Toute L'Europe – Comprendre l'Europe
  • Actualité

La décarbonation, un défi majeur pour l’agriculture européenne

Grande émettrice de gaz à effet de serre, l’agriculture européenne est particulièrement concernée par les ambitions climatiques du Pacte vert. Au niveau français, comme européen, des dispositifs sont mis en place pour diminuer les émissions du secteur ou les absorber.

En France, la filière bovine est responsable de 41 % des émissions de CO2 du secteur agricole, selon l'INRAE
En France, la filière bovine est responsable de 41 % des émissions de CO2e du secteur agricole, selon l’INRAE - Crédits : Gregory_Dubus / iStock

L’agriculture est-elle un frein aux ambitions climatiques européennes ? En décembre 2019, la Commission européenne présentait les contours de son Pacte vert, sa feuille de route environnementale. Avec un objectif majeur en ligne de mire : parvenir à la neutralité climatique à l’horizon 2050. Elle prévoit aussi de réduire d’au moins 55 % des émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 1990.

Pour cela, les Européens devront impérativement décarboner leur agriculture. Rien qu’en France, le secteur a émis 80,9 millions de tonnes de CO2e en 2020, selon l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE). Un niveau inférieur à celui de 2010 (86,5 millions de tonnes) mais qui représente tout de même 21 % de l’ensemble des émissions nationales. Dans l’Union européenne, l’agriculture était responsable de 11,4 % des émissions de gaz à effet de serre en 2020.

Avec les engrais ou la digestion des animaux, le secteur agricole émet principalement du méthane (CH4) et du protoxyde d’azote (N2O). C’est pourquoi les émissions de gaz à effet de serre dans leur ensemble sont présentées en “équivalent CO2” (CO2e).

Deux leviers pour décarboner

Le secteur vise au niveau national et européen la neutralité carbone à l’horizon 2050 et a pour cela deux piliers”, explique Thierry Caquet, directeur scientifique environnement à l’INRAE, à l’occasion d’une table-ronde consacrée au sujet le 28 février, au Salon International de l’Agriculture. Car l’agriculture a une particularité : être à la fois émetteur et capteur de carbone.

Le premier pilier consiste ainsi, de fait, à réduire les émissions, comme de nombreuses activités s’y attèlent déjà. Le secteur entend développer les énergies renouvelables, diminuer l’apport d’azote aux cultures ou encore utiliser davantage de fertilisants organiques.

Certaines émissions résiduelles ne peuvent cependant pas être totalement éliminées. Ainsi, un second volet consiste à développer les “puits de carbone” pour les absorber. “L’agriculture est la seule activité capable de stocker du carbone”, précise le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau lors de la table-ronde. Un stockage qui peut s’effectuer dans la biomasse, mais aussi dans les sols.

Une stratégie européenne

Ces deux piliers sont notamment exploités au niveau européen. Ainsi, l’Union européenne soutient les initiatives visant à réduire les émissions du secteur agricole. Parmi celles-ci, on peut noter la promotion des pratiques utilisant moins d’engrais, comme le bio, les cultures de légumineuses, ou bien des méthodes d’agriculture de précision pour les adapter aux besoins des plantes. Dans le cadre de sa stratégie “De la ferme à la table” adoptée en octobre 2021, la Commission européenne entend par ailleurs diminuer de 50 % l’utilisation des pesticides d’ici à 2030.

Pour financer des initiatives qui vont dans ce sens, elle dispose d’un puissant élément financier : la politique agricole commune (PAC). Depuis le 1er janvier 2023, celle-ci s’est dotée d’un nouveau mécanisme : l’écorégime. Ce dispositif octroie des aides supplémentaires aux agriculteurs qui promeuvent des pratiques favorables à la préservation de l’environnement et au climat. Il compte pour 25 % des aides directes aux agriculteurs, le principal instrument de la PAC. Quant au contenu de ces écorégimes, ce sont les Etats membres qui l’ont défini. En effet, chacun a dû proposer un plan stratégique national (PSN), une feuille de route pour les cinq prochaines années, validé par la Commission européenne.

