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Qu’est-ce que l’article 7, qui permet de sanctionner un Etat de l’Union européenne ?

Lorsque l’un de ses membres ne respecte pas ses valeurs fondamentales, l’Union européenne peut prendre des sanctions à son encontre. Déclenché contre la Pologne et la Hongrie, le mécanisme de l’“article 7” n’a pourtant jamais abouti.

Article 7 du traité sur l'Union européenne
Parfois qualifiée d’ ”arme atomique” de l’Union européenne, la procédure de l’article 7 n’a jusqu’ici jamais été menée à terme - Crédits : iStock / davidhills

L’article 7 du traité sur l’Union européenne (TUE) donne à l’UE la possibilité de sanctionner un État membre qui ne respecterait pas les valeurs énumérées dans le traité : “L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’état de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités […]” (art.2 TUE). Elles doivent guider les actions internes et extérieures de l’Union européenne et de chacun de ses États membres, qui s’engagent à les respecter et les promouvoir en adhérant à l’UE (art. 49 TUE).

L’article 7 décrit la procédure qui permet d’activer ce mécanisme de sanctions. Celle-ci peut en théorie conduire à la suspension des droits de vote d’un Etat membre au Conseil de l’Union européenne - et donc de sa participation à une bonne partie des décisions européennes, qui continueraient toutefois de s’appliquer à lui. Il s’agit du niveau maximal de sanctions que peut imposer l’UE à l’un de ses membres.

La procédure prévoit deux volets, chacun pouvant être utilisé indépendamment de l’autre : un mécanisme préventif et un mécanisme de sanctions.

L’exclusion d’un Etat membre, même pour faute grave ou violation des principes de l’Union, n’est pas prévue par les traités. La seule possibilité pour un Etat de quitter l’UE est encadrée par l’article 50 du TUE, et suppose une décision unilatérale et volontaire de l’Etat concerné.

Que prévoit le mécanisme de prévention ? 

Le mécanisme de prévention peut être activé par un tiers des Etats membres, les deux tiers des députés européens ou la Commission européenne. Ceux-ci proposent alors au Conseil de l’Union européenne de “constater qu’il existe un risque clair de violation grave” des valeurs européennes par un État membre. Celui-ci est alors entendu par le Conseil, qui “peut lui adresser des recommandations”.

Le Conseil de l’Union européenne peut ensuite constater ce risque de violation par un vote à la majorité des quatre cinquièmes (art.7.1.1 TUE). L’Etat membre concerné ne prend pas part au vote (art. 354 TFUE). Si ce constat est établi, le Conseil doit surveiller la situation du pays (art.7.1.2) et établir un dialogue avec lui. Le traité ne prévoit pas d’échéance particulière. 

Que prévoit le mécanisme de sanctions ? 

L’article 7 prévoit également un mécanisme de sanctions. Celui-ci peut être activé par la Commission européenne ou un tiers des États membres, après approbation du Parlement européen. Ceux-ci demandent alors au Conseil européen de “constater l’existence d’une violation grave et persistante” des valeurs fondatrices par un État membre (art. 7.2), et non plus seulement un “risque”. Le Conseil européen ne peut alors prendre cette décision qu’à l’unanimité moins le pays concerné, exclu du vote (art. 354 TFUE).

Si le Conseil européen franchit cette étape, le Conseil de l’UE peut alors, à la majorité qualifiée de ses membres (55 % des États représentant au moins 65 % de la population de l’UE), suspendre certains droits dont le pays dispose du fait de son appartenance à l’UE. Il s’agit notamment de ses droits de vote au sein du Conseil. En revanche, il doit toujours s’acquitter de ses devoirs en tant que membre de l’UE (art. 7.3).

Seul le Conseil peut décider de lever ou modifier les sanctions, s’il constate “des changements de la situation qui l’a conduit à imposer ces mesures”. Il statue alors de nouveau à la majorité qualifiée (art. 7.4).

Quels sont les pays visés par cette procédure ?

