A deux jours de “l’ouverture du premier Salon de l’Agriculture du quinquennat Macron” , les agriculteurs français ont manifesté à travers tout le pays, mercredi 21 février. Plusieurs raisons à cette colère, parmi lesquelles la perspective d’un accord de “de libre-échange, que négocient l’Union européenne et [quatre pays du] Mercosur” : le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay, et le Paraguay [Marianne].
Les manifestations interviennent en effet le jour où les “représentants du Mercosur et de l’Union européenne (…) entament une nouvelle ronde de négociations (…), où ils espèrent concrétiser” un accord qui fait l’objet de discussions depuis “plus de 19 ans” [Deutsche Welle]. Si les discussions reprennent aujourd’hui, c’est parce que “les économies du Mercosur se sont redressées” depuis. Et que le “tropisme [de Donald Trump] à défaire les accords commerciaux de son prédécesseur” change la donne pour les États du Mercosur, qui ont un intérêt “à passer le plus d’accords de libre-échange possible” [France Culture]. Les pays souhaitent également s’entendre avant le début du mois de mars, qui marquera le début de la campagne pour l’élection présidentielle au Brésil.
La question agricole cristallise les tensions
Au micro de France Culture, le journaliste Jean-Marc Chardon explique l’objectif d’un tel accord : “faciliter les relations commerciales en abaissant les barrières douanières, tarifaires, non tarifaires aussi, les normes, et d’une manière générale les formalités administratives” . La Commission européenne estime qu’il devrait “permettre aux exportateurs européens d’économiser quelque 4 milliards d’euros de droits de douane par an” . En retour, les marchés européens s’ouvriraient également aux pays du Mercosur. Mais sous quelles conditions ? Aujourd’hui, le “principal point de blocage” porte sur “la question agricole” [Marianne].
Les pays du Mercosur espèrent en effet “une plus grande ouverture du marché européen aux produits de leur agriculture” . La Commission européenne prévoyait déjà en décembre la possibilité d’une réduction des droits de douanes pour “70 000 tonnes de bœuf” sud-américain. Un plafond peu satisfaisant pour le Mercosur, qui a conduit la Commission a “relever son offre, en proposant d’autoriser l’exportation de 99 000 tonnes de bœuf” [Marianne].
Un “cauchemar” pour les éleveurs français
Or, “selon certains éleveurs” ces importations massives “entraîner[ont] une baisse des prix” [France Info]. Car si les nombreuses “normes sanitaires et sécuritaires européennes” permettent de “protéger les consommateurs” et les employés, “elles sont aussi coûteuses, et ne permettent pas de vendre à des tarifs aussi bas que certains producteurs étrangers” . Cela obligerait les éleveurs “soit à perdre [leurs] marchés” , soit à “aligner” leurs prix [Le Parisien]. Même inquiétude du côté des céréaliers : le ” président de l’AGPB (producteurs de blé)” , Philippe Pinta, a déclaré dans un communiqué : “les contingents d’importation sans droit de douanes, proposés en blé et maïs, entraîneront une nouvelle chute des prix européens” [Le Point].
“L’autre inquiétude de la profession concerne les normes, moins exigeantes en Amérique du Sud pour la nourriture, les antibiotiques ou les abattoirs” [France Info]. Dans un communiqué, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) dénonce une contradiction : “Comment peut-on promouvoir l’engagement dans la transition écologique en France, une sécurité sanitaire irréprochable et ‘en même temps’, autoriser des importations de produits dont les méthodes de production sont interdites en France” [Marianne].
Retour en arrière peu probable
Pour Jean-Marc Chardon, il paraît cependant improbable que ces manifestations fassent “échouer la signature d’un accord qui est censé bénéficier à l’ensemble des pays membres” . Car “à l’exception des [éleveurs] irlandais” , les Français ne bénéficient pas du “renfort des agriculteurs d’autres pays de l’Union” . Seule perspective de compensation : l’ouverture d’autres marchés. La Chine s’est ainsi “engagée à lever l’embargo sur le bœuf européen, [de même] que le Japon et la Turquie” [France Culture].
La France aurait également la possibilité de “faire le forcing auprès des autorités de Bruxelles” , mais elle a “d’autres intérêts dans la balance” . Le grand gagnant de ces accords serait ainsi le secteur de “l’automobile” français, auquel s’ajoutent “les exportations de cosmétiques, [de] produits chimiques, mais aussi [de] vins et spiritueux” venues de l’Hexagone [France Culture].