Quelle définition donneriez-vous au concept de “citoyenneté active” ?
Historiquement, ce concept renvoie à la Révolution Française. On y distinguait deux types de citoyens : d’un côté ceux qui pouvaient contribuer à l’élaboration des lois et donc s’engager dans la Cité avec des responsabilités, ce sont les citoyens actifs ; de l’autre, les citoyens qui obéissaient aux lois, tout comme les premiers, mais qui ne pouvaient pas contribuer à leur élaboration, qui étaient en quelque sorte consommateurs de citoyenneté, ce sont les citoyens passifs. Cette distinction est illustrée par le fameux cens électoral, cette somme que les citoyens devaient s’acquitter pour pouvoir voter et être élu.
Ce think tank créé en 2007, réfléchit sur le rôle et la place du sport dans les sociétés européennes. Il publie une revue sur ces questions tous les trois mois.
Aujourd’hui, cette distinction basée sur l’argent n’existe plus, mais l’idée est transposable à notre société. Il y aurait ceux qui consomment de la citoyenneté et ceux qui s’engagent dans des activités associatives, dans des modèles de production différents, dans des constructions culturelles et politiques, et qui se disent, à leur niveau, qu’ils peuvent agir et modifier les choses. La citoyenneté active serait alors une autre façon de vivre son insertion dans un groupe humain. Comme nous n’existons pas indépendamment des relations sociales, ce serait aussi, finalement, un rapport à soi, à son propre équilibre personnel. Dès lors, construire un projet politique d’émancipation des personnes autour d’un projet de citoyenneté active est fondamental. Il est nécessaire de promouvoir à la fois la liberté des personnes mais aussi faire valoir qu’il n’y a pas de liberté de cette nature sans solidarité avec les autres et sans participation à la construction de ce lien social. C’est, il me semble, un combat très actuel et plein d’avenir, et un rapport très intéressant à notre propre humanité.
Cette citoyenneté active existe-t-elle à un niveau européen ?
Je ne pense pas. A mes yeux, la grande crise de l’Europe, c’est celle-ci, la crise d’un esprit public européen. On a voulu construire l’Europe à travers des mécanismes de marchés, sans mesurer à quel point une Nation qui se construit - la Nation européenne - a besoin d’un ciment spirituel, culturel, a besoin de partager des valeurs, des projets communs. C’est aussi ça la citoyenneté active.
Aujourd’hui, je suis frappé par cette absence de projet commun. Il suffit de discuter avec des amis bulgares, chypriotes, anglais, suédois, espagnols… pour se rendre compte que nous ne partageons pas la même vision de ce que nous voulons faire de l’Europe. C’est quelque chose de très grave. Nous n’avons pas suffisamment tenu compte de cette question de citoyenneté commune, de la politique à mener pour que les gens ne soient pas simplement consommateurs d’Europe, pas simplement citoyens de leur Nation, mais citoyens européens au sens actif du terme. Les petits éléments qui existent, par exemple les échanges d’étudiants, sont d’ailleurs une réussite, pour ceux qui en bénéficient, mais ils sont très insuffisants. Il n’y aura pas d’Europe si nous ne sommes pas capables de faire cela.
Le sport peut-il jouer un rôle dans ce domaine ?
Indéniablement. Le sport tisse des liens très forts entre les citoyens, même quand ils ne partagent pas la même langue.
En savoir plus :
La politique européenne du sport - Touteleurope.fr
Le sport et l’Union européenne - Touteleurope.fr
Sport et Citoyenneté