L’article 7 a été utilisé pour la première fois à l’encontre de la Pologne le 20 décembre 2017, à l’initiative de la Commission européenne. Celle-ci a demandé au Conseil de constater un “risque de violation grave” des valeurs fondatrices, après de longs mois de discussions infructueuses avec Varsovie, qui prévoyait une réforme remettant en question l’indépendance de la justice. Le 7 mars 2018, les eurodéputés ont apporté leur soutien à la Commission européenne.

Le 12 septembre 2018, deux tiers des députés européens ont voté en faveur du déclenchement de la même procédure pour la Hongrie. Leurs préoccupations portaient notamment sur l’indépendance de la justice, la liberté d’expression, la corruption, le droit des minorités et la situation des migrants et des réfugiés. 

Le déclenchement des deux procédures n’a, pour le moment, mené à aucune sanction. Celles-ci n’ont pas même atteint le stade des mesures préventives, le Conseil de l’UE n’ayant jamais constaté par un vote le “risque clair de violations” des valeurs européennes. 

Les eurodéputés fustigent régulièrement l’inaction du Conseil pour contenir les atteintes à la démocratie dans ces deux pays. Le 18 janvier 2024, ils ont de nouveau regretté que le Conseil n’applique pas la procédure prévue et invité le Conseil européen à déterminer si la Hongrie avait commis des ʺviolations graves et persistantes des valeurs de l’Unionʺ. La Pologne, dont l’ancien gouvernement nationaliste a été évincé du pouvoir en décembre 2023, n’apparaît en revanche plus visée par le Parlement européen.

La procédure de l’article 7 est-elle efficace ?

La procédure de l’article 7 du traité sur l’Union européenne est parfois qualifié “d’arme nucléaire”. La sanction à laquelle elle peut aboutir, à savoir priver un Etat de son droit de vote au Conseil de l’Union européenne, est en effet particulièrement lourde et se veut dissuasive. 

Longue et remplie d’obstacles, elle n’a toutefois jamais été menée à terme. D’une part, ses étapes ne sont pas assorties de délais fixés par les traités. Surtout, son aboutissement est conditionné à un vote à l’unanimité moins une seule voix au Conseil européen. Or la Pologne et la Hongrie avaient annoncé qu’elles se soutiendraient mutuellement en rejetant la constatation de violations de l’état de droit si jamais la procédure allait aussi loin. Bien que le nouveau gouvernement polonais élu en 2023 apparaisse respectueux de l’état de droit, Budapest pourrait désormais être appuyée par la Slovaquie, dirigée depuis octobre 2023 par un Premier ministre populiste. 

Toutefois, le simple déclenchement de la procédure par les députés européens en 2017 et 2018 a déjà pu constituer une “forme d’humiliation” pour les deux pays, analyse Laurence Burgorgue-Larsen, professeure de droit public à la Sorbonne. Une décision qui a créé un “électrochoc positif pour l’UE en tant que projet politique”, et montré qu’elle avait des valeurs à défendre face à la montée des démocraties illibérales et des discours xénophobes.

Dialogue et conditionnalité

Depuis 2020, la Commission mène, de concert avec les Etats membres, un dialogue sur l’état de droit au sein de l’Union, qui donne lieu à la publication d’un rapport annuel. Celui-ci propose une synthèse de la situation de l’état de droit en Europe, ainsi que 27 chapitres d’analyses nationales, pays par pays, destiné à cibler les évolutions et menaces potentielles au sein des Etats membres. 

Souhaitant des résultats plus concrets que symboliques, l’Union européenne a également mis en place un autre mécanisme de sanctions, financières cette fois-ci, à l’égard des Etats se rendant coupables de violations des valeurs européennes et de l’état de droit. Ce nouvel instrument, qui conditionne l’octroi des fonds européens au respect des valeurs de l’Union, a été utilisé en décembre 2022 contre la Hongrie. 

Enfin, lorsqu’un Etat ne respecte pas le droit de l’Union (et non plus seulement ses valeurs telles que l’état de droit), la Commission peut engager une procédure d’infraction à son encontre et saisir la Cour de justice de l’Union européenne. Ce qu’elle a notamment fait dès 2017 contre la Pologne en raison de sa réforme de la justice, ou encore en juillet 2022 contre la Hongrie pour violation des droits des personnes LGBTIQ.

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