. Mais depuis le texte de 2019, deux mois sont désormais non transférables d’un parent à l’autre, contre un seul auparavant. Ce qui réduit la possibilité de faire assumer un congé parental étendu aux mères et incite davantage les pères à le prendre.

La directive équilibre vie privée / vie professionnelle a aussi rendu le congé paternité obligatoire dans l’UE, d’une durée de 10 jours rémunérés au même niveau qu’un arrêt maladie. La législation n’a rien changé au niveau français, où le congé paternité est depuis 2021 de 28 jours payés à un montant équivalent au salaire du père. Mais elle a introduit ce congé dans quatre pays qui n’en disposait pas (Autriche, Allemagne, Slovaquie et Croatie) et l’a allongé dans sept autres (République tchèque, Malte, Pays-Bas, Grèce Roumanie, Hongrie et Italie).

Transparence salariale

Pour améliorer la situation en matière d’égalité femmes-hommes, l’UE agit aussi dans le domaine des rémunérations. Le 24 avril dernier, une directive sur la transparence salariale a été adoptée et sera transposée d’ici à trois ans dans le droit des Etats membres. Le texte oblige les entreprises à indiquer et à corriger les écarts de salaire entre femmes et hommes.

Dans toutes les entreprises de plus de 100 salariés, des mesures devront être prises, en concertation entre la direction et les représentants des travailleurs, pour corriger ces écarts dès lors qu’ils dépassent les 5 %. Les salariés pourront par ailleurs avoir accès à des données sur les salaires dans leurs sociétés, ventilées par sexe, et être informés des critères qui définissent les rémunérations ainsi que les augmentations. Des rapports annuels devront être présentés tous les ans dans les sociétés de 250 salariés et plus, tous les trois ans dans celles d’au moins 100 personnes.

La directive protègera aussi les demandeurs d’emploi de manière générale. Car ces derniers auront la possibilité de connaître la fourchette de rémunération du poste auquel ils sont candidats. De leur côté, les employeurs ne pourront pas leur demander combien ils gagnaient auparavant. Et pourront donc moins jouer sur ce facteur pour déterminer le salaire du futur salarié.

Parité dans les conseils d’administration des grandes entreprises

Autre grande problématique concernant l’égalité femmes-hommes au travail : la parité dans les instances de direction des entreprises. En novembre dernier, une directive fixant des quotas de femmes à mettre en place dans les conseils d’administration des grandes sociétés cotées en bourse dans les Vingt-Sept a été adoptée.

Le texte avait été proposé par la Commission européenne dès… 2012. Dix années auront donc été nécessaires pour qu’Etats membres et eurodéputés aboutissent à un compromis en juin 2022. Un accord trouvé sous présidence française du Conseil, qui en avait aussi fait un dossier prioritaire.

Concrètement, dans les entreprises concernées, 40 % des postes d’administrateurs non exécutifs devront être occupés d’ici à juillet 2026 par le genre sous-représenté, le plus souvent les femmes, ou bien 33 % de tous les postes d’administrateur. Des sanctions dissuasives pour non-respect des nouvelles règles, comme de lourdes amendes, devront être mises en place.

Neuf pays avaient déjà introduit des quotas de ce type avant la législation européenne : la France, l’Italie, l’Allemagne, le Portugal, l’Espagne, la Belgique, les Pays-Bas, l’Autriche et la Grèce. Mais dans certains Etats sans quotas, la situation est très déséquilibrée, à l’instar de l’Estonie (9,1 % de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises cotées en bourse en 2021), de la Hongrie (9,4 %) et de Malte (10,8 %). 

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