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Mers et océans : quel rôle pour l’Union européenne ?

Alors qu’ils abritent des trésors de biodiversité et de précieuses ressources pour les activités humaines, les océans sont menacés par la pollution et la surpêche. Au niveau international, de nombreux dossiers sont sur la table, de la décarbonation du transport maritime à la lutte contre les déchets plastiques.

L'économie liée aux océans employait directement 4,5 millions de personnes dans l'UE en 2018, dont des pêcheurs
L’économie liée aux océans employait directement 4,5 millions de personnes dans l’UE en 2018, dont des pêcheurs - Crédits : Nuture / iStock

Le 20 mars dernier, le GIEC présentait une synthèse de ses six derniers rapports, un cycle de travaux initié en 2015. Durant cette période, en 2019, le groupe d’experts internationaux a publié un “rapport spécial sur l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique”. Fonte des glaciers, acidification des océans, risques pesant sur les populations côtières… Les scientifiques alertent sur les périls qui menacent les eaux du monde et listent les enjeux des prochaines décennies.

Mais les mers et océans ne sont pas seulement des réservoirs de biodiversité ou des alliées dans la lutte contre le changement climatique. Les fonds marins abritent de nombreuses infrastructures, comme les câbles électriques ou de télécommunications, ainsi que des ressources minières, énergétiques et même pharmaceutiques. Les océans représentent des espaces convoités par les Etats qui rêvent d’asseoir leur souveraineté sur des points de passage stratégiques pour le commerce international ou pour exploiter ces richesses encore largement méconnues. Car comme le résume la Fondation de la mer, “le fonds de l’océan est moins connu que la surface de la Lune”.

Biodiversité marine, pêche, transport maritime, sûreté… Retour sur les grands enjeux et les politiques de l’Union européenne autour des mers et océans.

Préserver la biodiversité maritime et la santé des eaux

Parmi ces sujets clés, la préservation de la biodiversité marine fait l’objet d’une attention particulière. Dans sa stratégie en la matière, la Commission européenne a fixé l’objectif de protéger 30 % des plus de 11 millions de km2 de mers de l’UE en 2030, en partie avec l’extension des zones Natura 2000, des sites naturels et semi-naturels qui se distinguent par leur biodiversité exceptionnelle.

Pour concrétiser ces ambitions, elle a publié en juin 2022 un projet de législation visant à restaurer les écosystèmes dégradés. L’exécutif européen veut ainsi “ramener la nature dans toute l’Europe” et rétablir les écosystèmes ravagés par l’activité humaine. La proposition comporte des objectifs de restauration contraignants pour certains habitats et des espèces spécifiques, à l’image des dauphins, marsouins, requins et oiseaux de mer. Ces mesures devraient couvrir au moins 20 % des zones terrestres et maritimes de l’UE d’ici à 2030 puis tous les écosystèmes nécessitant une restauration à l’horizon 2050.

La lutte contre les déchets plastiques est également un enjeu majeur pour la santé des espaces maritimes. Selon les pires scénarios rapportés par les Nations unies, entre 19 et 23 millions de tonnes de plastique sont relâchés dans les écosystèmes aquatiques chaque année. Un chiffre qui pourrait dépasser les 50 millions en 2030. Dans ce contexte, un accord mondial a été trouvé en mars 2022 pour engager les négociations sur un traité international contraignant concernant les déchets marins et la pollution plastique. Fin novembre, l’Union européenne a adhéré à une coalition mondiale pour “un texte ambitieux” avec des instruments juridiques contraignants. L’accord pourrait être prêt en 2024, suivant les avancées des discussions commencées à l’automne.

La Commission européenne a aussi mis sur la table en août 2022 des mesures visant à limiter les microplastiques dans les produits et à réduire leur rejet dans l’environnement. Une initiative qui passerait par l’interdiction des microparticules de plastique pour les terrains de sport synthétiques, certains produits cosmétiques, les détergents et des pesticides.

