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Ari Vatanen : “Les améliorations à attendre sont désormais du domaine de leur mise en œuvre, ce qui confère une très grande responsabilité aux Etats”

Ari Vatanen Le 1er juin 2005, Ari Vatanen, ancien pilote de rallye et député européen depuis 1999, a présenté le rapport de la Commission “Programme d’action européen pour la sécurité routière - réduire de moitié le nombre de victimes de la route dans l’Union européenne d’ici 2010. Une responsabilité partagée…” . Ce document a été adopté à l’unanimité par le Parlement européen en septembre 2005. Il se concentre sur la mise en place d’un cadre d’actions concrètes visant à améliorer de façon progressive la sécurité routière.


Quelles sont vos propositions ? Comment l’UE peut-elle se doter d’un vaste programme d’action dans le domaine de la sécurité routière ?

Il faut tout d’abord souligner que le constat est alarmant en matière de politique des transports : sur 10 projets, 8 sont consacrés au réseau ferré qui, en plus d’être lourdement déficitaire, ne représente que quelques pourcentages de la mobilité européenne. Heureusement depuis la révision à mi-parcours de la politique des transports, publiée le 22 juin 2006, la Commission européenne met davantage l’accent sur la mobilité et la complémentarité des modes de transport.

Mes propositions sont les suivantes :

- Des analyses coût/efficacité. Il faut miser sur les actions qui donnent le plus d’efficacité pour l’argent investi.

- Les règles du code la route ne sont pas adaptées pour faire évoluer les comportements. Si chacun portait sa ceinture de sécurité, respectait les limites de vitesse et ne conduisait pas sous l’emprise de l’alcool, les accidents mortels diminueraient de plus de 60 %, et l’objectif de réduction de moitié des victimes de la route au sein de l’UE serait atteint. Il faut donc punir ceux qui passent outre les règles qui sont là pour nous protéger.

- Les limites de la législation ont été atteintes. Les améliorations à attendre relèvent désormais de leur mise en œuvre, ce qui confère une très grande responsabilité aux Etats membres.

D’autres systèmes de persuasion doivent être mis en place, tels que :

1. Des déductions fiscales pour les véhicules les plus sûrs. Les nouveaux véhicules sont plus sûrs que les anciens. Dans ces conditions, les taxes d’immatriculation des voitures devraient être abolies en Europe. Si nécessaire, elles pourraient être remplacées par des taxes annuelles de circulation.

2. Les radars dans les voitures, qui aident à prévenir les accidents. La classification “EuroNCAP” devrait être développée.

3. “Dénoncer les coupables” . Les mesures prises dans les Etats membres devraient être comparées de sorte que chacun puisse en tirer les leçons. Les “bons et les mauvais élèves” devraient être connus.

Que pensez-vous de la politique de sécurité routière en France ? Quel rôle l’Union européenne peut-elle jouer (harmonisation des limitations de vitesse, taux d’alcoolémie, permis de conduire européen…) dans ce domaine ?

La France a démontré que la détermination et les efforts peuvent donner des résultats tangibles et rapides. La campagne lancée en 2002 par le Président de la République Jacques Chirac a réduit le nombre de morts de 25-30 % sur deux ans.

L’UE joue un rôle complémentaire grâce à des actions telles que :
- la définition de standards techniques
- l’introduction de nouvelles technologies en partenariat avec l’industrie ;
- le financement de la recherche sur les technologies et sur l’efficacité des mesures de sécurité routière ;
- l’harmonisation de la législation ;
- la création d’une Agence européenne pour la sécurité routière.

Le 19 septembre 2006, la Charte européenne de la sécurité routière sera présentée à Helsinki. A quoi sert cette charte ?

La Charte européenne de la sécurité routière signifie qu’une entreprise ou une association s’engage concrètement à mettre en avant la sécurité routière dans ses activités. Par exemple, ce peut être entreprise routière qui mise sur l’éducation de ses employés. Les demandes sont traitées par la Commission européenne, qui après examen, donne son aval. Ensuite, l’organisation ou l’entreprise peut utiliser le logo de la Charte dans toute sa communication.

La Commission m’a nommé comme parrain européen la Charte, et je défends l’initiative comme une approche innovatrice. Cela dit, je suis préoccupé par la lenteur de sa mise en œuvre. Il faudrait donner à la Charte les ressources financières adéquates et créer une stratégie de communication plus adaptée à cet égard. Pourquoi ne pas attribuer chaque année des Prix de la sécurité routière ? La Commission européenne devrait également étudier la possibilité d’impliquer davantage les citoyens, à titre individuel, par des engagements dans le domaine de la sécurité routière. On pourrait par exemple proposer des autocollants avec des messages tels que “Je ne conduis pas en état d’ébriété” .

Vous faites figure d’ “original” dans le paysage politique français. Finlandais, vous êtes l’une des personnalités les plus titrées du sport automobile international. Depuis 1999, vous avez fait le choix d’abandonner la compétition pour vous consacrer à la politique. Vous êtes aujourd’hui député européen. Qu’est-ce qui a motivé cette reconversion ?

Qui a dit que j’ai arrêté la compétition… ? La vie n’est pas unidimensionnelle. Je crois que ma carrière de pilote m’a enseigné des leçons importantes qui me peuvent servir aussi dans la politique. L’esprit de travailler ensemble, comme une équipe de la famille humaine, est le fondement de réussir dans la vie. Et après 30 ans dans le sport mécanique, j’ai voulu donner ma contribution hors des pistes, hors du désert du Sahara. Sans pourtant perdre mon attitude : je veux toujours me donner à fond, sans regrets. S’il ya demain un enfant de moins qui pleure à Tombouctou - je n’ai pas perdu mon temps.

