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Une possible remise en cause de l’aide européenne aux plus démunis ?

Les ministres de l’Agriculture de l’Union européenne se réunissent demain, mardi 20 septembre 2011 à Bruxelles. Ils aborderont notamment la question de la remise en cause du programme d’aide européenne aux plus démunis (PEAD), jugée illégale par le Tribunal de l’Union européenne en avril dernier.

Le débat actuel sur la diminution drastique du programme d’aide européenne aux plus démunis (PEAD) est survenu suite à une décision du Tribunal de l’Union européenne qui a jugé illégal le règlement mettant en place le PEAD. Ce règlement instaure une redistribution de produits alimentaires aux ONG après que celles-ci aient été achetées grâce à des subventions de l’UE. Le tribunal a souligné que ce règlement n’avait pas été adopté selon la bonne base juridique : la base juridique adoptée fut celle de l’agriculture, or le tribunal estime que l’objet premier du plan d’aide n’est plus agricole, mais social.

La base actuelle “agricole” du règlement remonte à l’instauration de ce plan d’aide : au milieu des années 1980, l’agriculture européenne connaissait en effet des stocks excédentaires, ces derniers furent redistribués aux personnes dans le besoin. Jusqu’à présent donc, la somme dédiée au plan d’aide était issue de la PAC. Or la situation du marché agricole européen a beaucoup évolué, et les excédents se font rares.

Ce plan d’aide aux plus démunis fut mis en place grâce à une collaboration entre Coluche et Jacques Delors, au milieu des années 1980. Il a permis la distribution de matières premières aux personnes dans le besoins (sucre, œufs, lait, farine, pâtes, beurre, etc.). Après plusieurs remaniements, la Commission décide en 2008 d’allouer des enveloppes financières aux organisations caritatives agréées afin qu’elles achètent elles-mêmes les denrées alimentaires.

La base juridique d’un texte permet de déterminer la compétence exacte de l’Union européenne (compétence exclusive, compétence partagée).

Elle influence également le mode de vote du texte (unanimité ou majorité qualifiée par exemple).

Le choix de la base juridique d’un texte n’est donc jamais anodin !

Ce plan d’aide a vu son budget passer de 100 millions à ses débuts à plus de 300 millions en 2008.

Un blocage des Etats membres

Plusieurs pays membres de l’UE (Allemagne, Royaume-Uni, Suède, Danemark, Pays-Bas, Autriche, République tchèque) souhaitent faire de ce plan d’aide une politique sociale. Ce sont ces mêmes Etats qui ont saisi le Tribunal. La Commission, de son côté, considère que ce plan d’aide doit rester dans le domaine de la PAC.

Face à cette résistance et à ce blocage, la Commission souligne que “depuis 2008, nous cherchons à modifier le texte mais cela n’a jamais été accepté par le Conseil” . Or pour le commissaire européen en charge de l’Agriculture, “si les Etats adoptaient le texte qu’elle propose, celui-ci pourrait être mis en place pour 2012 (…). Et la Commission n’a pas réduit l’enveloppe, au contraire, elle l’a augmentée par le passé. L’argent est toujours là” .

Une première réunion des ministres de l’Agriculture de l’Union européenne a eu lieu sur ce sujet en juin 2011, mais sans apport réel. Les divergences de point de vue, notamment sur la base juridique du règlement, étaient toujours visibles, et aucun rapprochement ne semblait se faire.

Parlementaires européens et associations caritatives en alerte

Suite à la décision du Tribunal, la Commission européenne a annoncé une diminution sévère de l’aide alimentaire apportée aux personnes démunies. Celle-ci passerait de 500 millions d’euros à 113 millions d’euros en 2012 pour toute l’Union européenne.

Les parlementaires européens socialistes et écologistes ont clairement fait savoir leur mécontentement et leur indignation face à ces décisions. Daniel Cohn-Bendit estime qu’ “avec la crise et les coupes budgétaires drastiques dont souffrent principalement les plus démunis et les plus fragiles de nos concitoyens, nous ne pouvons pas continuer à regarder et laisser faire” .

Karima Delli, députée européenne, membre de la commission de l’Emploi et des Affaires sociales, souligne que “ce programme s’est révélé efficace ces 25 dernières années, venant en aide aux populations les plus fragiles. Y mettre un terme sans autre forme de procès reviendrait à renoncer au principe de solidarité qui est la base du projet européen” .

Dans une intervention au Parlement européen, la député européenne socialiste Estelle Grelier soulignait l’été dernier que “prendre prétexte d’ambiguïté juridique pour démanteler, comme cherchent à le faire certains États membres, un dispositif d’aide alimentaire qui a fait ses preuves serait désastreux pour les populations concernées mais aussi pour la crédibilité et l’image de l’Europe” .

La réunion de demain pourrait s’avérer déterminante pour la promotion du modèle social voulu par l’Union européenne. Pour l’instant, les associations caritatives manifestent leur fort mécontentement. Ainsi, Olivier Berthe, le président des Restos du Cœur a souligné qu’il faudra s’attendre à “une catastrophe humanitaire en 2012 et 2013” . Cet état d’alerte est également partagé par le président de la Fédération française des banques alimentaires : “Jusqu’à début 2012, on peut vivre sur les réserves de produits déjà collectés. Mais après, sans financement supplémentaire, on aura des problèmes” .



En savoir plus

Décision du Tribunal du 13 avril 2011, Allemagne contre Commission - Eur-lex

Agenda de la réunion des ministres de l’Agriculture de l’Union européenne (en anglais) [pdf] - Présidence de l’Union européenne

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