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Compte-rendu du débat “Stratégie UE 2020 : quelle place pour les entreprises ?”

Vous n’avez pas pu assister au débat du 10 mars dernier, organisé en partenariat par Touteleurope.fr, le Mouvement Européen-France et la commission Europe du MEDEF, consacré au rôle des entreprises dans la Stratégie UE2020 ? Découvrez-en le compte-rendu, fidèle aux échanges entre nos intervenants, Messieurs Yvon Jacob, Président du GFI, membre du Conseil exécutif du MEDEF et Joseph Thouvenel, Secrétaire général adjoint de la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens (CFTC), modérés par l’économiste Jean-François Jamet.Â


Ce débat s’est tenu une semaine après la publication, par la Commission européenne, le 3 mars 2010, d’un document de 40 pages intitulé “Europe 2020 : Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive” . Jean-François Jamet a introduit le débat par une série de remarques sur la “Stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi” mise en œuvre par l’Union européenne pendant la décennie 2000, ainsi que sur celle qui va lui succéder pour la période 2010-2020, appelée “stratégie UE 2020” , objet du document de la Commission européenne du 3 mars dernier.


photo Thouvenel / Jamet / Jacob

  • Il a notamment souligné que les contextes d’élaboration et de mise en œuvre des deux stratégies différaient radicalement : en 2009, l’Europe s’est dotée d’un nouveau cadre institutionnel et la Commission et le Parlement européens ont été renouvelés. La situation économique et sociale du continent s’est considérablement dégradée en raison de la crise économique mondiale ;



  • Le bilan de “Lisbonne” est un préalable indispensable à la mise en oeuvre d’une nouvelle stratégie. Pour Jean-François Jamet, ce bilan est globalement négatif : les objectifs fixés, très ambitieux (augmentation de 3% par an du PIB de l’UE et des investissements en Recherche & Développement, taux d’emploi de 70% de la population active), sont loin d’être atteints (à peine 1-1,5% de croissance du PIB, les investissements en R&D atteignent à peine 1,8%, et le taux d’emploi est seulement de 65% en 2009). Néanmoins, quelques points positifs méritent d’être soulignés : cette stratégie a permis à beaucoup de parties prenantes (les entreprises mais aussi les partenaires sociaux) de se saisir de la question d’une stratégie économique de développement à l’échelle européenne (il est ainsi question aujourd’hui de gouvernement économique de l’Europe). Par ailleurs, certains nouveaux principes, qui font consensus aujourd’hui, ont été actés : la “flexicurité” , le soutien aux PME (le “European Business Act”) ou encore l’importance de l’investissement dans la Recherche & Développement ;

photo Jamet

  • Pour M. Jamet, le document stratégique de la Commission européenne est trop consensuel ; il constitue la synthèse de différentes contributions récoltées dans le cadre de la consultation effectuée par la Commission européenne et ne formule pas de propositions nouvelles. On y retrouve des objectifs similaires à ceux de la stratégie de Lisbonne : porter à 75% le taux d’emploi d’ici 2020 et à 3% de croissance par an du PIB en 2020… Ces objectifs sont certes moins nombreux, mais ne semblent pas plus réalistes. Certes la Commission européenne propose des initiatives communautaires en matière d’industrie, d’innovation et de lutte contre la pauvreté, mais ces propositions restent surtout conceptuelles. Un programme politique accompagné de mesures concrètes manque à cette stratégie, selon M. Jamet.



Jean-François Jamet a posé alors les termes du débat du jour : “Comment la stratégie UE 2020 pourrait-elle être rendue plus concrète, avec une obligation de moyens ?’ La balle est maintenant dans le camp du Conseil européen, auprès de qui la Commission a déposé sa proposition. Cependant, le Conseil européen a, de son côté en 2007, chargé un groupe de sages présidé par Felipe Gonzalez, ancien Premier ministre espagnol, de réfléchir à l’avenir de l’Union européenne à l’horizon 2020-30 et de présenter des conclusions en juin 2010. M. Jamet s’est interrogé sur la cohérence qui existera entre ces deux documents.



Joseph Thouvenel a introduit son intervention en revenant également sur la stratégie de Lisbonne, “un échec” selon lui pour différentes raisons : les objectifs démesurés, le manque de moyens et de réalisations concrètes, la vision idéologique faisant de la concurrence pure et parfaite un dogme, les égoïsmes nationaux qui ont fait obstacle à la coordination européenne ou encore l’absence de régulation face à la crise.



photo Joseph ThouvenelSelon lui, les dimensions économique et sociale d’une stratégie sont indissociables. Il constate également que la stratégie UE 2020 est formulée en termes généraux et consensuels, qu’elle manque de pragmatisme. L’Europe a besoin d’une stratégie centrée sur des objectifs essentiels, avec des moyens à la hauteur des enjeux.