L’initiative “Clean Oceans” a par ailleurs été lancée en octobre 2018 par la Banque européenne d’investissement, en collaboration avec l’AFD et la KfW, dans le but de financer 2 milliards d’euros à l’appui de projets visant à réduire les déchets plastiques d’ici à la fin 2023. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), dont l’UE est actionnaire avec la BEI et 71 pays, a rejoint cette initiative en 2020, alors que l’objectif a été porté à 4 milliards d’euros pour 2025. Début 2023, 2,6 milliards d’euros avaient été investis dans 60 projets partout dans le monde.

Enfin, une zone de réduction des émissions polluantes des navires a été créée sur l’ensemble de la Méditerranée (zone SECA). Validée par les Etats membres de l’Organisation maritime internationale (OMI) en juin 2022, elle impose aux navires d’utiliser des carburants cinq fois moins polluant que la norme internationale concernant l’oxyde de soufre. Cette nouvelle zone de contrôle doit être effective en 2025.

Le 21 février dernier, la Commission européenne a proposé un paquet de textes pour “verdir” le secteur de la pêche. L’exécutif veut notamment étendre les aires marines protégées et y interdire le chalutage, une pratique ravageuse pour la biodiversité des fonds océaniques, d’ici à 2030.

Le paquet comprend quatre éléments : une communication sur la transition énergétique, un plan d’action pour la protection et la restauration des écosystèmes marins, une communication sur l’avenir de la politique commune de la pêche et un rapport sur l’organisation commune des marchés dans le secteur.

La question de la pêche

Dans le cadre de sa politique commune en la matière, la conservation des ressources biologiques de la mer est une compétence exclusive de l’Union européenne. Son principal outil ? Le régime des totaux admissibles de capture (TAC) et des quotas annuels. Chaque année, le Conseil fixe les quantités maximales de pêche pour chaque espèce et secteur, qui sont ensuite réparties entre les Etats membres. L’UE signe également des accords avec des pays tiers.

Car la pêche est une question mondiale, à l’image des autres sujets liés aux océans. Or, “la part des stocks halieutiques exploités à un niveau biologiquement durable a baissé à 64,6 % en 2019, perdant 1,2 % par rapport à 2017″, selon les Nations unies. L’Union européenne a une influence particulière : elle est le septième pêcheur mondial et même le premier importateur des produits des mers et océans.

La Cour des comptes européenne avait alerté en septembre sur ces importations, estimant que les Etats membres de l’UE devaient “frapper plus fort” contre la pêche illégale issue des pays tiers. Selon les auditeurs, le système de certification des captures de poissons mis en place en 2008 a permis d’améliorer la traçabilité et de renforcer les contrôles à l’importation. Les autorités nationales de l’Etat membre de destination doivent ainsi vérifier les documents de traçabilité des produits de la pêche. Malgré un système complet, “le fait que les Etats membres n’appliquent pas tous les mêmes contrôles et sanctions en compromet l’efficacité”, lit-on dans les conclusions.

Décarboner le transport maritime

Au-delà du soufre cité plus haut, c’est l’ensemble des émissions polluantes liées aux océans que l’Union européenne entend réduire. La circulation entre les ports européens représente par exemple environ 4 % des émissions de CO2 de l’UE. 

Un accord a été trouvé entre le Parlement et le Conseil le 23 mars pour réduire l’empreinte carbone des navires. La Commission européenne avait proposé en juillet 2022 un règlement afin de promouvoir l’utilisation de carburants renouvelables et bas carbone dans le transport maritime (“FuelEU Maritime”). Et l’enjeu est colossal : selon l’exécutif européen, ces énergies devront représenter 86 % des carburants dans le transport maritime international pour que le continent atteigne la neutralité climatique en 2050, alors qu’aujourd’hui presque la totalité des combustibles du secteur sont d’origine fossile. L’UE entend ainsi accélérer l’électrification des navires et encourager les grands ports à poser des bornes de recharge à quai.

En parallèle, l’Union européenne a décidé d’intégrer le transport maritime au système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre de l’UE. Aussi appelé “marché carbone”, il oblige les entreprises à acheter des droits à polluer pour les inciter à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Son élargissement au transport maritime devrait permettre de réduire l’écart de coûts entre les investissements dans les énergies bas carbone, plus onéreuses, et l’utilisation de combustibles fossiles. Une période de transition est prévue entre 2025 et 2027.