Vous avez été élu en 1999 au Parlement européen sur la liste d’un parti finlandais. En 2004, vous avez été réélu député européen, mais en France sur la liste de l’UMP. Pourquoi et comment avez-vous décidé de vous présenter en France ?

Toutes les frontières érigées par l’homme sont artificielles. Résidant en France depuis plus de 15 ans - mon fils cadet est né ici - je crois connaître la mentalité française. Pour moi, l’Europe signifie la construction de ponts entre les peuples. Qu’est ce qui pourrait être plus symbolique que se présenter dans un autre pays que celui de son origine ? Je crois aussi que ma manière de penser diffère de ce qui est habituel : ceci pourra donner des impulses réformateurs.

Comment qualifieriez-vous l’état actuel de l’Union européenne ?

L’UE est un beau projet qui nous apporte de la stabilité et de la richesse. Mais par la stabilité je ne veux pas dire la stagnation. Pourtant, on parle trop de la Constitution européenne. Certes, cela aurait été une avancée, mais nous pouvons nous débrouiller sans ce texte. Il faudra quand même faire des changements dans les traités européens, mais ce n’est pas la peine de le dramatiser.

A mon avis la défaite de la Constitution européenne est liée, lus qu’à son contenu, au pessimisme engendré par notre économie faible. Nous n’avons pas fait les réformes (à commencer par la France !) qui nous permettent de nous adapter d’une façon dynamique à la mondialisation. C’est pourquoi nous devons réformer nos marchés de travail, miser sur la recherche et l’éducation de haute qualité ainsi que cesser de pratiquer le protectionnisme qui gèle la société. Quand l’économie est forte, les gens seront moins susceptibles de protester contre quoi que ce soit.

Quel est selon vous l’état actuel du débat sur l’Europe en France ?

Il y a du débat - et c’est déjà bien - mais il faudrait aussi mettre plus en valeur les côtés positifs de l’intégration et pas juste se plaindre des problèmes. Comme Michel Barnier a dit avec perspicacité : “l’Europe peut servir de démultiplicateur pour les actions de la France” .

Par contre, une France recroquevillée sur elle-même ne sortira pas gagnant dans la concurrence internationale. Laissons la Turquie entrer dans l’UE quand elle remplit les conditions, ouvrons les frontières au commerce international et laissons l’entrée libre aux investissements des pays tiers. Faute de leadership on a cédé au populisme et a dilué la directive Bolkestein et par conséquent empêché de dynamiser l’Europe. Quand nous avons fait le ménage chez nous, la concurrence nous bénéficie substantiellement : elle incite les entreprises à innover et elle réduit les prix pour les consommateurs. Comme on dit en Finlande : ce qui ne vous tue pas - vous renforce !

Quel rôle jouera la Présidence finlandaise (qui débute le 1er juillet) ? Que peut-elle apporter ?

Les dirigeants finlandais actuels ne sont pas de visionnaires européens. Et à cause de cela, notre Présidence sera marqué par l’esprit du “fonctionnaire gris” . La différence à notre Présidence antérieure sera grande, quand le Président Ahtisaari et Premier Ministre Lipponen ont utilisée l’occasion pour affiner le profil de a Finlande. Néanmoins, on peut compter sur la Finlande : nous sommes assidus et pragmatiques - parfois jusqu’à la monotonie… Mais notre Présidence va se limiter à être une antichambre à la présidence allemande.

En ce qui concerne le projet constitutionnel, je crois que les discussions seront fréquentes, mais qu’il n’y n’aura pas de percée. Tout le monde semble attendre les élections françaises en 2007. J´oppose les référendums pour des questions complexes - même pour les politiciens toute la portée de la Constitution était difficile à comprendre. Mais je sais qu’un référendum s’impose dans quelques pays. Pour ceux qui y insistent on pourrait offrir un référendum avec deux choix :

a) une Union basée sur un Traité constitutionnel (légèrement) renégocié et
b) une adhérence réduite dans l’UE du type association renforcée.

Alors les peuples des états européens sauraient précisément quelle serait le résultat d’une éventuelle réjection.

La Finlande pourrait prochainement devenir le 16e Etat membre à ratifier la Constitution européenne. Le Premier Ministre finlandais, M. Vanhanen, s’est récemment prononcé en faveur de la ratification, ouvrant ainsi la voie à la décision finale. Qu’en pensez-vous ?

Il me semble que la Finlande veut simplement être bon élève. La ratification par la Finlande ne change rien du tout. On ne peut pas ressusciter un cadavre. La France et les Pays-Bas n’accepteront pas le texte sans changements.

Un des objectifs de la Finlande au cours de sa présidence est d’établir une réglementation européenne relative à l’accès du grand public aux documents du Conseil. Pensez-vous que la transparence des débats pourrait permettre de rapprocher les citoyens des institutions européennes ?

Normalement, la transparence est très bien - nous en avons une longue tradition dans les pays nordiques. Mais dans ce cas précis il y la crainte que les débats dans le Conseil deviennent du théâtre pour les caméras et que les vraies discussions seront conduites par des groupes de pays hors du cadre du Conseil. C’est pourquoi je suis pour la transparence pendant les votes, mais je serais prêt à ne pas laisser entrer les médias pendant tous les débats. Dans les états membres on ne transmet pas les débats des gouvernements en direct non plus.

Propos recueillis le 03/07/06

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