“On se prépare à un hiver sans gaz russe, c’est bien de cela dont il s’agit”, a résumé le commissaire chargé du Marché intérieur Thierry Breton à l’occasion d’une conférence de presse mercredi 20 juillet. Afin de faire face aux perturbations de livraisons de gaz russe et à une possible pénurie d’ici quelques mois, la Commission européenne a proposé aujourd’hui un règlement invitant les Etats membres à réduire substantiellement leur consommation de gaz.
L’objectif, non contraignant, est que la demande européenne de gaz diminue de 15 % entre les mois d’août 2022 et mars 2023 par rapport à la moyenne des cinq dernières années sur la même période. Les gouvernements doivent détailler leur feuille de route pour y parvenir d’ici fin septembre. Ils devront ensuite, tous les deux mois, rendre compte à la Commission des progrès réalisés.
“Substitution, solidarité et sobriété”
Le plan d’action propose différents moyens pour atteindre l’objectif chiffré, que Thierry Breton résume par un “triptyque : substitution, solidarité et sobriété”. Le volet “substitution” concerne la diversification des importations de gaz (Etats-Unis, Norvège, Azerbaïdjan, Algérie…) et l’investissement dans les énergies renouvelables. Le report de la fermeture de centrales nucléaires et à charbon pour produire de l’électricité ou le recours temporaire au pétrole font également partie des options envisagées par la Commission pour limiter la consommation de gaz.
La Commission incite par ailleurs les Etats membres à faire preuve de solidarité si l’un d’entre eux venait à manquer de gaz. “Il est important que tous les Etats membres contribuent désormais à économiser, à stocker et soient prêts à partager le gaz avec les autres voisins en cas de besoin”, a ainsi déclaré la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Pour en bénéficier, l’Etat demandeur devra toutefois prouver qu’il a bien pris les mesures nécessaires pour réduire sa consommation nationale.
En matière de sobriété, l’industrie pourrait être particulièrement mise à contribution. La Commission estime par ailleurs qu’une réduction de la consommation passe la réduction du chauffage et de la climatisation, à commencer par les bâtiments publics et commerciaux. “A-t-on besoin d’avoir une climatisation à 20 degrés ? Les bâtiments vides ont-ils besoin d’être éclairés la nuit ?”, a interrogé Frans Timmermans, vice-président de l’institution.
La Commission souhaite enfin qu’un mécanisme d’alerte lui permette d’imposer des objectifs contraignants aux Etats membres en cas de réduction drastique des exportations russes ou de rupture totale de l’approvisionnement.
Les ministres européens de l’Energie doivent se saisir de cette initiative le 26 juillet prochain lors d’un Conseil exceptionnel.
L’Union européenne souhaite se passer de gaz russe à l’horizon 2027. Dans le cadre de REPowerEU, présenté en mai dernier, elle s’est fixé un objectif de stockage de gaz à 80 % des capacités dans l’UE d’ici fin octobre afin de garantir l’approvisionnement pour l’hiver prochain. Or selon la commissaire à l’Energie Kadri Simson, les stocks sont actuellement remplis à 65 %, et l’objectif de 80 % serait “difficile” à atteindre en cas de fermeture du robinet russe.
Ce plan a été présenté alors que Moscou a déjà coupé les vannes vers plusieurs pays européens et que le gazoduc Nord Stream 1, qui relie la Russie à l’Allemagne par la Mer Baltique, est actuellement à l’arrêt pour des raisons techniques. Les Européens craignent que Moscou ne prétexte une poursuite de la maintenance pour ne pas reprendre ses exportations dès jeudi comme prévu.
Ce pipeline est hautement stratégique : Nord Stream 1 a une capacité de 55 milliards de mètres cubes par an, soit environ un tiers des importations de gaz russe dans l’UE. En 2021, l’UE a consommé 400 milliards de mètres cubes de gaz. Une réduction de 15 % de la consommation entre août et mars correspondrait à 45 milliards de mètres cubes, selon la Commission.