Afin de mieux connaître les liens entre les mers, le changement climatique et les activités humaines, l’Union européenne développe aussi un “jumeau numérique” de l’océan mondial. Ce “double”, qui doit reconstituer virtuellement l’espace maritime et ses évolutions à partir de données scientifiques, permettra notamment de modéliser différents scénarios sur le changement climatique. Sa mise en service est prévue à l’horizon 2024. Plus largement, l’UE insiste sur le rôle de la recherche pour répondre aux enjeux liés aux océans. La Commission a initié la mission “Restaurer notre océan et notre milieu aquatique d’ici à 2030”, pour soutenir les projets qui concrétisent les objectifs du Pacte vert européen. Celle-ci mobilise les financements du programme de recherche scientifique Horizon Europe.

Sûreté maritime

Dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, l’UE doit apprendre à parler le langage du pouvoir, également en mer”. Le 10 mars dernier, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, présentait un nouveau plan d’action pour protéger les mers et océans contre les nouvelles menaces. 

L’enjeu est de taille. Comme le résume l’exécutif européen, “plus de 80 % du commerce mondial est effectué par voie maritime et environ deux tiers du pétrole et du gaz dans le monde sont soit extraits en mer, soit transportés par voie maritime”. L’UE compte par exemple organiser un exercice naval annuel et poursuivre le développement des opérations de garde-côtes dans les bassins maritimes européens.

L’UE mène par ailleurs déjà des missions militaires. Au large des côtes somaliennes, l’opération “Atalanta” lutte contre la piraterie depuis 2008. Et la mission “Irini” a été lancée en 2020 pour faire respecter l’embargo sur les armes imposé à la Libye.

D’autres négociations internationales

Autre sujet d’importance et véritable serpent de mer, la gouvernance des océans fait également l’objet de discussions. Début mars, un nouveau traité permettant d’établir des zones marines protégées à grande échelle en haute mer a été signé. Les Etats négociaient cet accord sur la biodiversité par-delà les juridictions nationales (BBNJ pour “Biodiversity beyond national juridiction”) depuis près de 20 ans aux Nations unies. Les zones en dehors des espaces maritimes contrôlés par les Etats comprennent en effet de riches puits de carbone, permettant de recapturer le CO2 dégagé dans l’atmosphère, et des réservoirs biologiques majeurs, qui font l’objet de nombreuses convoitises. Les 27 Etats membres comme la Commission européenne avaient lancé une coalition aux côtés d’une dizaine de pays tiers afin de faire aboutir les négociations internationales sur ce sujet.

Toujours en matière de gouvernance internationale, la Commission a indiqué en juin 2022 que l’exploitation minière en eaux profondes devrait être interdite jusqu’à ce que les connaissances scientifiques sur ses conséquences soient plus poussées. Elle souhaite attendre que les techniques d’extraction n’aient pas d’effets néfastes et que l’environnement marin soit efficacement protégé. L’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) se consacre actuellement à élaborer un code environnemental visant à autoriser ou non l’exploitation minière des océans, par exemple riche en cobalt.

Aux côtés du Costa Rica, la France organise par ailleurs la Conférence des Nations unies pour les océans, qui se tiendra à Nice en juin 2025. Elle a vocation à poursuivre la dynamique engagée avec l’adoption du cadre international pour la biodiversité à la COP15 de Kunming-Montréal en décembre 2022, puis ce fameux accord sur le traité international de protection de la haute mer et de la biodiversité marine, dit “BBNJ”.

Plusieurs pays, dont la France, poussent également pour que l’accord du Cap soit définitivement ratifié. Adopté sous l’égide de l’Organisation maritime internationale en 2012, ce traité international définit des normes pour la sécurité des navires des marins pêcheurs. Dans les faits, plusieurs pays manquaient à l’appel pour que celui-ci puisse entrer en vigueur. En février 2022 à Brest, six Etats s’étaient engagés à le ratifier, ouvrant la porte à une application de l’accord, alors même qu’il doit concrétiser les promesses d’une convention signée en 1977. “Chacun sait que les pêches illégales sont souvent le fait de navires qui ne sont pas aux normes : lutter pour la sécurité des pêcheurs, c’est lutter pour l’amélioration des conditions de travail et pour la protection de la ressource !”, avait martelé la ministre française de la Mer Annick Girardin.

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