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Statut spécial du Royaume-Uni : que contient l’accord “anti-Brexit” ?

Le soir du 19 février 2016, les chefs d’Etat et de gouvernement européens ont conclu un accord “anti-Brexit”. Celui-ci accorde au Royaume-Uni un certain nombre de concessions et renforce son statut particulier au sein de l’Union européenne. Il prévoit ainsi de limiter les aides sociales des expatriés européens, d’octroyer un droit de veto aux Parlements nationaux sur certaines réglementations européennes, d’exclure le Royaume-Uni de l’objectif d’une “Union sans cesse plus étroite” et de reconnaître l’existence de plusieurs monnaies au sein de l’Union européenne. Il s’appliquera si les Britanniques choisissent de rester membres de l’UE lors du référendum du 23 juin.

Dans une lettre du 10 novembre 2015 adressée au président du Conseil européen, Donald Tusk, David Cameron avait auparavant officialisé la liste des réformes qu’il souhaitait engager.

Le matin du 23 janvier 2013, le Premier ministre David Cameron prononce un discours-clé sur l’Europe. Il y annonce que s’il est réélu lors des législatives de 2015, il proposera un référendum sur le maintien ou la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Mais aussi que ce référendum sera organisé après avoir négocié un certain nombre de changements avec ses partenaires européens dans le fonctionnement de l’Union.

“L’ensemble des dispositions visées ci-après (…) prendront effet le jour où le gouvernement du Royaume-Uni informera le secrétaire général du Conseil que le Royaume-Uni a décidé de rester membre de l’Union européenne” - Conclusions du Conseil européen des 18 et 19 février 2016.

C’est cet accord qui a, après de longs mois de négociations, été signé le 19 février 2016 à l’issue d’un Sommet européen.

Le texte de l’accord comprend quatre principales réformes, que l’Union européenne devra mettre en oeuvre si le Royaume-Uni reste membre de l’Union européenne.

Il serait ainsi immédiatement valable après le référendum mais ne serait intégré dans les traités que lors de leur prochaine révision.

Certaines mesures s’appliqueraient à l’ensemble des Etats membres, d’autres au Royaume-Uni seul.

Immigration : la limitation des aides sociales pour les nouveaux migrants issus de l’Union européenne

En vertu de l’accord, le Royaume-Uni mais aussi les autres Etats membres pourront décider, sous certaines conditions, de limiter certaines aides sociales pour les non nationaux issus de l’Union européenne.

Conformément au principe de libre circulation, les travailleurs européens ont le droit d’exercer une activité professionnelle dans un autre État membre de l’Union que le leur et d’être traité sur un pied d’égalité avec les ressortissants de cet État membre, y compris de recevoir les mêmes aides sociales (chômage, retraite, sécurité sociale, allocations familiales…) qu’un ressortissant national.

Dans sa jurisprudence, la Cour de Justice de l’Union européenne a précisé les contours de ce principe, en particulier pour ce qui relève du droit aux prestations sociales. Ainsi, les Etats membres ne sont déjà pas tenus d’octroyer ces aides à des citoyens d’autres Etats membres qui ne se rendent sur leur territoire que dans le but de bénéficier de l’aide sociale (novembre 2014), ou peuvent exclure de prestations sociales des citoyens d’autres Etats membres qui resteraient trop longtemps inactifs ou ne disposent pas de moyens financiers suffisants (septembre 2015).

Mais l’accord du 19 février 2016 va plus loin en instaurant un “mécanisme d’alerte et de sauvegarde” . Celui-ci permet au pays de limiter les aides sociales non contributives (c’est-à-dire versées sans contrepartie de cotisations) des travailleurs de l’Union nouvellement arrivés dans le pays, pendant quatre ans maximum à partir du début de leur emploi. Ainsi peuvent être concernées les allocations familiales, les allocations logement, les prestations destinées aux handicapés ou encore le revenu minimum. Mais les pensions de retraite, d’invalidité, de veuvage, d’accidents du travail, les allocations de chômage et les indemnités de maladie ne pourront pas être réduites pour ces travailleurs.

L’exclusion des prestations sociales doit être “graduée” , c’est à dire débuter par une exclusion éventuellement totale pour être progressivement limitée à un certain montant.

Mais surtout, ce mécanisme ne peut être utilisé qu’en cas d’ “afflux d’une ampleur exceptionnelle et pendant une période prolongée de travailleurs en provenance d’autres d’États membres” qui peut affecter les “aspects principaux de son système de sécurité sociale” . Et soumise, après notification de l’Etat intéressé, à l’autorisation du Conseil de l’Union européenne. Cette autorisation vaut ensuite pour une période de sept ans maximum.

Un autre instrument, permanent celui-ci, permet au Royaume-Uni (et à tous les autres pays à partir de 2020) d’indexer les allocations familiales accordées aux parents dont les enfants sont restés dans leur pays d’origine, au niveau de vie de ce pays.

Fin de “l’union sans cesse plus étroite” pour le Royaume-Uni

“(…) le Royaume-Uni n’est pas tenu de prendre part à une intégration politique plus poussée dans l’Union européenne. La substance de ce qui précède sera intégrée dans les traités lors de leur prochaine révision (…) de manière à indiquer clairement que les références à une union sans cesse plus étroite ne s’appliquent pas au Royaume-Uni (…). Les références à une union sans cesse plus étroite entre les peuples sont donc compatibles avec la possibilité (…) d’emprunter différentes voies d’intégration, et elles n’obligent pas l’ensemble des États membres à aspirer à un destin commun” - Conclusions du Conseil européen des 18 et 19 février 2016, Section C (Souveraineté).

