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Les députés européens revoient les exigences environnementales de la politique agricole commune

Au terme d’une procédure d’urgence, le Parlement européen a revu les règles de la politique agricole commune (PAC). Pensée pour répondre à la colère des agriculteurs, cette nouvelle version revoit à la baisse les ambitions environnementales.

L’adoption de cette révision est une réponse aux mouvements de contestation des agriculteurs cet hiver (ici à Bruxelles en février 2024) - Crédits : Lukasz Kobus / Commission européenne

La dernière étape d’une révision adoptée en un temps record. Mercredi soir, réunis en session plénière à Strasbourg, les eurodéputés ont validé la révision des règles de la politique agricole commune (PAC) proposée par la Commission européenne mi-mars, sous pression des agriculteurs manifestant aux quatre coins du continent.

La proposition modifie certains critères environnementaux stricts que les agriculteurs devaient jusqu’ici respecter pour toucher les aides de la PAC. “Des flexibilités ciblées pour aider les agriculteurs à accomplir leur travail vital avec plus de confiance et de certitude”, expliquait la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen le 15 mars dernier lors de la présentation des nouvelles mesures. 

La révision des deux règlements est donc passé avec une assez large majorité au Parlement européen (425 voix pour, 130 contre, et 33 abstentions), recueillant les voix des libéraux, des conservateurs et de l’extrême-droite de l’hémicycle. Il suscite toutefois la colère à gauche, tant sur le fond que sur la forme.

“Simplification”…

La révision votée ce mercredi est présentée par le Parlement européen comme une “simplification de la PAC”, afin “d’alléger la charge administrative pesant sur les agriculteurs”. Dans le détail, elle revient sur certaines règles mises en place pour “verdir” la PAC. Parmi elles, les BCAE (pour “bonnes conditions agricoles et environnementales”). Cet “assouplissement” vise par exemple à supprimer l’obligation de mise en jachère d’une partie des terres arables pour favoriser la biodiversité. Celle-ci avait déjà été mise entre parenthèses depuis l’invasion russe de l’Ukraine.

Autre condition allégée : la rotation des cultures sur 35 % des terres arables. Les Etats membres pourront décider de la supprimer au profit d’une simple “diversification” des cultures. Enfin, le texte prévoit d’exempter les petites exploitations de moins de 10 hectares des contrôles liées aux conditions environnementales.

Tête de liste des Républicains et chef de la délégation française du PPE, François-Xavier Bellamy y voit des “mesures de bon sens”, estimant que les paysans étaient “asphyxiés par le poids des normes et des contraintes”. Un avis que partage l’eurodéputé et éleveur de bovins Jérémy Decerle (Renew). “On apporte un peu de simplification pour que les agriculteurs puissent travailler dans des conditions un peu plus sereines”, déclare-t-il. Sur X, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau s’est quant à lui réjoui de “l’adoption […] des nouvelles règles de la PAC permet[tant] leur mise en œuvre rapidement”.

…ou “détricotage”

A gauche de l’hémicycle, les réactions sont diamétralement opposées. Benoit Biteau (Verts/ALE) considère lui que la PAC est “vidée de ses quelques mesures en faveur de la protection de la nature”. Il dénonce “un détricotage du Pacte vert” de la part de la droite européenne, notamment de sa dimension agricole. Sa collègue Marie Toussaint, tête de liste aux élections européennes va plus loin en affirmant que l’UE “est en train de revenir sur des législations encore plus anciennes, et des gains obtenus ces 10 ou 15 dernières années”.

Certains eurodéputés pensent également que cette révision ne répond pas aux demandes des principaux concernés. “Les agriculteurs étaient dans la rue pour demander un revenu décent, moins de concurrence déloyale. Il n’y a rien de tout ça” dans le texte adoptée mercredi, souligne Christophe Clergeau (S&D).

Au-delà du fond, d’autres s’insurgent contre la forme. A commencer par la procédure d’urgence et l’adoption d’une révision en un mois et demi, alors qu’il avait fallu près de cinq ans pour négocier les trois règlements et les quelques 400 articles de la PAC. Enfin, chez les Verts comme chez les socialistes, on regrette l’absence d’un débat dans l’hémicycle. 

Le dossier n’est peut-être pas clos pour autant. Un avis juridique commandé par la commission de l’environnement au Parlement européen fait savoir qu’aucune étude d’impact n’a été faite. Une situation qui pourrait pousser certains députés ou ONG à formuler des recours juridiques.

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