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Viviane Reding : “Un gouvernement qui contrôlerait en totalité la gestion de la télé publique n’a certainement pas sa place dans une démocratie moderne.”

Dans une interview accordée à Touteleurope.fr, Viviane Reding déplore le choix entériné par Nicolas Sarkozy de taxer les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) pour financer la télévision publique. La Commissaire européenne en charge de la Société de l’information et des Médias déclare : le “lien entre suppression de la publicité sur les chaînes de télé publiques et taxation des opérateurs et des fournisseurs d’accès à internet me paraît plus qu’artificiel”.Â

La suppression totale de la publicité pour la télévision publique française est-elle une bonne idée ?

Je reconnais que le projet de réforme du Président de la République Nicolas Sarkozy présenté en janvier dernier, visant à supprimer la publicité de la télévision publique française ne m’a guère convaincue.

A mon sens, il faut garder à l’esprit l’idée d’un service public de qualité mais il n’est pas nécessaire de supprimer totalement la publicité des chaînes publiques françaises. Je comprends que certains téléspectateurs puissent être agacés par les coupures publicitaires mais cela est sans commune mesure avec ce qui existe outre-Atlantique par exemple. C’est pourquoi le modèle allemand, qui a supprimé les pubs sur les chaînes publiques aux heures de grande écoute, me paraît plus judicieux.

cela dit, il revient à chaque Etat membre de l’Union européenne de décider des moyens de financer sa télévision publique. Et ne nous méprenons pas, un financement étatique à 100 % n’est pas sans risque : tant les responsables éditoriaux dépendants dès lors du bon vouloir du gouvernement en place que les téléspectateurs privés d’une information télévisée objective et de qualité y perdraient. Il y a suffisamment de tristes exemples autour de nous, en Chine ou en Biélorussie. L’Etat en tant qu’actionnaire de la télévision publique a bien entendu un droit de regard sur la gestion de la télé publique, mais un gouvernement qui la contrôlerait en totalité n’a certainement pas sa place dans une démocratie moderne.

Que pensez-vous du projet de taxer les fournisseurs d’accès Internet et les opérateurs de téléphonie mobile pour financer la télévision publique ?

Là encore, ce n’est pas la solution la plus appropriée. Je reconnais que la télévision, qui bénéficie d’une audience certaine, est un tremplin extraordinaire pour les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) comme pour les opérateurs de téléphonie mobile.

C’est pourquoi les FAI comme les opérateurs mobiles vont peu à peu se lancer dans la production de contenus télévisés. Cela devrait d’ailleurs se confirmer avec le développement de la télévision mobile et de la télévision par internet. Cela dit, le lien entre suppression de la publicité sur les chaînes de télé publiques et taxation des opérateurs et des fournisseurs d’accès à internet me paraît plus qu’artificiel.

A mon avis, le recours à une augmentation de la redevance télé aurait été plus logique. Sachez par exemple que la redevance est bien plus élevée en Allemagne ou au Royaume-Uni qu’en France. Je suis bien entendu consciente des répercussions qu’une augmentation de la redevance pourrait avoir sur l’opinion publique française, mais on pourrait imaginer de revoir également les catégories de personnes qui en sont exonérées ou en élargir l’assiette. Il faut expliquer aux Français qu’on ne peut continuer à vouloir le beurre et l’argent du beurre.

Une télévision de qualité a un prix et faire payer les entreprises est assez peu astucieux. Cela va par ailleurs à l’encontre des efforts que nous faisons depuis des années pour renforcer la concurrence dans le secteur européen des Télécoms et offrir des tarifs attrayants aux consommateurs : songez un instant au règlement sur les frais d’itinérance mobile qui a permis à plus de 400 millions de consommateurs européens de bénéficier de réductions allant jusqu’à 60 % de leurs appels téléphoniques mobiles passés ou reçus à l’étranger. Proposer une nouvelle taxe sur les FAI et les opérateurs mobiles, ce n’est donc pas aller dans le sens des réformes actuelles préconisées par la Commission européenne.

Quel est, selon vous, le bon système de financement pour la télévision publique ?

Le traité d’Amsterdam reconnaît aux Etats membres une liberté de choix quant au mode de financement des activités des radiodiffuseurs de service public dont ils ont la responsabilité.

C’est donc à chaque pays de l’UE de déterminer ce qui, pour lui, constitue le meilleur système de financement. Il existe aujourd’hui deux types majeurs de financement : le financement dit “unique” - dans lequel les organismes publics de radiodiffusion sont financés par une seule grande source de fonds publics, ou le financement dit “mixte” - dans lequel les radiodiffuseurs publics sont financés dans des proportions variables par des ressources d’État et par des recettes provenant d’activités commerciales telles que la vente d’espaces publicitaires ou de programmes.

Le modèle mixte a ma préférence non seulement parce qu’il représente un juste équilibre entre redevance et recettes publicitaires mais aussi parce qu’il n’oblige pas la télévision publique à chercher à plaire au gouvernement ou à faire exploser les scores de l’audimat.

Entretien réalisé le 02/09/08

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