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Une journée à la Cour de Justice de l’Union Européenne

Ville de Luxembourg, mars 2010. Sur le plateau du Kirchberg, au beau milieu d’une zone de bureaux largement en chantier, se trouve la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). Le bâtiment imposant et froid cache une vraie ruche européenne, au fonctionnement très codifié. Hier on parlait football, aujourd’hui c’est Internet qui occupe les juges. A la clé, des décisions qui touchent de près les citoyens des 27 Etats membres. Récit d’une journée au cœur d’une institution trop peu connue.

La CJUE est la juridiction suprême de l’Union européenne. Anciennement appelée Cour de Justice des Communautés Européennes avant l’entrée en vigueur en 2009 du Traité de Lisbonne, elle est composée de la Cour de Justice, du Tribunal de première instance et du Tribunal de la fonction publique. La compétence de la Cour s’étend au droit européen, défini par les traités de l’Union européenne dont elle assure le respect et l’application. Elle peut être saisie par les Etats membres et consultée par les juges nationaux.

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Il est environ 10 heures quand l’audience commence. Des projecteurs éclairent un impressionnant chapiteau métallique qui surplombe la grande salle. Les avocats des différentes parties sortent un instant pour se concerter. Au fond, une grande porte s’ouvre et laisse entrer les 13 juges. Le public se lève. L’ambiance est solennelle : c’est la justice européenne qui va être rendue. L’avocat général et le greffier sont situés de part et d’autre de la salle. L’audience peut commencer.

Ce matin, c’est une question de protection des consommateurs sur Internet qui est traitée. L’affaire “Hotel Alpenhof GesmbH/Oliver Heller” concerne au départ un retraité allemand, qui a réservé une chambre d’un hôtel autrichien sur Internet. Le premier avocat s’exprime en allemand. Chaque partie a le droit d’entendre son avocat plaider dans sa langue maternelle.

A la CJUE, chacun peut s’exprimer dans n’importe laquelle des 23 langues officielles de l’UE. Et tout ce qui est dit en audience est retraduit en direct dans toutes ses langues officielles. Des cabines vitrées surplombent la salle d’audience, dans lesquelles s’agitent les interprètes, qui s’efforcent de parler aussi avec les mains pour retranscrire l’intensité des débats. Dans la salle, le public peut donc écouter l’audience en finlandais, espagnol, hongrois ou gaélique, à l’aide d’un casque.

Le Français, langue de fonctionnement officielle

Pas moins de 800 traducteurs-juristes travaillent pour la CJUE. Ils doivent maîtriser au moins trois langues européennes sur le bout des doigts, et connaître le droit pour pouvoir traduire des nuances juridiques pointues du néerlandais au grec, du portugais au letton. Un tel arsenal entraine des coûts énormes, mais le bon fonctionnement de la démocratie est à ce prix.

Comme la procédure est principalement écrite (un héritage du système français, dont s’inspire la Cour), ils peuvent préparer les audiences à l’avance, mais doivent aussi pouvoir improviser. Pour simplifier les débats, tout document de travail est traduit vers le français, qui est la langue officielle de fonctionnement de la CJUE. Il est, avec l’anglais et l’allemand, la langue la plus utilisée dans les couloirs de la Cour.

Dans la salle d’audience, le débat se concentre sur la différence entre une page d’accueil “passive” et une page d’accueil “interactive” , où le consommateur peut entrer des informations. La toile de fond du débat est résumée ainsi : “les citoyens doivent bénéficier des mêmes conditions de transaction, quel que soit l’Etat membre où ils achètent un service” . Les propos deviennent vite techniques, si bien qu’une dame passe spécialement dans les rangs pour réveiller les endormis dans la salle !

De l’importance sociale du football en Europe

CJUEPourtant, pas de temps mort : le déroulement de l’audience est bien huilé. Ce sont d’abord les avocats des deux parties qui s’expriment. Ensuite, les Etats membres qui le souhaitent peuvent chacun à leur tour s’exprimer sur l’affaire. En effet, quand une question préjudicielle parait au Journal Officiel, chaque institution européenne et chaque Etat membre peut déposer des observations et réagir en séance.

Pour l’affaire Alpenhof, l’Autriche, la République Tchèque et les Pays-Bas ont choisi de s’exprimer. La participation des Etats-membres est généralement liée au thème de l’affaire. Par exemple, il est connu que la France choisira toujours de s’exprimer sur les affaires concernant les services publics, tandis que le Royaume-Uni sera attentif aux questions fiscales.

Ce sont les Etats membres qui choisissent leurs représentants, qui viennent plaider dans leurs toges nationales. La France se fait représenter par des fonctionnaires de la direction des affaires juridiques du ministère des affaires européennes. L’Allemagne se fait toujours représenter par des agents du ministère de l’industrie, une tradition qui date de la CECA.

Le Royaume-Uni fait appel à ses “barristers” , affublés de leur célèbre perruque blanche. Spécialisés par sujets, ils ont un grand savoir-faire et savent doser les effets de manche. Pour ce qui est de la Commission, les interventions de ses représentants sont toujours remarquables et très écoutées, nous dit-on.

Les membres de la CJUE

Vassilios Skouris (Grèce)
est Président de la Cour de Justice depuis le 7 octobre 2003.
Bien sûr, les 27 juges de la CJUE (un par Etats membre) ne peuvent pas être des spécialistes de tous les sujets traités en audience. Ils doivent accomplir un grand travail en amont, avec leurs conseillers, pour se forger une conviction sur les 600 affaires réparties entre eux chaque année. Ils peuvent se référer à des experts, mais se documentent surtout à la bibliothèque de la Cour. Les parties apportent également beaucoup d’éléments dans chaque dossier.

Le 16 mars 2010, l’arrêt “Olympique Lyonnais c/ Olivier Bernard, Newcastle UFC” stipule qu’un joueur de football formé dans un club peut à l’issue de sa formation aller jouer pour le club d’un autre Etat membre, contre dédommagements. La Cour a cité “l’importance sociale considérable du football” dans l’UE pour justifier sa décision. Quelle que soit l’affaire débattue, il n’est pas question de prendre à la légère des décisions qui toucheront 500 millions de citoyens.


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Le dossier CJUE sur Touteleurope.fr

Le site de la CJUE

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