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A la veille du G20, le point sur la taxe bancaire

La taxe bancaire est revenue sous les feux de la rampe hier après-midi, après la publication par Paris, Londres et Berlin d’une déclaration commune annonçant sa mise en œuvre prochaine dans les trois pays. Que dire de cette taxe et des résistances qu’elle suscite au sein du G20 ?

C’est Barack Obama qui a tiré le premier, en annonçant dès janvier sa volonté de taxer les banques. La réaction européenne ne s’est pas faite attendre : quelques jours plus tard, le ministre suédois des Finances, Anders Borg, lui emboîte le pas, et lance l’idée d’un système de taxation des banques pour alimenter un fonds spécifique de résolution des futures crises.

Une idée adoptée par la Présidence espagnole de l’UE, qui annonce sa mise à l’étude et sa discussion prochaine en Conseil. L’Allemagne démarre au quart de tour, la France se dit simplement “intéressée” , les autres Etats se font plus discrets, mais presque tous conditionnent leur engagement à une action conjointe, craignant pour leur compétitivité…

Depuis, l’idée a voyagé à travers les différentes instances de décision, bilatérales, européennes et mondiales, avec un succès contrasté. Aujourd’hui, la taxe a convaincu les trois premières économies de l’UE, Royaume-Uni, Allemagne et France, au moins dans son principe, si ce n’est dans toutes ses modalités. Celles-ci entendent se mettre en campagne pour tenter de convaincre leurs partenaires, au sein de l’UE et au-delà.

Une idée différemment reçue

D’abord, il y a ceux qui ont pris les devants : la Suède a instauré sa taxe depuis un an et demi déjà. Aux Etats-Unis, Barack Obama est en passe de faire adopter par le Congrès sa loi, qui bénéficie d’un soutien bipartisan. L’Allemagne, séduite par l’idée suédoise, et dont la Chancelière a été particulièrement ulcérée par le comportement des banques, a présenté sa taxe au Conseil des ministres il y a déjà trois mois. Enfin, pressée par l’initiative allemande sur un sujet qui nécessiterait une coordination européenne, la Commission européenne, par la voix de Michel Barnier, a lancé un appel aux Etats, et devrait présenter des propositions en octobre.

Ensuite, il y a ceux que l’idée enthousiasme, qui se sont laissés convaincre, mais qui hésitent à se lancer, préférant une décision commune sur une question qui pourrait avoir des conséquences en termes de compétitivité, mais qui n’arrivent pas à se mettre d’accord sur les modalités.

L’aléa moral, ou hasard moral, désigne une situation de risque dans une relation entre deux agents : c’est la perspective qu’un agent, isolé d’un risque, se comporte différemment que s’il était totalement exposé au risque. L’aléa moral est d’abord apparu dans le domaine des assurances : c’était la possibilité qu’un assuré augmente sa prise de risque, par rapport à la situation où lui-même devrait supporter entièrement les conséquences négatives d’un sinistre (comme l’assuré ne paie pas en cas de problème, il prend davantage de risque).

La France par exemple, soutient que la formule allemande ferait doublon avec son propre fond de garantie des dépôts, et craint que, plutôt que de lutter contre l’aléa moral, la mise en place d’un fond assuranciel ne ferait que l’alourdir.

Et puis, il y a ceux qui sont tout simplement opposés à l’idée. Au sein de l’Union, c’est la République tchèque qui a œuvré pour ne pas engager le Conseil trop résolument dans cette voie.

Au G20, l’hôte du prochain sommet, le Canada, s’y oppose avec virulence. Derrière lui, on trouve l’Australie, la Russie et le Japon, ainsi que les grands émergents : l’Inde, la Chine, et le Brésil.

Autant dire qu’avec une telle opposition, l’idée ne risque pas de passer. Elle avait d’ailleurs été écartée au dernier sommet, à Busan.

Les ingrédients pour une bonne taxe

A quoi servirait la taxe bancaire ? D’abord, à faire payer aux banques la facture de la crise qu’elles ont causée. Sauvées par le contribuable, les banques retrouvent aujourd’hui la santé : il est temps pour elles de prendre leurs responsabilités. Cette taxe constituerait un signal pour les citoyens qui n’ont pas toujours compris le renflouement parfois inconditionnel par les Etats de banques responsables de la crise.

Ensuite, les fonds qu’elle permettrait de lever pourraient avoir plusieurs fonctions.

Constitués en un fond spécial, appelé “fond de résolution des crises” , ils permettraient aux banques de se sortir elles-mêmes du pétrin, sans intervention des contribuables, si une nouvelle crise survenait. Cela reviendrait à contraindre les banques à souscrire à une assurance.

Un principe critiqué par certains, comme la France et le Royaume-Uni, pour son effet sur l’aléa moral, et qui les poussent vers une autre formule.

Dans le cas d’une taxe à la française, dont le fruit serait affecté au budget de l’Etat, cela aiderait à renflouer les comptes publics, juste retour pour des banques qui ont été sorties de la tourmente par ces mêmes budgets nationaux.

Mais la taxe, et c’est bien pour ça qu’elle se heurte à tant d’opposition, n’aurait pas que des avantages. Certains soutiennent qu’elle pèserait sur la compétitivité des Etats qui la mettraient en place, comme c’est souvent le sort de la fiscalité face à la mondialisation. Un raisonnement qui pousse certains à prendre les devants, espérant entraîner les autres dans leur sillon, mais qui en maintiennent d’autres dans le status quo.

Et que faire des pays qui n’avaient pas lancé de plans de sauvetage de leurs banques, et qui en tout état de cause refusent de les pénaliser ?

Et la taxe sur les transactions financières ?

C’est l’autre idée qui circule, à la veille du sommet du G20. Bien plus ancienne que la taxe bancaire - le prix Nobel d’économie James Tobin l’ayant proposée en 1972 ! - elle est encore plus controversée.

Le 17 juin, en conférence de presse conjointe à la sortie du Conseil européen, la France et l’Allemagne ont affiché leur volonté de pousser également cette autre taxe à l’agenda du G20. Mais si les chances de la taxe bancaire sont déjà très faibles, celles de la taxe Tobin sont quasi nulles.

Le seul pays à avoir mis en place par le passé une taxe de ce type est la Suède, et cela s’est révélée être un échec, la quasi-totalité des transactions suédoises s’étant en conséquence délocalisées à Londres. Le pays, dont la bourse a grandement souffert, y est maintenant très défavorable. Son engagement pour la taxe bancaire est d’autant plus fort qu’il est impossible pour une banque de délocaliser son bilan …

En savoir plus

Crise économique dans la zone euro - Touteleurope.fr

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