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Sylvie Goulard :“Je m’étonne que 27 gouvernements soutiennent unanimement quelqu’un qui a une vision aussi peu stratégique”

Jeudi dernier, José Manuel Barroso, président sortant de la Commission européenne, a publié son programme politique pour les cinq années à venir. Pour l’instant, il est le seul candidat à sa réélection à la présidence de la Commission européenne, ayant été choisi par les gouvernements des 27 lors du Conseil Européen de juin. Toute l’Europe.fr a recueilli l’avis de Sylvie Goulard, eurodéputé ADLE et Présidente du Mouvement européen France, sur le programme politique de M. Barroso en vue du vote de la semaine prochaine.

Sylvie Goulard, députée européenne, membre de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, livre une analyse sévère du programme de M. Barroso.


Quelle est votre opinion du programme de M. Barroso ?

D’abord, je voudrais faire une remarque préliminaire. Ce n’est pas une question de personne, ni une contestation du résultat des élections du mois de juin dernier qui ont porté au Parlement européen un groupe PPE majoritaire. Mais cette majorité est relative. M. Barroso a besoin de soutien au-delà de sa famille politique. Notre rôle est de faire valoir nos exigences. Nous voulons savoir quelle politique que M. Barroso propose pour les cinq ans à venir. Son document pour le Conseil européen était trop court et ne permettait pas de se faire une idée précise de ses intentions.

Ainsi et j’insiste, nous avons voulu reporter la décision prévue dès la première session de juillet pour travailler sur le fond. Voter si tôt n’aurait pas permis un débat public au Parlement sur les orientations politiques de la prochaine Commission. Nous lui avons remis un mémorandum dans lequel il y avait cinq points cruciaux aux yeux des membres de l’ADLE. Le programme qu’il a rédigé en réponse est décevant : il prétend être un agenda de transformation mais c’est un agenda de “business as usual” . Je retiendrai trois exemples :

  • Premièrement, nous avons demandé une réponse commune, européenne à la crise. L’Union européenne est confrontée à une alternative. Soit elle régresse et deviendra une confédération d’Etats aux positions divergentes, soit nous décidons de nous unir en parlant d’une voix forte. La simple coordination de 27 plans nationaux, parfois protectionnistes, ne constitue pas une réponse à la hauteur du défi. M. Barroso se borne à invoquer la mise en œuvre du plan de coordination déjà adopté.

  • Deuxièmement, nous avons insisté sur la création d’un superviseur financier unique, sous la forme d’un nouvel organisme européen pleinement compétent. Là encore, M. Barroso reste en deçà de nos attentes en renvoyant au rapport Larosière.

  • Troisièmement, le groupe ADLE avait insisté sur les libertés publiques. Nous avons proposé la création d’un Commissaire en charge des libertés publiques. Cet été, les attaques contre la liberté de la presse dans l’Etat fondateur qu’est l’Italie prouvent qu’il existe un enjeu. M. Barroso ne répond pas à cette demande.

D’une manière générale, je suis très frappée par le fait que son document ne parle que de “l’Europe” , et très peu de “l’Union européenne” et de la méthode communautaire. De la part du Président de la Commission, c’est inquiétant.

Il y a d’autres exemples de sujets sur lesquels il ne répond pas grand chose. Par exemple, sur la réforme de la PAC, si importante en France et notamment dans l’Ouest, ou sur les ressources propres.

Est-ce qu’il a pris en compte des points que le ALDE voulez voir dans son programme ?

M. Barroso adopte un ton allant pour faire plaisir aux uns et aux autres. Il aborde de nombreux points mais, au total, son document, est très léger. Il donne l’impression de répondre mais pour fâcher personne il ne répond pas. Qu’est-ce qu’il propose, par exemple pour le développement durable et une économie verte ? Ce n’est pas clair.

Le vote devrait-il être reporté après le résultat du référendum irlandais ?

Distinguons le problème juridique du problème politique. Selon certains juristes, il faudrait revoter car la règle du désignation du Président change, notamment la majorité requise passe de la majorité simple (sous Nice) à la majorité des membres du Parlement européen (sous Lisbonne).

Il est un peu curieux, alors que 26 Etats sur 27 ont négocié le Traite de Lisbonne et largement entamé sa ratification, de voir les gouvernements se précipiter pour appliquer l’ancienne règle. C’est pourquoi personnellement, je suis favorable à un report du vote.

Quel pronostic pour ce vote ? Quid du vote du Parti Socialiste européen ?

Curieusement, les socialistes n’ont pas présenté de candidat pendant la campagne électorale. Il aurait été utile que chaque parti politique propose un ou deux noms ; cela aurait permis de confronter des programmes et des visions de l’Europe.

Certains gouvernements socialistes soutiennent M. Barroso alors qu’en général, la gauche reproche à sa politique d’avoir été trop libérale. Je ne comprends pas ce grand écart. Je trouve légitime que chaque parti politique, dans une démocratie, défende des idées portées par un homme ou une femme. A l’intérieur du PPE, il y a des personnes plus communautaires que d’autres. Il y a aussi des personnalités qui n’ont pas le bilan médiocre des cinq dernières années de M. Barroso.

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