Or, des thèmes d’action concrets existent. Le Secrétaire général adjoint de la CFTC en propose quelques uns :



  • l’approvisionnement et la distribution énergétique de l’Europe : un état des lieux européen s’impose pour déterminer la place des énergies renouvelables et du nucléaire dans notre politique énergétique. De manière plus générale, il faut assurer la sécurité des approvisionnements en matières premières énergétiques ;


  • l’identification des secteurs stratégiques à protéger dans un contexte de concurrence internationale ouverte. Aujourd’hui, la concurrence internationale est faussée au détriment des entreprises européennes et en faveur des entreprises ne respectant pas des règles sociales minimales. Les consommateurs ignorent souvent dans quelles conditions leurs biens ont été fabriqués. A cet égard, un label “social” inciterait des économies émergentes comme la Chine ou l’Inde à intégrer des normes sociales dans leur législation du travail. L’OMC interdisant les clauses sociales, c’est donc au travers du consommateur et de son comportement qu’il sera possible d’influer sur ces pratiques ;



  • les normes comptables internationales : L’Europe doit s’interroger et éviter que les standards internationaux ne favorisent des stratégies à court terme ;




  • la Recherche & Développement : la Commission européenne devrait encourager l’investissement des entreprises de l’UE en simplifiant les procédures d’accès aux aides financières, en renforçant la sécurité juridique de la propriété intellectuelle via un brevet européen et en rendant les programmes de soutien au développement économique plus accessibles aux entreprises, notamment aux PME, via un système de “guichet unique” ;




  • le vieillissement de la population européenne : la stratégie UE 2020 omet ce constat préoccupant. L’Europe a besoin d’une politique familiale pour renforcer la population active de demain.




M. Jacob, prenant à son tour la parole, a déclaré que l’Europe se trouvait à un tournant critique et inquiétant. Tandis que la Chine affiche un taux de croissance de son PIB de 11% par an, les États-Unis sortent de la crise économique, avec un taux de croissance de 5%. L’Europe, quant à elle, est proche du 0%. Certes, ces écarts de performance préexistaient, mais le fossé s’élargit.



Photo JacobL’intérêt de définir une stratégie de développement d’ici à 2020 est réel, mais cette date est bien lointaine, tandis que la priorité pour les entreprises est la sortie de crise à l’horizon des trois ou quatre années à venir. Pour M. Jacob, l’Europe a jusqu’à présent axé son action en matière économique sur deux dogmes : celui de la concurrence pure et parfaite, et celui de l’appétence écologique. Selon lui, les considérations environnementales, bien sûr essentielles, ne doivent pas devenir une idéologie et il ne faut pas imposer en leur nom un excès de réglementation aux entreprises. Or, l’Europe a justement renforcé le cadre réglementaire à l’intérieur duquel opèrent les entreprises, au moment même où la concurrence internationale devenait de plus en plus ouverte, ce qui a conduit à désavantager les entreprises européennes sur les marchés mondiaux. Il ne faut pas occulter le fait que le commerce mondial et par là, la croissance économique, reposent à 80% sur les biens manufacturés, donc sur l’activité industrielle.



M. Jacob souligne que la priorité des Européens doit être de renforcer la compétitivité de l’industrie européenne. Des réglementations très contraignantes pour l’industrie telles que le règlement européen REACH poursuivent un objectif positif, mais constituent un handicap pour les PME européennes par rapport à leurs concurrents internationaux. L’Union européenne devrait exiger que les produits importés soient conformes aux mêmes normes environnementales et sociales. En Europe et en France en particulier, l’objectif d’une compétitivité plus forte devrait être davantage mis en avant. De ce point de vue, il est rassurant de constater que le document stratégique de la Commission européenne prend en compte la politique industrielle. Il y a là, selon lui, un changement d’attitude très positif.



En accord avec les objectifs concrets proposés par M. Thouvenel, M. Jacob a insisté sur deux points faibles sur lesquels l’Europe devrait se pencher d’ici 2020. Ainsi, la parité des changes est un élément essentiel de la compétitivité de l’industrie européenne. L’euro est pris en étau entre le dollar et le yuan. Il faut que les Etats membres de la zone euro s’entendent pour que l’Europe pèse face à la Chine et aux Etats-Unis au sein des grandes instances monétaires et financières internationales. Enfin, la faiblesse du budget de l’Union européenne est un autre handicap majeur, qui empêche celle-ci de mener une politique d’innovation et d’investissement ambitieuse.


Sites utiles :

Site de la Commission européenne sur la stratégie Europe 2020
Communication de la Commission européenne “Evaluation de la stratégie de Lisbonne”
Communication de la Commission européenne : “Europe 2020 Une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive”


En savoir plus :

La Stratégie Europe 2020 - Touteleurope.fr



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