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Guerre en Ukraine : pour répondre à la crise agricole, la France et l’UE portent le projet FARM

FARM ou “Food and agriculture resilience mission” est un mécanisme européen proposé pour répondre à la déstabilisation du marché agricole et alimentaire mondial, en conséquence de la guerre en Ukraine.

Le 24 mars 2022, Emmanuel Macron annonce la création de l'initiative FARM afin de faire face à la crise agricole et alimentaire mondiale induite par la guerre en Ukraine - Crédits : Avalon_Studio / iStock
Le 24 mars 2022, Emmanuel Macron annonce la création de l’initiative FARM afin de faire face à la crise agricole et alimentaire mondiale induite par la guerre en Ukraine - Crédits : Avalon_Studio / iStock

Avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février dernier, les deux pays comptaient pour près de 30 % des exportations mondiales de blé, 20 % de maïs et plus de la moitié pour l’huile de tournesol. Ainsi, depuis le début du conflit, les chaînes de production et d’approvisionnement étant perturbées, les prix n’ont cessé de grimper : augmentation de 17 % pour les céréales entre février et mars 2022 et près de 13 % pour l’ensemble des produits alimentaires.

Dans ce contexte, de nombreux pays connaissent des pénuries et risquent de graves crises alimentaires d’ici 12 à 18 mois. C’est le cas notamment des pays du Maghreb, de l’Égypte, du Liban, de la Libye ou encore de l’Éthiopie, des pays déjà fragilisés qui dépendent beaucoup des importations. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que 13 millions de personnes pourraient basculer dans la famine, alors que 800 millions de personnes ont déjà souffert de la faim en 2020, notamment à cause de la pandémie de Covid.

De son côté, l’UE n’est pas menacée, car elle est relativement autosuffisante avec de gros producteurs comme la France (en revanche elle dépend beaucoup des importations d’engrais et d’énergie en provenance de la Russie). Mais pour se prémunir d’un éventuel scénario catastrophe et pour apporter un soutien à des pays plus vulnérables, l’Union européenne s’organise, sous l’impulsion de la France, qui assume la présidence du Conseil jusqu’en juin. Ainsi, le 24 mars dernier, à l’occasion des sommets européens et du G7, Emmanuel Macron a présenté l’initiative FARM pour Food and agriculture resilience mission. Un mécanisme de solidarité qui se veut temporaire, comme celui de Covax pour le Covid-19.

Un mécanisme reposant sur trois piliers

Ce dispositif, piloté par l’UE, a déjà reçu le soutien des organisations des Nations unies : le FAO, le Fonds international de développement agricole (FIDA) et le Programme alimentaire mondial (PAM). Lors d’une conférence organisée à Rome le 12 avril dernier par Jean-Yves Le Drian et Julien Denormandie, les ministres des Affaires étrangères et de l’Agriculture ont présenté les trois piliers de l’initiative. FARM repose dans un premier temps sur un pilier commercial qui doit empêcher les pays de réaliser des stocks au-delà de leurs besoins, favoriser la lutte contre la spéculation trop importante sur le marché des céréales et garantir que les frontières restent ouvertes afin de poursuivre les exportations. Un travail que la FAO s’est engagée à mener.

Le deuxième pilier mise sur la solidarité des acteurs afin de relever les seuils de production, dans les pays européens notamment, et d’assurer un accès suffisant, à des prix raisonnables, aux pays les plus touchés par la crise alimentaire, grâce à la mobilisation des stocks. Concernant la situation de l’Ukraine, l’initiative FARM, en lien avec l’OCDE, doit notamment permettre au pays d’être approvisionné en intrants, semences ou encore carburants pour que les récoltes et les semis puissent être réalisés.

Enfin, le troisième pilier prévoit, sur le plus long terme, des investissements dans les régions les plus vulnérables afin de renforcer la productivité agricole dans ces régions, concernées par les pénuries alimentaires. Cette hausse des seuils de production doit se faire “lorsque cela est possible et sans compromettre les objectifs de durabilité”, a précisé le chef de l’Etat le 24 mars.

L’objectif annoncé par l’Elysée est de rassembler toutes les organisations internationales et rallier tous les pays à cette initiative, avant la fin de la présidence française du Conseil de l’UE, le 30 juin.

Risque de “chacun pour soi”

Mais la tâche s’annonce ardue. De l’aveu de Jean-Yves Le Drian, le pilier solidarité est celui qui nécessite le plus de négociations car il est le plus compliqué à mettre en œuvre : “comment répartir une quantité suffisante de denrées dans les pays les plus fragiles, à des prix abordables et sans perturber le marché ?”, a expliqué le ministre français depuis Rome. La FAO prédit déjà une hausse des stocks de céréales d’ici la fin de l’année 2022 et il faudra également convaincre des pays clés du G20 comme l’Inde ou la Chine. 

Ce qui n’est pas garanti, car le risque du “chacun pour soi” est bien réel, alerte dans une tribune publiée dans Le Monde le 15 avril les dirigeants de l’ONG Agrisud International qui œuvre pour le développement. “L’Argentine a déjà annoncé une taxe sur l’exportation des farines et de l’huile de soja. La Russie a bloqué ses expéditions de céréales et de sucre vers la Biélorussie et les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale. La multiplication de ce type d’actions ne peut qu’accentuer la tension internationale des cours”, écrivent-ils.

Les dirigeant de l’ONG affirment encore que “ce sont les grands opérateurs privés qui détiennent la majorité des stocks. En l’absence de régulation, ils n’ont aucune raison de freiner la hausse des cours, qui conforte leurs marges. Le risque de spéculation est donc important”.

L’Union européenne, à travers la présidence française du Conseil de l’UE, espère donc, d’ici la fin du mois de juin, convaincre l’ensemble de ses partenaires d’adhérer à cette initiative et ainsi de contenir les effets d’une crise alimentaire au niveau mondial. 

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