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Dominique Courdier : “accueillir l’Euro 2016 créerait un élan”

Ce vendredi 28 mai 2010, l’UEFA doit désigner le pays hôte de l’Euro 2016. La France est en compétition avec la Turquie pour obtenir l’organisation d’un évènement qu’elle n’a plus accueillie sur son territoire depuis 1984. Dominique Courdier, rédacteur en chef adjoint à France Football, nous éclaire sur les enjeux.

Touteleurope.fr : Que représente pour un pays d’accueillir un événement comme un Championnat d’Europe des Nations ?

Dominique Courdier : Accueillir un Euro est évidemment un honneur pour une Fédération nationale et pour un pays. C’est d’abord la preuve que le dossier de candidature était le meilleur. C’est aussi une preuve de confiance envers les organisateurs. Mais le principal, c’est surtout l’élan qui va créer cet événement. Pour le football, pour le sport, pour les clubs, pour la Fédération et même pour le pays tout entier. Avant même la victoire de la France en 1998 qui avait amplifié le phénomène, l’organisation de la Coupe du monde dans l’Hexagone avait boosté le nombre de licenciés, attiré de nouveaux bénévoles et donné une image positive, sympathique, dynamique du football, loin de ses tares salaires démentiels, triche, dopage…) En outre, un Euro en France aura un effet capital sur les stades : quatre créations prévues (Lille, Lyon, Bordeaux et Nice) et tous les dossiers de réfection sont en partie dépendants de la décision du 28 mai.

Touteleurope.fr : L’organisation de l’Euro 2016 sera probablement accordée à la France ou à la Turquie. Pourquoi un pays qui n’est pas dans l’Union européenne peut-il prétendre à organiser une compétition européenne ?

Dominique Courdier : Le critère pour être candidat à l’organisation est de faire partie de l’UEFA (“Union européenne de football association”, présidée par Michel Platini depuis 2007). Or, la Turquie est adhérente depuis 1962. Il faut dire que les trois plus grands clubs du pays sont à Istanbul (Galatasaray, Besisktas et Fenerbahçe). Pour des raisons historiques, il y a des pays non-européens qui appartiennent à la Confédération européenne : Israël par exemple (pour éviter des matches avec ses voisins qui dépendent, eux, de la Confédération asiatique) ou comme d’anciennes républiques soviétiques (Kasakhstan, Azerbaïdjan…).

Touteleurope.fr : Pour vous, quel dossier de candidature a le plus de chances de l’emporter ?

Dominique Courdier : L’Italie est hors jeu : peu de soutien des autorités publiques (alors que le président du Conseil, Silvio Berlusconi est propriétaire du Milan AC, un des grands clubs européens) et dossier médiocre. Le match devrait donc se résumer un affrontement entre France et Turquie.

Avantage des Turcs : troisième candidature consécutive, geste fort politiquement en direction du monde musulman, attrait de la nouveauté, engagement très, très fort du gouvernement Erdogan, lobbying de Senes Erzig, vice-président turc de l’UEFA.

Avantage des Français : aucun problème d’infrastructures (hôtel, autoroutes, aéroports…), expérience de la Coupe du monde 1998, soutien de l’exécutif, présence de Michel Platini à la tête de l’UEFA, stabilité politique et économique.

Seulement treize personnes du Comité exécutif de l’UEFA votent : avec un nombre aussi réduit, tout peut arriver…

Touteleurope.fr : Les polémiques liées aux ventes de footballeurs à chaque mercato sont régulièrement épinglés comme étant le résultat de l’arrêt Bosman. Est-ce vraiment de la “faute à l’Europe” ?

Dominique Courdier : L’arrêt Bosman (15 déc. 1995) qui a balayé toute restriction en matière de nationalité au sein de l’Union européenne a ”dopé” le marché des transferts. Cela a provoqué des excès : l’Inter Milan a remporté la Ligue des champions le 22 mai sans un seul joueur italien présent au coup d’envoi. Un seul (Marco Materazzi, celui qui avait reçu le coup de boule de Zidane en 2006) est entré à deux minutes du coup de sifflet final !

Les instances internationales jugent nécessaires de défendre ’ “l’identité nationale” afin qu’il y ait un phénomène d’identification plus fort des supporters envers leur club, pour favoriser aussi la formation. De grands clubs, comme le FC Barcelone, forment de jeunes joueurs qu’ils utilisent ensuite en équipe première. Des négociations ont lieu entre Bruxelles et la FIFA, l’UEFA et le Comité international olympique pour que soit traduite dans les faits la spécificité du sport que reconnaît le traité de Lisbonne.

Touteleurope.fr : Les fédérations nationales de football ne se sont pas créées en fonction des pays. Il n’y a ainsi pas de fédération du Royaume-Uni mais des fédérations galloise, anglaise, nord-irlandaise ou écossaise. Comment la Fifa gère-t-elle les demandes des équipes de Catalogne, de Bretagne ou de Corse ?

Dominique Courdier : Le privilège de la Grande-Bretagne, qui possèdent quatre fédérations, est lié à l’histoire et notamment au fait que c’est en Angleterre qu’est né le football. Ce sont même ces quatre fédérations anglaise, écossaise, galloise et nord-irlandaise qui, à la fin du XIXe siècle, composaient à elles-seules l”International Board, instance suprême chargée de fixer les règles du jeu. La FIFA (Fédération internationale de Football Association), créée à Paris en 1904 a ensuite rejoint cet International Board, qui est composé aujourd’hui, à parité, d’un représentant de chacune des fédérations britanniques et de quatre représentants de la FIFA (décisions prises à la majorité qualifiée des trois quarts).

Si la FIFA a longtemps admis en son sein des fédérations qui représentaient simplement des territoires ou des régions non-indépendants (ex. : Il existe une fédération des Iles Féroé qui appartiennent au Danemark ou une de Polynésie française). Mais la Fédération internationale, qui compte 208 membres, a modifié ses règlements, il y a une dizaine d’années : il faut désormais être indépendant pour demander son adhésion à la FIFA, ce qui règle le cas, pour l’heure du moins, de la Catalogne, de la Bretagne ou de la Corse. Mais cette nouvelle règle n’est pas rétro-active : c’est la raison pour laquelle la Polynésie française conserve sa fédération.

Touteleurope.fr : De manière plus globale, est-ce que l’Union européenne investie dans le football ou laisse totalement ce champ à l’UEFA ?

Dominique Courdier : Longtemps, l’UEFA et les autorités de Bruxelles se sont ignorées et méprisées. Cette période semble révolue, même si le sport en général et le football en particulier n’est pas un axe majeur de la construction européenne. L’arrêt Bosman et les excès qu’il a provoqués traduisent d’ailleurs ce manque de dialogue. Nous sommes aujourd’hui dans une période différente où le dialogue existe. Mais sur des territoires différents, avec des buts différents, des philosophies, des priorités, des personnalités très différentes, nous ne sommes aujourd’hui à l’évidence qu’au tout début d’un long processus.

En savoir plus :

L’Union européenne et le sport - Touteleurope.fr

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