Inscrite dans le traité de Rome à la création de la Communauté économique européenne en 1957, l’objectif d’une “union sans cesse plus étroite” (en anglais : “ever closer union”) entre les peuples de l’Europe est aujourd’hui mentionné dans le préambule et l’article 1 du traité sur l’Union européenne (TUE), ainsi que dans le préambule du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Bien que cette formulation soit avant tout symbolique, elle est interprétée par de nombreux Britanniques comme révélatrice d’un processus devant aboutir petit à petit à un Etat fédéral et amoindrissant par là-même “sans cesse” la souveraineté nationale.

Ainsi, le “statut spécial” du Royaume-Uni lui permettrait, lors d’une prochaine modification des traités (par exemple en cas d’élargissement ou d’une réforme des traités) d’être explicitement dispensé de l’obligation de former avec les autres pays européens cette “union sans cesse plus étroite” .

Non-discrimination pour les monnaies autres que l’euro

David Cameron, qui ne voulait pas voir le statut du Royaume-Uni handicapé par le fait que le pays n’utilise pas l’euro, s’est félicité d’avoir obtenu des protections pour la City contre toute discrimination des pays utilisant la monnaie unique. Il a estimé que l’UE reconnaissait “pour la première fois” qu’elle avait plusieurs monnaies.

Il est admis que les États membres qui ne participent pas à l’approfondissement de l’Union économique et monétaire n’entraveront pas ce processus, mais le faciliteront, tandis que ce processus, à l’inverse, respectera les droits et les compétences des États membres non participants. - Conclusions du Conseil européen des 18 et 19 février 2016, Section A (Gouvernance économique).

Toutefois, le texte de l’accord reste vague sur ce point. Après avoir rappelé en préambule que “l’objectif de l’Union consist[ait] à établir, conformément aux traités, une Union économique et monétaire dont la monnaie est l’euro” , il insiste à plusieurs reprises sur le fait que le Royaume-Uni n’est pas (du fait d’exemptions négociées lors du traité de Maastricht) contraint d’adopter l’euro, mais ne saurait non plus en freiner le processus ni participer aux décisions qui ne relèvent que de la zone euro.

Toutefois, l’accord précise effectivement que “Toute discrimination entre personnes physiques ou morales fondée sur la monnaie officielle de l’État membre où elles sont établies ou, le cas échéant, sur la monnaie ayant cours légal dans cet État membre, est interdite. Toute différence de traitement doit reposer sur des raisons objectives” . Et clarifie le principe déjà à l’oeuvre selon lequel “les mesures d’urgence et de crise destinées à préserver la stabilité financière de la zone euro n’engageront pas la responsabilité budgétaire des États membres dont la monnaie n’est pas l’euro (…)

Un veto des parlements nationaux ?

Dans le cas où les avis motivés sur le non-respect du principe de subsidiarité par un projet d’acte législatif de l’Union, adressés dans un délai de douze semaines à compter de la transmission dudit projet, représentent plus de 55 % des voix attribuées aux parlements nationaux, la présidence du Conseil inscrira la question à l’ordre du jour du Conseil afin que ces avis et les conséquences à en tirer fassent l’objet d’une délibération approfondie. À la suite de cette délibération (…), les représentants des États membres (…) mettront fin à l’examen du projet d’acte législatif en question, sauf si le projet est modifié de manière à tenir compte des préoccupations exprimées dans les avis motivés. - Conclusions du Conseil européen des 18 et 19 février 2016, Section C (Souveraineté).

Le système de “carton rouge” souhaité par le Premier ministre britannique, qui permettrait à un groupement de parlements nationaux d’opposer un veto à toute législation européenne, a été adopté. Mais il resterait complexe à mettre en oeuvre.

Selon l’accord, plusieurs conditions sont requises pour qu’un projet d’acte législatif européen soit abandonné suite à un tel veto des parlements nationaux. Il doit notamment :

  • enfreindre le principe de subsidiarité
  • rencontrer l’opposition de plus de 55% des parlementaires nationaux
  • faire l’objet d’un examen du Conseil de l’Union européenne, qui peut le modifier pour prendre en compte ces oppositions.

Simplifier la réglementation européenne

Enfin, un autre point de l’accord, qui n’a pas fait l’objet de difficiles négociations, rappelle que l’Union européenne doit renforcer le marché intérieur et mettre en place un certain nombre de mesures pour simplifier sa réglementation.

(…) une amélioration de la réglementation (…) suppose de réduire les charges administratives et les coûts de mise en conformité pesant sur les opérateurs économiques, en particulier les petites et moyennes entreprises, et d’abroger les dispositions législatives inutiles ainsi que le prévoit la déclaration de la Commission sur un mécanisme de mise en œuvre de la subsidiarité et un mécanisme de mise en œuvre de la réduction des charges, tout en continuant à assurer des normes élevées en matière de protection des consommateurs, des salariés, de la santé et de l’environnement.” - Conclusions du Conseil européen des 18 et 19 février 2016, Section B (Compétitivité).

Sources :

  • http://www.consilium.europa.eu/fr/meetings/european-council/2016/02/EUCO-Conclusions_pdf/

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