L’UE utilise donc également le second pilier : la promotion des puits de carbone. Elle s’est fixé l’objectif d’absorber 310 millions de tonnes de carbone dans le secteur de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF). Elle a pour cela présenté en novembre 2022 une proposition relative à la certification des absorptions de carbone. Celle-ci vise à les quantifier, les surveiller et les vérifier afin de rendre ces processus plus transparents. La proposition doit désormais être examinée par le Parlement européen et le Conseil.

La proposition de règlement établit quatre critères pour “garantir la qualité et la comparabilité des absorptions de carbone”, précise la Commission européenne. Des critères résumés sous l’acronyme QU.A.L.ITÉ :

  • Quantification - mesurer ces activités avec précision et procurer des avantages clairs pour le climat ;
  • Additionnalité - aller au-delà des pratiques existantes et des exigences légales ;
  • Stockage à Long terme - garantir un stockage permanent ;
  • Durabilité - préserver ou contribuer aux objectifs de durabilité tels que l’adaptation au changement climatique, l’économie circulaire, les ressources hydriques et marines et la biodiversité.

L’agriculture française en action

Avec plus de 20 % d’émissions de gaz à effet de serre d’origine agricole, la France est donc particulièrement concernée par ces considérations. “Nos émissions de CO2 baissent. Mais pas assez vite. Pour réussir, il nous faut doubler nos efforts”, écrivait ainsi Emmanuel Macron à ce propos sur son compte Twitter le 28 janvier dernier.

Nous menons une réflexion globale avec tous les maillons de la chaine : les abattoirs, le transport…”, souligne Emmanuel Bernard, président de la section Bovine d’INTERBEV (l’interprofessionnelle du bétail et des viandes). Ce dernier explique que la filière s’est fixé l’objectif de diminuer de 15 % ses émissions carbone entre 2015 et 2025. Elle veut “produire une viande durable” en France, car en faisant venir des produits de l’étranger, le consommateur importe également du carbone, estime M. Bernard. Un avis partagé par la filière céréalière. Pour Jean-François Loiseau, président d’Intercéréales, il est important de changer les habitudes mais “il faut des clients et consommateurs au bout”.

Réunies au Salon international de l’Agriculture mardi 28 février, les deux filières, ainsi que le centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel) ont signé, en présence notamment de Marc Fesneau, des feuilles de route de décarbonation. Ces documents coconstruits avec les ministères de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, de la Transition écologique et de la Transition énergétique fixent des objectifs de réduction des émissions des filières. Elles identifient également les leviers de décarbonation à actionner par l’ensemble des acteurs. Cette signature doit permettre au secteur agricole de réduire drastiquement ses émissions : de 19 % d’ici à 2030 et de 46 % d’ici à 2050.

Des projets européens pour diminuer les émissions 

Les filières de l’agriculture française prennent part à différents projets européens sur le thème de la décarbonation.

Mis en place lors de la précédente programmation (2014-2020), le projet LIFE CARBON DAIRY a impliqué 6 régions françaises, comptabilisant 65 % de la livraison laitière nationale. L’objectif était de “sensibiliser l’ensemble des acteurs et de promouvoir une démarche permettant à la production laitière de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 20 % à échéance de 10 ans, [en 2020]”.

La filière bovine n’est pas en reste avec le projet LIFE BEEF CARBON, mené entre 2016 et 2021. Dans 4 pays dont la France, le programme avait pour objectif “de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) des élevages de bovins viande sans avoir d’impacts négatifs sur d’autres indicateurs environnementaux (stockage de carbone, énergie, biodiversité, qualité de l’air, qualité de l’eau) ou économiques”. Des déclinaisons régionales ont ensuite vu le jour en Nouvelle-Aquitaine ainsi que dans les Hauts-de-France.

Votre avis compte : avez-vous trouvé ce que vous cherchiez dans cet article ?

Pour approfondir

À la une sur Touteleurope.eu

Flèche

Participez au débat et laissez un commentaire

Commentaires sur La décarbonation, un défi majeur pour l'agriculture européenne

Lire la charte de modération

Commenter l’article

Votre commentaire est vide

Votre nom est invalide